La nouvelle fait l'effet d'une douche froide à Lisieux (Calvados) où est produit le médicament le plus vendu en France. "L'ambiance est très tendue", confie un représentant syndical, pas rassuré par le communiqué de Sanofi qui promet que la vente n'aura "pas de conséquence sur l'emploi".
En apparence, c'est une journée comme une autre à l'usine Sanofi de Lisieux. Aucune agitation apparente. Les chaînes continuent de produire le Doliprane. Le marché n'est jamais rassasié. Les robots tournent à plein régime pour fabriquer les comprimés, les gélules, les sirops et les sachets de poudre. L'établissement emploie 260 salariés.
Pourtant, le climat a soudainement changé à l'intérieur des murs. Le délégué CGT parle d'une "ambiance très tendue. C'est un peu Allumez le feu, à la Johnny". Les représentants du personnel ont été conviés à une réunion avec la direction pour évoquer la nouvelle du jour : Sanofi est entré en négociation exclusive avec le fonds d'investissement américain CD&R pour le rachat de sa filiale Opella.
"C'est tendu, c'est un peu Allumez le feu, à la Johnny"
En quittant le travail à 13h, les salariés de l'équipe du matin. "On nous a donné quelques informations parce qu'il y a eu des annonces dans les médias, sinon, on ne nous aurait rien dit", rumine Nelly, assise dans sa voiture. "Nous sommes très déçus", ajoute Philippe qui est au volant à ses côtés. Avant de remonter sa vitre, Nelly livre le fond de sa pensée : "On est des pions".
L'affaire se tramait en coulisse depuis quelques mois. Le géant pharmaceutique entend se concentrer désormais sur les vaccins et les traitements innovants, plus rentables. Toutes ses activités grand public avaient été regroupées dans cette filiale baptisée Opella. La branche était déjà presque coupée : "Opella fonctionne déjà comme une entité autonome", indique Sanofi dans son communiqué.
Un deal à 15 milliards
Plusieurs prétendants s'étaient fait connaître, alléchés par le potentiel commercial de l'ensemble. La star de la maison, c'est le Doliprane, la marque de paracétamol la plus prescrite et la plus connue en France. D'autres médicaments vedettes comme le Mucosolvan ou la Lysopaïne assurent une belle rentabilité. Opella regroupe 115 marques. La filiale opère dans une centaine de pays et elle emploie 11 000 salariés.
La fonds français PAI Partners a longtemps semblé être le mieux placée pour reprendre Opella. D'autres candidats étrangers s'étaient déclarés. Finalement, Sanofi a retenu l'offre de CD&R. La transaction est en cours. Le groupe pharmaceutique français en dira davantage "en temps voulu, lorsqu'une décision aura été prise".
Selon les Echos, le fonds d'investissement "a offert 15,5 milliards d'euros" pour l'emporter. L'équipe de l'après-midi arrivce à l'usine. Une salariée confie : "Tant que Sanofi est engagé, on a des garanties. Pour la suite, on n'est pas sereins". Une autre s'inquiète "pour la sécurité de l'emploi et les acquis".
À Lisieux, le passage sous pavillon américain nourrit aussi des craintes de délocalisation. La direction de Sanofi garantit pourtant que la vente 'n'aura pas de conséquence sur l'empreinte industrielle ni sur l'emploi". Devant la porte d'entrée, un salarié résume le sentiment général : "On est dans l'attente"