"Les jeux vidéo mènent à l'échec scolaire" "ils sont dangereux pour les enfants et les rendent accro". Qu'en est-il vraiment ? Le jeu vidéo est avant tout un jeu dont seul l'excès semble néfaste, alors comment organiser le temps de jeu ?
Jeu vidéo = échec scolaire ? Vrai ou faux ?
Pour Emmanuel Guitton, psychothérapeute pour enfants, la réponse est claire et nette : c'est faux. Le jeu vidéo c'est "un jeu d’échange et devient un jeu en réseau quand les enfants sont plus grands. Il est une véritable communication sur la cour de récréation. Les enfants parlent beaucoup de ce qu’ils voient, des solutions qu’ils trouvent, du plaisir qu’ils ont."
Le jeu vidéo fait partie du jeu d’aujourd’hui. Le jeu vidéo n’est pas un jeu dangereux.
Emmanuel Guitton
Alors quand il entend dire que ces jeux mènent à l'échec scolaire, Emmanuel Guitton n'est pas d'accord avec l'affirmation. Pour lui, "un bon élève joue aux jeux vidéo, par contre, il ne s’enlise pas dans le jeu vidéo, il ne fait pas que cela, il va chercher de la variété et va être curieux ailleurs. Quand un enfant se focalise sur un jeu vidéo, il y a quelque chose qui ne va plus dans le grandir, dans l’équilibre de l’enfant".
En d'autres termes, c'est le trop plein de jeux vidéo qui nuit, "quand il y a trop, il y a déséquilibre". Un constat partagé par Célia Hodent, spécialiste en expérience utilisateur de jeux vidéo et psychologue, dans une interview vidéo en tant que directrice de UX Design. "Il faut savoir ce qui pose problème et ce n'est pas le jeu. Le jeu est très important pour le développement de l'enfant et c'est important pour l'enfant de pratiquer des jeux différents. Jouer avec des jeux vidéo ne va pas poser de problèmes et va permettre de développer des habiletés, comme quand il joue au ballon, aux cartes ou aux dés".
Là où ça pose un problème, c'est quand l'enfant ne joue qu'à un seul jeu toute la journée. Il y a deux choses dont on est sûr qu'elles sont néfastes pour les enfants : c'est de ne pas dormir suffisamment et de ne pas avoir d'activités variées.
Celia Hodent
Pour savoir si le jeu vidéo avait un impact sur la scolarité des enfants, en 2012 des chercheurs espagnols en neurosciences ont lancé une étude pour évaluer le comportement et les capacités motrices et cognitives de 2440 enfants de Barcelone, âgés de 7 à 11 ans. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Annals of Neurology montrent que les enfants qui jouent aux jeux vidéo ont un meilleur temps de réaction aux stimuli que ceux qui n'ont jamais touché de console. Ils obtiennent aussi de meilleurs résultats scolaires.
Sur l'ensemble des participants à cette étude, 82% jouaient au moins une heure par semaine (environ 4 heures en moyenne). Ils jouaient essentiellement au football sur consoles et aux courses de voitures.
Il faut adopter un "règlement numérique" au sein de la famille
Pour limiter le temps de jeu vidéo des enfants, un "règlement numérique", est jugé impératif par Emmanuel Guitton "dans chaque famille. Mais supprimer le jeu vidéo serait très embêtant socialement." Il vaut mieux "éduquer nos enfants numériquement".
"Aujourd’hui, il existe une nouvelle éducation qu’on appelle l’éducation numérique. C’est-à-dire qu’on doit poser un règlement que l’on va décider ensemble. Ca c’est très important. L’enfant d’aujourd’hui ne supporte plus le despote parental. Si on impose aux enfants « tu ne joueras pas ce soir ou uniquement à tel moment dans le week -end", ca ne marche pas." L'idéal est également de prévoir une clause pour les parents, qui eux, devront lâcher leur téléphone une partie de la soirée.
"Si vous voulez que votre enfant s'arrête de jouer à un moment donné", explique Celia Hodent, "ca va être beaucoup plus simple si vous vous êtes intéressé à ce que fait votre enfant, à quel mode il joue, qu'est-ce qu'il aime faire. Demandez lui ce qu'il a gagné, s'il a construit quelque chose d'intéressant. Qui sont les amis avec qui il joue parce qu'il faut prendre en compte que quand les enfants jouent en ligne, ils sont multi joueurs et ils jouent avec leurs amis.
C'est bien que les parents sachent avec qui ils jouent pour se coordonner avec les parents des autres enfants pour fixer des limites et que tout le monde s'arrête de jouer au même moment.
Celia Hodent
Comme ça, il n'y a pas ce côté "mais, pourquoi tu me punis alors que les autres continuent de jouer ? "
Le jeu vidéo est-il addictif ?
Le jeu vidéo n'est pas dangereux, ni addictif en soi. 'Non, évidemment, le jeu vidéo n’amène pas l’addiction mais il faut borner le jeu et accompagner les enfants" rappelle Emmanuel Guitton.
Dans un article du Monde, le psychothérapeute Niels Weber, spécialiste des addictions aux écrans, invitait à rechercher les causes profondes de problèmes chez certains adolescents. Pour lui, le refuge dans les jeux vidéo et dans le monde virtuel est un symptôme d'un problème préexistant. C'est une conséquence d'un mal-être et non pas la raison de ce mal-être. "Quand l’enfant vole une carte de crédit à ses parents pour acheter toutes les danses dans Fortnite, il sait très bien que cela ne sert à rien" précise le spécialiste des addictions, "mais il dit : je l’ai fait. Je fais n’importe quoi. Ho, intéressez-vous à ce que je fais !"
Se servir des jeux vidéos pour échanger avec ses enfants
Nous l'évoquions plus haut, il est important de s'intéresser vraiment à la manière dont l'enfant joue et sur ce qu'il recherche dans le jeu vidéo, qu'il ne trouve pas nécessairement ailleurs. Il est aussi possible, et souhaitable, de jouer de temps en temps avec lui.
Jouer avec lui permet de se rapprocher. Et c'est, de plus en plus, une activité intergénérationnelle car les parents de maintenant ont souvent joué à Mario dans leur jeunesse. La nostalgie de ces jeux est telle que Nintendo a parié dessus dans le lancement réussi dans sa Switch. Savoir que le personnage et ses mouvements ne vous sont pas inconnus pourrait les étonner.
Pas de jeu vidéo avant 6 ans
A partir de quel âge un enfant peut-il jouer aux jeux vidéo ? Un élément de réponse est proposé par le psychiatre Serge Tisseron et son fameux "3/6/9/12" dans la vidéo ci-dessous.
Pas de télévision avant 3 ans car il faut privilégier les jeux traditionnels et la lecture. Il faut aussi laisser à l'enfant le temps de s'ennuyer.
Pas de console de jeu avant 6 ans et fixer des règles concernant sa durée d'utilisation.
A partir de 9 ans, il s'agit d'apprendre la gestion du temps d'écran et le fonctionnement d'Internet.
Et à partir de 12 ans, les ados doivent apprendre à cibler leurs activités et ne pas se réfugier sur leurs écrans par ennui.
La règle du 4 temps sans écrans
Pour penser la place des écrans dans le rythme de vie, on peut aussi se baser sur la règle des « 4 temps sans écrans » proposée par la psychologue Sabine Duflo. Elle ne concerne pas strictement les jeux vidéo mais cette règle peut s'appliquer car elle vise tous les écrans, chronophages et véritables aspirateurs à attention, et leur lumière bleue, nocive le soir.
Selon cette règle, les écrans devraient être bannis :