Un mémorial a été inauguré ce mardi 20 août à Auberville en hommage à la brigade Piron. De l'Orne jusqu'à la Seine, cette unité, composée de soldats belges et luxembourgeois, a activement participé à la libération de la Côte Fleurie.
"Souvent ça se fait la nuit. On part en avant, pour protéger les deux flancs de l’unité et voir s’il n’y a pas d’ennemi embusqués, de mines, des barbelés, enfin pas d’obstacles. Et s’il y a quelque chose, on le signale avec des gestes, si la compagnie doit s’arrêter ou si elle peut continuer", raconte André Liégois, en mimant les manoeuvres avec ses bras. 80 ans plus tard, pour cet ancien éclaireur du premier groupement indépendant belge, les souvenirs sont encore vifs. A tel point qu'ils lui reviennent au présent.
"Il a fallu 80 ans. Mais le courage des Belges qui ont combattu l’Occupant allemand en Normandie après le D-Day a été reconnu ce mardi, à Auberville", débute l'article de nos confrères du quotidien belge Le Soir. Un autre journal outre-quiévrain, Le Soir, salue "le premier monument qui honore les soldats belges ayant aidé à la libération". Pont des Belges, avenue des Belges, la contribution de la brigade emmenée par commandant Jean-Baptiste Piron à la libération de la Normandie a pourtant laissé de nombreuses traces dans la région.
L'hommage de 22 communes normandes
Mais il aura en effet fallu attendre 80 ans pour qu'un véritable mémorial soit érigé en leur honneur. 22 communes normandes ont contribué à son financement. C'est la commune d'Auberville qui a été choisie pour l'accueillir. Au centre de l'opération Paddle qui libéra la Côte Fleurie, c'est là que la brigade Piron enregistra le plus grand nombre de pertes. Six soldats y perdirent la vie dans la nuit du 21 au 22 août 1944. Le monument a été inauguré ce mardi en présence des amabassadeurs de Belgique et du Luxembourg ainsi que de trois vétérans.
“C’est magnifique pour nous les Belges de voir que vous ne nous avez pas oubliés", confie Henri d'Oultremont. Malgré cet hommage solennel sans doute trop tardif, son frère d'arme, André Liégeois, ne semble jamais avoir douté. "Les Normands, de génération en génération, n’ont pas oublié. Et ils continuent à honorer nos amis qui sont restées en terres françaises", se réjouit l'ancien éclaireur, "Quand nous arrivons ici pour les commémorations, nous sommes reçus à bras ouverts partout, partout. Rien qu’à voir l’insigne sur ma veste, les Normands savent qu’on représente la brigade Piron qui a libéré le pays de la côte fleurie. Ils n’ont pas oublié, c’est formidable."
Le coeur qui bat "à 100 à l'heure"
Lors de ses visites dans la région, le soldat raconte parfois croiser des gens "qui, au moment des opérations, étaient haut comme trois pommes", des enfants qui se sont jetés dans se bras et ceux de ses camarades à libération et les reconnaissent des dizaines d'années plus tard. "On nous dit : vous vous rappelez que j’étais dans vos bras ? Je réponds : ce n’est pas possible que vous soyez dans mes bras. Mais si ! Et ben ça….il y a votre coeur qui bat, qui bat...", raconte le veil homme la main sur la poitrine, "à 100 à l’heure."
Pour la brigade Piron, l'histoire commence bien avant 1944. Comme les Français du commando Kieffer, de jeunes Bleges et Luxembourgeois ont décidé en 1940 de traverser la Manche pour rejoindre l'Angleterre et poursuivre le combat contre le régime nazi.
"On parlait marmelade"
"Il y avait eu un appel et des Belges de tous les pays étaient venus. On parlait un peu toutes les langues du monde ! Quand nous parlions entre nous, nous parlions un peu du français, un peu de l’Anglais, un peu de l’espagnol, on mélangeait tout, on parlait marmelade", se souveint André Liégeois. "Ce qui a fait la force de notre unité c’était qu’on était tous mélangés, il n’y avait pas de petits clans à gauche et à droite. De n’importe quelle nationalité, on défendait son copain. Même si on ne se comprenait pas. Et après, on essayait de se comprendre en parlant marmelade."
Quelques semaines avant le jour J, la brigade compte plus de 2000 soldats. Elle ne sera déployée qu'au milieu de l'été. Le commandement allié souhaite dans un premier temps la garder pour libérer la Belgique. C'est sur l'instance du commandant Jean-Baptiste Piron qu'elle débarquera finalement en Normandie fin juillet début août pour participer à l'opération Paddle avec pour objectif de rallier la Seine. Mission accomplie le 29 août. Le premier groupement indépendant belge aura perdu 27 hommes dans les combats sur les côtes normandes. Et retrouvera son pays cinq jours plus tard. Avant de poursuivre sa mission aux Pays-Bas voisins jusqu'au 27 novembre.
"Ça pourrait nous retomber dessus"
Si cet hommage rendu à la brigade Piron touche assurément Henri d'Oultremont en plein coeur, il est avant tout pour le vétéran nécessaire. "C’est important (de commémorer) sinon ce sera oublé et on n’y pensera plus. Surtout que moi je retrouve aujourd’hui la situation qu’il y avait avant 1940 au point de vue international. Il faut peut-être apprendre, aux jeunes en tout cas, que ça pourrait nous retomber dessus, de la même manière. Est-ce qu’on est prêt ou pas prêt à le faire ?" Il y a plus de 80 ans maintenant, Henri d'Oultremont et son camarade André Liégeois connaissaient la réponse. Et n'ont pas hésité.