Les fous de Bassan victimes à leur tour de la grippe aviaire sur les côtes

Au début de l'été, de nombreux cadavres de goëlands, victimes de la grippe aviaire ont été découverts sur les côtes normandes. Depuis le mois d'août, le virus semble avoir changé de proie. Les fous de Bassan, le plus grand oiseau marin d'Europe, succombent en nombre sur les plages.

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Le premier foyer de grippe aviaire a été détecté en France en novembre 2021, dans le département du Nord. Le virus, hautement pathogène, avait déjà fait son apparition durant l'été dans plusieurs pays européens. Il s'est ensuite diffusé dans l'ouest de la France (d'abord le sud-ouest avant de remonter vers le nord). La situation semblait s'être améliorée au début du mois de mai 2022. Mais de nouveaux signaux d'alerte sont survenus peu avant l'été. De nombreux cas de contamination ont été recensées dans la faune sauvage sur le littoral de la Manche, forçant des préfectures à prendre des mesures de restrictions vis à vis des élevages.  "Il y a eu plus de 1000 cadavres de goëlands sur le Calvados", indique James Jean-Baptiste, ornithologue et membre du groupe ornithologique normand, "Ça a bien tapé dans l'espèce.

Depuis plusieurs semaines, les cadavres de goëlands ont disparu des plages normandes. "Il est probable que ça a tué les plus faibles, les moins armés. Le reste a été immunisés contre le virus. Jusqu'à une prochaine mutation du virus qui pourra les toucher." Et les récentes macabres découvertes faites par les spécialistes des oiseaux sur les côtes de la Manche et du Calvados suscitent justement l'inquiétude.

"Tout le front de mer du Calvados est touché"

L'épidémie frappe désormais le fou de Bassan, le plus grand oiseau marin d'Europe (1m80 d'envergure). "A l'heure actuelle, on ne trouve plus que des cadavres de cette espèce-là, partout en France. C'est une hécatombe. J'ai parcouru six kilomètres de côtes ce matin, j'ai trouvé quinze cadavres sur Courseulles-sur-Mer, Graye-sur-Mer et Ver-sur-Mer. Un collègue qui était sur Omaha beach en a aussi trouvé. D'autres en ont trouvé à Hermanville, Colleville. Ca veut dire que tout le front de mer du Calvados est touché par des arrivées d'oiseaux qui viennent mourir en mer ou se poser complètement affaiblis."

Plus d'une quinzaine de cadavres de fous de Bassan ont été découverts sur les plages du Calvados par le groupe ornithologique normand pour la seule journée du mardi 30 août. © James Jean-Baptiste/ Groupe ornithologique normand

Des tests ont révélé la présence du virus sur de nombreuses dépouilles. "D'après les laboratoires, il y aurait deux souches différentes entre les oiseaux qu'on a trouvés en début de saison estivale (les goëlands) et les fous de Bassan. On ne serait pas du tout sur la même souche." La mutation a donc bel et bien eu lieu. "C'est le propre du virus aviaire. C'est un virus qui ne cesse de muter constamment . Il veut vivre et sa survie ne se fait qu'en mutant le plus souvent possible et en essayant de taper le plus grand nombre d'espèces possibles.

Une colonie à Aurigny

Dans la région, le fou de Bassan niche sur l'île anglo-normande d'Aurigny pour donner naissance à ses petits. 6 à 7 000 couples migrateurs y viendraient passer l'été chaque année. Sa très grande taille n'est pas la seule caractéristique de ce géant des airs. "Quand il repère un poisson, il tombe dans l'eau en mettant ses ailes en arrière, telle une torpille, pour aller le plus profondément possible. Contrairement aux autres oiseaux, il n'a plus de narines. Du fait de sa capacité à plonger très haut, la corne a poussé sur ses narines pour éviter que la pression de l'eau, quand il plonge, explose le cerveau. Il doit respirer le bec ouvert."

Une autre caractéristique de l'espèce, son mode de vie, suscite une vive inquiétude chez les spécialistes. "Ce sont des oiseaux grégaires, qui ne vivent que sur un rocher à Aurigny. Ils se côtoient tous et comme le virus se transmet uniquement par les sécrétions - salive et fiente- les oiseaux qui vivent en groupe sont les plus sensibles", explique James Jean-Baptiste, qui craint de voir le virus se diffuser prochainement chez d'autres espèces "qui ont le même système de vie, les limicoles puis les canards qui vont arriver en octobre."

"On n'y touche pas et on ne l'enterre surtout pas"

Si le virus de la grippe aviaire n'est pas transmissible à l'homme, les autorités sanitaires recommandent d'éviter tout contact avec les oiseaux morts ou souffrants. "On ne peut rien faire pour eux. On ne peut pas les soigner et on ne peut pas les transporter parce que si on les emmène dans un centre de soins, ils vont contaminer les autres oiseaux." Car le moindre contact, même indirect (une chaussure par exemple) peut contribuer à la propagation du virus, notamment dans les terres où se trouvent des élevages. "On y touche pas et on ne l'enterre surtout pas parce qu'il ne faut pas cacher sa présence. Le virus peut vivre plusieurs semaines."

La marche à suivre est de prendre contact avec l'Office français de la biodiversité (au 02 31 61 98 53 dans le Calvados et au 02 33 07 40 32 dans la Manche). L'OFB viendra prélever le volatile ou demandera à la commune concernée de le retirer de la plage. "Ce qui est vraiment inquiétant, c'est la promiscuité avec les cadavres. Les gens se baignent à côté, bronzent à côté, les chiens vont lécher les oiseaux, ça veut dire que ce virus hautement pathogène est en train de circuler", s'alarme James Jean-Baptiste, "Moi, ça ne me viendrait pas à l'esprit de poser ma serviette à côté d'un cadavre, ne serait-ce que pour l'odeur. Il y a une réelle insouciance."

La principale colonie de fous de Bassan en France (40 000 oiseaux) n'est pas épargnée. Plusieurs centaines d'oiseaux morts ont été recensés sur sur l'île de Rouzic, au large de Perros Guirec, dans les Côtes d'Armor. Plus au sud, c'est l'île d'Oléron qui a récemment été placée en vigilance renforcée après la découverte de fous de bassan contaminés. Selon nos collègues de France 3 Nouvelle Aquitaine, l'espèce est frappée par le virus un peu partout en Europe. La colonie de Bass Rock, en Écosse, a également vu périr des milliers d'oiseaux.   

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