Le 11 août 2023, Stéphane Vitel, principal du collège Laplace de Lisieux était retrouvé mort dans son établissement après une alerte intrusion. Début décembre, le parquet annonçait que la mort était sans doute naturelle. Or, pour la famille de la victime, la raison est forcément criminelle.
"À notre connaissance, il était en bonne santé, il était sportif. On faisait beaucoup de sport. Chaque vacances, chaque semaine, on courait", Jeanne Mailhos-Vitel ne peut se résoudre à accepter que son mari soit décédé d'une mort naturelle, au petit matin vendredi 11 août 2023, dans le collège Simon de Laplace de Lisieux.
Son épouse dépeint une scène "de crime"
Alors que le couple partait en vacances dans le Sud avec ses enfants, le principal avait fait un crochet par son établissement pour un contrôle de routine après une alerte intrusion. "Il était allé dans le collège. Ensuite, il était revenu à la voiture nous dire 'il y a une porte grande ouverte, j'y retourne'...", mais il n'est jamais revenu.
J'étais convaincue qu'il s'était passé quelque chose et je le suis toujours. La position dans laquelle on l'a retrouvé, au milieu de la pièce, allongé sur le dos, les bras en croix, les jambes écartées, avec un coup à la tête, sur la tempe, et les lunettes loin de son corps, font que je reste persuadée qu'il n'est pas décédé d'une mort naturelle.
Jeanne Mailhos-Vitel, veuve de Stéphane Vitel
Pourtant, début décembre, le procureur de la République de Caen était formel. "Les éléments médico-légaux penchent en faveur d'une cause naturelle de la mort. Tout laisse penser que Stéphane Vitel a succombé à un problème cardiaque".
Or, si Jeanne Mailhos-Vitel conçoit qu'une mort subite peut arriver, elle ne peut s'empêcher d'en douter dans le cas du décès de son mari. "Il n'avait pas de maladie préexistante connue, et même s'il avait des soucis de santé, j'aimerais que l'on poursuive les investigations, car ce n'est pas forcément l'unique explication de la mort".
La voiture qui part en trombe...
La compagne du défunt a eu accès au dossier d'instruction. Elle estime que les enquêteurs ont "bien travaillé", qu'ils ont amassé beaucoup d'informations. Maintenant, elle souhaite que "quelqu'un fasse une bonne synthèse, tire sur les bons fils". De cette funeste nuit, Jeanne Mailhos-Vitel ressasse notamment un fait particulier.
J'ai vu une voiture partir en trombe, passer devant le collège, à 120 km/h, à 6h40. Je me suis dit : "c'est quand même étrange, un samedi matin du mois d'août, de rouler aussi vite, de se dépêcher".
Jeanne Mailhos-Vitel, veuve de Stéphane Vitel
"La thèse d'une mort naturelle n'est pas audible !"
Dans sa quête de vérité, l'épouse du défunt principal est appuyée par son avocat, Me Claude Marand-Gombar. Ce dernier remet lui aussi en cause la conclusion de Joël Garrigue, procureur de la République de Caen. "Il y a eu une communication faite laissant entendre que ce dossier est quasiment terminé, qu'il y aurait une seule explication, qui serait celle d'une mort naturelle du principal du collège Laplace. Or, ce n'est absolument pas les éléments que nous avons au dossier. Nous sommes convaincus que la thèse d'une mort naturelle n'est pas audible".
Pour le conseil de la famille Vitel, la conclusion du Parquet est "en toutes hypothèses, très largement prématurée". L'instruction criminelle n'est pas terminée, des investigations sont encore en cours. D'où la prise de parole publique de la partie civile. "Il faut trouver la vérité, et la vérité ce n'est pas une mort naturelle. En tout cas, cela n'est pas possible, ou alors nous n'avons pas les mêmes dossiers les uns et les autres".
Une mention "Mort pour le service de la République" accordée ?
Maître Marand-Gombar estime que certaines pistes n'ont pas été assez explorées."Y'a-t-il eu d'autres individus, d'autres personnes présentes dans l'établissement ? A-t-on caché un certain nombre de choses aux enquêteurs. Est-ce que l'on est allé jusqu'au bout des investigations, est-ce qu'on a suffisamment recoupé les témoignages reçus". L'avocat ne parle pas d'affaire bâclée, puisque l'instruction n'est pas terminée. Toutefois, il estime que les zones d'ombre présentes dans le dossier suffisent à considérer le décès comme étant suspect, et non pas naturel.
L'instruction n'étant pas terminée, les parties civiles ont droit de demander un complément d'instruction, rappelle le procureur de la République de Caen, qui persiste toutefois. "À ce jour, nous ne disposons pas d'éléments pouvant remettre en cause une mort naturelle qui montreraient la présence d'autres personnes sur les lieux".
En parallèle, le père, la mère et la femme de Stéphane Vitel ont envoyé un courrier au premier Ministre Gabriel Attal, présent aux obsèques l'été dernier, pour que la mention "Mort pour le service de la République" soit décernée à l'ancien principal du collège.