En Normandie, première région de pêche pour la coquille Saint-Jacques, on salive déjà. La saison recommence lundi 3 octobre à minuit. La ressource se porte bien, mais les coûts de production ont augmenté pour les 300 bateaux qui se préparent à partir au large. D'où cette question : Quel serait le bon prix pour satisfaire à la fois les pêcheurs et ne pas trop effrayer les consommateurs ?
Pêcheurs, mareyeurs, poissonniers, chef cuisiniers et fins gourmets, ils sont tous sur le pont. De Dieppe à Granville, plus de 800 marins se préparent à lancer leurs dragues lundi, à minuit tapantes, pour récupérer ce joyau qui fait la fierté de toute la région. Mais, la magie opèrera-t-elle à nouveau ?
La Normandie, nouvelle reine de la coquille
En théorie, oui. D'après l'Ifremer, qui évalue les stocks chaque été, depuis 45 ans, "Nous sommes dans une nouvelle année record, note Eric Foucher, chercheur à l'Ifremer. On comptabilise près de 105 500 tonnes en 2022-2023 de ressources disponibles. C’est 6 fois plus qu’en 2000."
Ce n'est pas une surprise; mais le résultat d'efforts consentis par les pêcheurs depuis plusieurs années. "Les quotas sur le volume, la taille ou encore les restrictions sur les heures de pêche, toutes ces mesures portent leurs fruits ... de mer", se réjouit Dominique Lamort de Normandie Fraîcheur Mer.
C'est simple, l'an dernier, plus de 30 000 tonnes de Saint-Jacques ont été débarquées dans les ports normands. La région peut même se vanter d'être devenu le leader du marché, ne serait ce qu'en brandissant ce chiffre.
Plus de 7 coquilles Saint-Jacques françaises sur 10 pêchées en France sont normandes
Normandie Fraîcheur Mer
L'inflation pourrait-elle jouer les troubles fêtes ?
Sur les quais, les pêcheurs préparent leurs équipements, dragues et couteaux à dents et se montrent beaucoup plus prudents.
Le prix des métaux fait des étincelles et se ressent sur les factures. "Pour chaque marée de 24H, on utilise douze barres à dents. Avant, ça valait entre 13 et 15 euros, pièce. Aujourd'hui, c'est plus de vingt euros", constate Ulrick Comtesse, patron-pêcheur à Dieppe.
A Trouville-sur-Mer, Daniel Harache, patron du Caraïbes a déjà fait le calcul : "En une semaine, je vais dépenser 800 euros, rien que pour les couteaux. A cela s'ajoute le prix du gasoil. Les zones de pêche se trouvent à 25 miles au large, plus la navigation pour trouver les gisements et enfin le retour, on arrive vite à 3000 - 3500 euros de carburant pour la semaine. C'est simple, si les cours ne suivent pas, on va se poser des questions."
Tout va se jouer à la criée, à notre retour, mardi. Si le cours de la coquille est à moins de trois euros, ce n'est pas assez rentable. On repartira aux poissons, on a encore de l'encornet, des maquereaux et de la sole - ça nous coûte moins cher en matériel. Et on attendra l'ouverture de la Baie de Seine pour pêcher la coquille, ça sera plus près.
Daniel Harache, patron-pêcheur et président du syndicat des pêcheurs de Trouville-Sur-Mer
La pêche de la Saint-Jacques est en effet réglementée par zone, selon un calendrier bien précis. Le premier octobre s'ouvre la campagne au large. Deux semaines plus tard, les marins pourront aller dans la zone dite "proche extérieur" et enfin fin novembre, le graal. C'est Noël avant l'heure pour les pêcheurs, avec l'ouverture de la Baie de Seine, qui offrent aux gourmets des noix bien plus charnues.
Quel serait le juste prix pour la coquille Saint-Jacques ?
Dans un marché, soumis au jeu de l'offre et de la demande, difficile de prédire à l'avance. Même si depuis quelques années, la coquille se vend correctement.
"Avant, quand il y avait beaucoup de volume, comme aujourd'hui, les prix avaient tendance à s'écrouler, observe Dominique Lamort de Normandie Fraîcheur Mer, c'est moins vrai aujourd'hui. Depuis la crise sanitaire, les consommateurs cuisinent un peu plus. Ils se sont rendus compte que la coquille était un beau produit, facile à préparer et la demande est là. Ce qui permet de stabiliser les cours"
En criée, le kilo de Saint-Jacques se vendait l'an dernier entre 2,38 €, à Granville et 3.14 € à Dieppe, soit une moyenne régionale de 2.89 €. Nous parlons bien du prix payé aux patrons de bateau.
Pour connaître le prix, qui sera affiché sur les étals, tout dépend des intermédiaires. En Normandie, beaucoup de pêcheurs pratiquent la vente directe. Dans ce cas, il est possible de trouver des coquilles à partir de 4.50 euros le kilo.
Ensuite, il y a les intermédiaires, les mareyeurs qui vont se charger de conditionner le produit et de le transporter jusqu'à un revendeur - poissonneries et grande distribution. Pour des coquilles fraîches, non épluchées, si le cours, en criée, est à 3 euros le kilo, comme l'espère Daniel Harache à Trouville-Sur-Mer, vous pouvez espérer en trouver à partir de 6/7 euros.
C'est valable, encore une fois, si vous habitez non loin des côtes. A Paris, Lyon, Bordeaux ou Marseille, c'est une toute autre histoire. Question de transport. Il n'est pas rare de voir les étiquettes s'emballer et atteindre plus de 20 euros le kilo.
"La Grande Débarque", la 5ème saison ne fait que commencer
La coquille se drague, comme disent les amateurs de jeux de mots mais elle entend bien séduire aussi. Face à la concurrence de notre chère voisine, la Bretagne, la Normandie cherche toujours à convaincre les restaurateurs et consommateurs, à grand renfort de communication. D'où cette Grande Débarque, avec des animations et des dégustations organisées dans toute la France.
L'idée ? Informer sur la provenance et ses trois "Labels rouge", valoriser les engagements de la filière pour garantir une pépite nacrée de qualité et sublimer, avec la participation d'un grand chef, Frédéric Vardon, qui révèlera sur ce site ses recettes simples et originales à la fois.