En cette journée du 8 mars des droits de la femme, plusieurs entreprises se targuent de leur index d’égalité professionnelle entre leurs salariés féminins et masculins. Mais à quoi sert exactement cet index ? Est-il vraiment fiable ?
Mis en place en 2019 par le ministère du Travail, l'index d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes permet aux entreprises de mesurer les écarts de rémunération entre les sexes et de mettre en lumière les disparités existantes. La finalité de cet outil est de mettre fin aux inégalités professionnelles. Un projet ambitieux quand on sait qu’en 2021, la différence de salaire (à diplômes, compétences et postes égaux) atteint 16,5 %.
Cette méthode est loin de faire l’unanimité du côté des syndicats ou des organisations féministes. Saluée en 2019, ces détracteurs déplorent aujourd’hui le manque de contrôle et la possibilité de biaiser ces chiffres.
Pour Anne-Sarah Moalic, historienne à l’université Caen Normandie et spécialiste de l’égalité femmes/hommes, les chiffres peuvent effectivement ne pas refléter la réalité entière : "un indicateur n’est qu’une photo : il ne creuse pas les causes des inégalités et il ne propose pas de leviers de changement. En outre, comme toutes les photos, il peut être « retouché ». Certains dénoncent des modalités de calcul de l’index peu exigeantes, voire peu transparentes. On trouve par exemple un « seuil de tolérance » qui peut modifier le calcul. Plusieurs points sont en débat et permettent de nourrir cette impression de manque de fiabilité de l’indice, au-delà du fait qu’il parait assez facile, en respectant la loi, d’être bien au-delà du seuil de 75 points.
On trouve par exemple des questions sur le paramètre « écart de rémunération », où l’employeur peut choisir des méthodes de répartition des postes selon ce qui l’arrange (CSP ou coefficient hiérarchique). On peut ajouter qu’il faut au moins 3 hommes et 3 femmes sur les postes observés pour répondre à l’index.
Beaucoup ne peuvent donc pas calculer cette partie de l’index, soit parce que les postes sont très genrés, soit parce qu’on a créé des catégories pour permettre de passer en dessous du cadre légal. Sur d’autres critères, on pourrait aussi dire que l’index ne s’intéresse qu’aux hautes rémunérations, et pas à la prépondérance des femmes dans les bas salaires, ou encore que l’index ne prend en compte que l’existence des promotions internes ou des augmentations de salaire, mais pas leur nature ni leur montant."
Cette spécialiste déplore le manque de contrôle et reconnait les limites de ce chiffrage : "en plus de la question de la fiabilité, l’index a un autre défaut qui tend à enfermer la question de l’égalité professionnelle sur les questions de recrutement, de salaire et de présence dans les hautes instances de l’entreprise. Cela cache tous les domaines dans lesquels se niche aussi l’égalité : sexisme, accès à des infrastructures dédiées (comme des vestiaires), etc. "
Toutefois, Anne-Sarah Moalic reconnait que « symboliquement, cela reste un index important, qui marque une volonté de faire avancer les entreprises sur ce sujet. »
Index 100 % = entreprise parfaite ?
Dans le Calvados, la société Webhelp est la seule entreprise du département qui affiche 100 % à cet index. Ce mardi 8 mars 2022, le préfet s’est rendu dans cette entreprise et a répondu aux reproches que l’on peut entendre sur la méthode de calcul de l’index égalité femmes/hommes : « l’idée de la loi de 2018 était de factualiser les problématiques liées au travail entre les hommes et les femmes. Comme tout index, c’est quelque chose de synthétique donc c’est quelque chose d’imparfait mais il mesure 5 éléments* qui paraissent déterminants. On est entré dans la logique du « Name and Shame » qui va consister à rendre public un certain nombre d’éléments. Dans le Calvados, on a 381 entreprises qui doivent publier leur index. Celles qui ne l’ont pas fait ont reçu des lettres de mise en demeure. Et ces entreprises doivent avoir un index au minimum égal à 75. Si ce n’est pas le cas, elles doivent mettre en place un plan d’actions et si elles ne le font pas, il y a une sanction financière qui sera appliquée et qui correspond à 1% de la masse salariale"
*Critères de mesure de l’index égalité femmes/hommes ·
- L’écart de rémunération femmes-hommes
- L’écart de répartition des augmentations individuelles
- L’écart de répartition des promotions
- Le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité
- La parité parmi les 10 plus hautes rémunérations
Le directeur de l’entreprise se réjouit de son taux mais ne compte pas s’arrêter là. En plus de le maintenir à 100, il a pour objectif d’agir contre d’autres critères de discrimination : « nous avons signé en 2019, un accord égalité femmes/hommes avec nos partenaires sociaux qui garantit aux salariés la non-discrimination à l’embauche, assure une équivalence de rémunération ce qui me semble le B. A. BA, forme nos managers à toutes les formes d’harcèlement. Nous avons deux salariés référents auprès desquels les employés peuvent se confier en cas d’harcèlement. Et concernant les femmes revenant d’un congé maternité, nous leur assurons pendant deux mois la moyenne de leurs primes au moment de son départ. Malheureusement en France, les femmes sont encore trop souvent rattachées aux tâches ménagères ou à la garde d’enfants. Chez Webhelp, nous avons signé un partenariat avec une conciergerie d’entreprise. Ainsi si une réunion se prolonge par exemple, une salariée peut faire garder ses enfants rapidement sans être stigmatisée comme ça peut être le cas dans d’autres entreprises ». précise Yann BARBIN directeur de Webhelp.
Egalité femmes/hommes : le bilan du quinquennat
En amont de la journée internationale des droits des femmes, les organisations féministes Oxfam France, Equipop et Care Franceont publié un nouveau rapport dressant le bilan de la « grande cause nationale du quinquennat » d’Emmanuel Macron.
Cette étude, réalisée avec la participation d’associations expertes des droits des femmes telles que la Fondation des Femmes, le Planning familial et ONE France, fait le point sur ces cinq dernières années marquées par de nombreux mouvements sociaux et vagues de mobilisation avec notamment, l’onde de choc #MeToo.
Le verdict est sans appel : le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron est largement insuffisant. Cliquez ici pour accéder à l'étude complète.