Journée internationale des droits des femmes : quelles avancées ? Quels combats restent à mener ?

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons interrogé Anne-Sarah Moalic docteure à l'université de Caen Normandie et spécialiste de l’égalité femmes/hommes. Elle évoque pour nous les avancées et les combats qu’il reste à mener dans la société française.

 Anne-Sarah Moalic est historienne et spécialiste des droits des femmes en France. À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, elle revient pour nous sur les combats gagnés et ceux qu’il reste a mener.  

Pour vous quand a débuté le féminisme ?

Anne-Sarah Moalic : Il existe au moins depuis le 19ème siècle ! Mais pour la période plus récente on parle de féminisme de la 2ème vague dans les années 70 avec la volonté des femmes de maitriser leurs corps. C’est dans cette décennie que l’on voit apparaître les lois autorisant la contraception et l’avortement. Autre point important la loi de 1965 sur la réforme du statut matrimonial. Une femme peut enfin ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de son mari. Il existe alors une plus grande égalité dans le couple. Auparavant, il existait des textes de lois aberrants. Je peux vous citer l’exemple d’une femme qui à l’époque avait voulu offrir un appareil photo à son mari, or elle a eu besoin de son autorisation pour une telle dépense ! 

Quelles sont les plus grandes avancées du féminisme en France ?

Au niveau de la loi, je distingue deux piliers dans les avancées pour les droits de la femme qui sont l’égalité professionnelle avec notamment le fait de rendre illégales les discriminations au travail, et l’égalité politique, avec par exemple la loi sur la parité en 2000. Au fil des décennies, on constate qu’il y a plus de place pour les femmes dans les entreprises. Il y a aussi plus de place pour elles en politique, je pense notamment à Yvette Roudy, une ministre (normande) des Droits de la femme durant le premier septennat de François Mitterrand. On peut se réjouir également du taux de féminisation de l’Assemblée Nationale avec notamment le bond qu’il y a eu lors des législatives de 2017. 

Que pensez-vous du mouvement Metoo ?

Cette libéralisation de la parole avec le mouvement Metoo peut aussi aider les hommes. Derrière une avancée féministe, c’est toute la société qui a profité de cette libéralisation. Des hommes ont ainsi pu dénoncer des faits d’inceste ou de viols dans l’Eglise par exemple.

En 2022, en France, est-ce que l’égalité femmes/hommes est une réalité ?

On peut toujours mieux faire évidemment mais le bilan est positif. L’Etat a pris à bras le corps ce problème. On constate une multiplication des textes depuis les années 2000/2010 pour corriger les inégalités. Bien évidement il faut continuer à les traiter à la racine. Il reste un large champ à explorer car aujourd’hui beaucoup de personnes ne sont pas choquées par ces inégalités. Elles ne voient pas où est le problème.  Pour certains même, on en fait trop. Même s’ils constatent une différence de traitement femme/homme, ce n’est pas problématique pour eux.  Malheureusement on constate que certaines filières sont encore extrêmement féminisés et souvent précaires. Elles révèlent bien souvent la question des familles monoparentales. De la faiblesse des salaires découlent des petites retraites et là encore ce sont bien souvent des femmes qui en souffrent.

Comment éduquer nos enfants à l’égalité des sexes ?

C’est pour les parents que c’est le plus facile de casser les stéréotypes notamment en proposant des livres d’histoires où il y a autant de figures masculines que féminines. Des clichés sont profondément ancrés et il faut en sortir. Il existe une pression sociale sur l’homme dès le plus jeune âge notamment sur la question de la virilité. Un petit garçon qui veut faire de la danse par exemple peut encore être moqué car ce n’est pas un « sport de garçon ». On accepte mieux l’idée qu’une fille pratique du football ou du rugby car elles se sont battues pour leurs choix (sportifs, professionnels, vestimentaires…).  

Le féminisme peut-il se faire sans les hommes ?  

Au contraire, la solution est à construire ensemble. Il ne faut pas opposer les femmes aux hommes comme certain.e.s le pensent. La pression sociale subie par les hommes continue lorsqu’ils entrent sur le marché du travail. Pour être un bon salarié, il faut être toujours plus performant avec une grande disponibilité. Des assignations à la masculinité qui pèsent sur eux. Par exemple concernant la paternité, c’est une bonne chose que le congé paternité ait été prolongé mais le congé parental est disponible pour les deux parents, or il est encore très mal vu pour un père de demander un temps partiel pour s’occuper de ses enfants. Par conséquent, ils ne sont pas nombreux à franchir le cap.

C’est le même problème concernant la contraception ?

Tout à fait, là encore tout repose sur les femmes. Les Français ont du mal à passer le cap de la vasectomie notamment à cause de cette image virile que la société leur colle depuis des siècles. Par exemple au Pays-Bas, le taux de vasectomie est plus élevé et mieux accepté. En France, c’est encore un sujet tabou.

Avez-vous confiance dans les jeunes citoyens pour poursuivre la lutte contre les inégalités ?

Les 18/25 ans est une génération qui se dit concernée par les droits des femmes et l’écologie par exemple mais on a du mal à percevoir leur engagement politique. En plus de s’indigner sur les réseaux sociaux et, parfois, de manifester, cette génération doit s’engager dans sa vie quotidienne et faire des propositions concrètes. On voit beaucoup de T-shirts à messages mais pas beaucoup de jeunes engagés.

Pour conclure Anne-Sarah Moalic précise que le cadre légal est là et que c’est à nous de l’habiter dans la sphère personnelle, à l’école, au travail et dans tous les endroits de la société.

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