Les étourneaux envahissent la Normandie, les agriculteurs démunis et inquiets

Après avoir colonisé les exploitations de la Manche en décembre 2022, les étourneaux envahissent désormais celles du Calvados. La présence de centaines de milliers de spécimens représente aussi bien une gène qu'une inquiétude pour les agriculteurs normands.

La problématique de la présence massive des étourneaux en hiver n'est pas nouvelle en Normandie. Chaque année, d'octobre à mars, de nombreuses campagnes d'effarouchement doivent être organisées afin d'éviter l'installation de ces oiseaux dans des zones où leur présence peut être source de gène. 

Si les nuées d'étourneaux sont de magnifiques phénomènes à observer, elles s'accompagnent de forts désagréments. En ville, les fientes de ces oiseaux peuvent recouvrir les voitures, les trottoirs, et parfois même les cimetières comme à Rouen en 2017. Leurs cris génèrent aussi des nuisances pour les riverains des arbres dans lesquels ils nichent. 

Les craintes sanitaires des agriculteurs

En cette période hivernale 2022-2023, les campagnes d'effarouchement ont commencé très tôt, dès la fin du mois de septembre à Caen par exemple. Il s'agit en premier lieu de diffuser des cris de geais, prédateurs des étourneaux. Si cela ne fonctionne pas, il est possible de recourir à des pétards, des fusées crépitantes ou des rayons lasers. Mais ces procédés sont-ils encore efficaces ? La question mérite d'être posée car quatre mois plus tard, les étourneaux posent toujours autant de problèmes, voire davantage. 

Attirés par la chaleur des centres-villes, ils investissent aussi les campagnes, notamment pour se nourrir. Friands de maïs et de tournesol, les étourneaux se rapprochent aussi des fermes. Et ce n'est pas sans poser plusieurs soucis aux agriculteurs. 

Dès que je donne de la nourriture à mes vaches, ils débarquent immédiatement en nombre pour picorer les graines, même dans la stabule Les toits de mes bâtiments agricoles sont couverts de fientes, les sols alentours aussi. C'est potentiellement dangereux car les excréments des étourneaux peuvent contenir la salmonellose. Cela peut avoir un impact sur la qualité et la quantité de la production laitière, et cela peut aussi occasionner des avortements chez les animaux gestants.

Jonathan Lenourichel, agriculteur à Formigny-la-Bataille (14)

Dans le Bessin, et plus largement dans Calvados, il est loin d'être le seul impacté par la présence de ces oiseaux migrateurs en grand nombre. Si bien que la Chambre d'agriculture a pris le soin de diligenter une enquête auprès des exploitations du département. "Avant, on les gérait en une fois, sur deux jours et on ne les revoyait plus. Là, ils sont vraiment établis". 

La Manche connait bien le phénomène. Chaque année, la tourbière de Baupte dans le Parc régional des Marais du Cotentin subit l'assaut de dizaines de milliers d'étourneaux. Un cauchemar pour les agriculteurs du secteur. Début décembre, la FDGDON (Fédération départementale des groupements de défense contre les organismes nuisibles) y a recensé 500 000 étourneaux, ce qui n'est pourtant pas un record. Elle a même découvert un autre dortoir de 200 000 oiseaux dans le Sud du département, à Saint-Loup, près d'Avranches. 

La présence des étourneaux engendre une pression énorme sur les exploitations. En octobre, ils picorent les semis de blé et d'orge réduisant la production finale. Ensuite, ils viennent manger le maïs et le tourteaux des bovins. Ceux-ci mangent moins, cela se ressent sur la qualité et la quantité de la production laitière, en baisse moyenne de 2,5 à 3 litres par vache et par jour. Au total, sur la période d'hivernage des étourneaux, une exploitation agricole perd en moyenne 10 000 euros.

Antoine Métayer, directeur de la FDGDON de la Manche

Pourtant, ces oiseaux migrateurs sont moins nombreux qu'il y a trente ans selon les observations du GONm, le Groupe ornithologique normand. "Il y en a en gros un tiers de moins depuis 1992, explique Gérard Debout, son président. Donc on ne peut réellement pas dire qu'il y en a plus", conclue-t-il.

Des solutions loin d'être idéales 

Alors que faire ? Face à la présence des étourneaux, les agriculteurs comme Jonathan Lenourichel se disent "démunis". Des solutions existent bien, mais elles peuvent s'avérer onéreuses ou peu éthiques. Certains exploitants se sont équipés avec des pistolets d'alarme tirant des fusées lumineuses, ou bien des lasers. Pour acquérir un effaroucheur pyrooptique, dispositif le plus autonome et performant, il faut débourser au minimum 1 800 €, sans compter les recharges. 

Mais tenter d'effrayer les étourneaux a ses limites. Les années passent et les volatiles développent une capacité d'accoutumance aux systèmes d'effarouchement. Si bien que les organismes de lutte contre les nuisibles proposent désormais une "claustration" des stabules. En résumé, il s'agit d'isoler par des grillages les bâtiments où se situent les mangeoires des bovins, d'installer des bavettes en caoutchouc sous les portes et de calfeutrer les espaces entre les toitures. Des investissements assez lourds et peu subventionnés, même si certaines collectivités, comme le Département de la Manche, proposent une aide financière. 

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Le Bessin envahi par les étourneaux Reportage dans une exploitation agricole de Formigny-la-Bataille et auprès du Groupement ornithologique normand ©France Télévisions

S'adapter pour vivre ensemble

Mais il existe aussi une solution de dernier recours, l'abattage d'une partie des oiseaux par balles. "Quand les étourneaux voient certains de leurs congénères disparaitre à un endroit, ils n'ont pas forcément envie d'y revenir", explique Antoine Métayer. Une solution radicale, et apparemment efficace... "à court terme, et surtout inutile et inhumaine" selon Richard Grège, de la LPO Normandie.

"La Normandie et la Bretagne sont des terres d'hivernage, pour des millions d'étourneaux chaque année. Les tuer ne servirait à rien parce qu'ils seront de toute façon remplacés par d'autres", poursuit le défenseur d'animaux "qui étaient là bien avant nous et qui resteront bien après. Les agriculteurs n'avaient pas ces problèmes quand les vaches ne mangeaient que de l'herbe". En attendant, aux exploitants de s'adapter. Les étourneaux, quant à eux, ont déjà prévu de revenir séjourner dans la région l'année prochaine. 



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