Selon un rapport du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), entre 75 logements en 2028 et près de 80 000 d'ici la fin du siècle pourraient être menacés par le recul du trait de côte dans les départements de la Manche, du Calvados et de la Seine-Maritime.
Novembre 2023 à Mesnil-Val, hameau de Criel-sur-Mer en Seine-Maritime. Un amas d'herbe, de terre et de craie jonche la plage de galets. La veille, un pan de la falaise s'est subitement décroché, à quelques mètres seulement d'une résidence secondaire située sur les hauteurs et heureusement inoccupée. Les conséquences sont terribles. Une partie du jardin a été littéralement avalée. La maison est définitivement condamnée. La commune va la racheter pour la détruire. "Ces maisons ont une âme. J'ai rencontré les propriétaires qui venaient là tout petits avec leurs parents et leurs grands-parents. Les murs parlent, il y a plein d'histoires. Malheureusement, c'est une page qui se tourne", confessait à l'époque le maire (SE) de Criel-sur-Mer, Alain Trouessin au micro de France 3 Normandie.
Une soixantaine d'éboulements chaque année sur le littoral normand
Chaque année, une soixantaine d'éboulements se produit sur la côte normande. Qu'il s'agisse de la Manche, du Calvados ou de la Seine-Maritime, aucun département du littoral n'est épargné par l'érosion comme l'atteste un rapport publié ce vendredi 5 avril 2024 par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Et les prévisions ne sont guère rassurantes. D'ici la fin du siècle, 70 maisons de Criel-sur-Mer seraient par exemple menacées.
En Normandie comme ailleurs, la menace se fait de plus en plus pressante sous l'effet conjugué des phénomènes naturels, de la hausse du niveau de la mer et de l'activité humaine. L'érosion côtière grignote 20% du littoral français, soit environ 900 kilomètres, ce qui va rendre très prochainement des zones inhabitables, a prévenu le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu.
Environ 500 communes en France, dont un certain nombre en Normandie, ont ainsi été identifiées. "Le gouvernement travaille avec les maires pour mettre en place des plans de mesure", a par ailleurs précisé Christophe Béchu. Cela pourrait notamment concerner des indemnisations ou encore des relogements à l'arrière de la commune sur d'autres terrains.
En Normandie, 75 logements menacés à l'horizon 2028, près de 500 en 2050 !
Dans son rapport, le Cerema établit trois scénarios à l'horizon 2028, 2050 et 2100 en s'appuyant notamment sur des photos aériennes et des données satellites. Ainsi, en 2028, 75 logements - pour la plupart des maisons - seraient menacés par l'érosion côtière en Normandie. Dans le détail, 51 seraient concernés en Seine-Maritime, 19 dans le Calvados et 5 dans la Manche. Dans l'Hexagone, 1 046 bâtiments à risque ont été recensés.
Le scénario suivant nous amène en 2050. Jugé réaliste, il repose sur la hausse d'un mètre du niveau de la mer en prévoyant le maintien en l'état des ouvrages de protection comme les digues. Cette fois-ci, 482 bâtiments à risque, principalement des résidences principales et secondaires, seraient touchés dans la région (98 en Seine-Maritime, 75 dans le Calvados dont 1 hôtel et 4 campings et 309 dans la Manche dont 1 hôtel et 13 campings), soit près de 10% des locaux possiblement concernés en France (5 208).
17% des logements français menacés de disparition en 2100, le seraient en Normandie
Enfin, le dernier scénario est celui du pire, celui de l'"inaction". Il repose sur la "disparition complète des structures de défense côtière et l'inondation progressive de toutes les zones topographiquement basses du littoral". Si rien n'est fait d'ici 2100, le littoral normand perdrait 79 788 habitations d'ici à la fin du siècle pour une valeur vénale, estime le rapport, de plus de 10 milliards d'euros.
Rien que dans la Manche, 50 hôtels et 70 campings pourraient être rayés de la carte. C'est ainsi que 17% des logements voués à disparaître en France le seraient dans les trois départements précédemment cités : la Seine-Maritime, la Manche et le Calvados. Une proportion, on le voit, qui augmente avec les années. Si le pire devait arriver, la Seine-Maritime serait le cinquième département français qui perdrait le plus de logements en raison de l'érosion côtière.
Cette étude montre qu'il ne faut pas attendre pour s'adapter et que le scénario de l'inaction, celui de 2100, a un impact extrêmement fort tant du point de vue économique que de notre capacité à vivre sur les territoires littoraux
Sébastien Dupray, directeur "Risques, eaux, mer" du CeremaAFP
"Il n'y a pas de solution nationale qu'on pourra plaquer partout sur le territoire parce que les côtes de Camargue sont basses et sableuses, tandis que les côtes normandes sont hautes avec des falaises en craie", a-t-il spécifié, soulignant aussi que "le tout digue n'est pas la réponse".