Un gendarme de la Garde Républicaine soupçonné de maltraitance sur des chevaux et de violence envers une collègue, jugé, ce mardi 7 novembre 2023, au tribunal correctionnel de Lisieux dans le Calvados.

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Neuf mois après sa dénonciation, le militaire est à la barre devant le tribunal correctionnel de Lisieux (Calvados) pour des soupçons de "sévices graves ou actes de cruauté" sur des chevaux de la Garde Républicaine, mais aussi pour "violence sans ITT" sur une de ses collègues.

Mais dès le début de l'audience de ce mardi 7 novembre 2023 en début d'après-midi, Me Yves Jégo, l'avocat du gendarme mis en cause dans ce dossier, demande le renvoi de l'affaire. Il pointe du doigt l'enquête concernant son client. Pour lui, "c'est une enquête, qui vise un gendarme, menée par des gendarmes, ce n'est pas une procédure équitable". Il base également sa demande sur une information complémentaire pour entendre un témoin "qui paraît primordial pour ce dossier".

Une demande de renvoi de l'affaire non retenue

De leur côté, la partie civile, composée de l'association Action Protection Animale et la Fondation aux animaux, la Fondation Brigitte Bardot, l'association Stéphane Lamart, la Société Nationale pour la Défense des Animaux (SNDA) et le substitut du procureur, se sont opposés à cette demande de renvoi, estimant qu'il y avait assez d'éléments.

Après une courte suspension, la Présidente du Tribunal décide de retenir l'affaire : "Le dossier peut être jugé en l'état, la demande de renvoi n'a pas lieu. Concernant le supplément d'information concernant un témoin, il n'a pas lieu d'être non plus, nous avons un courrier de ce témoin en question, nous pouvons le lire à la cour". Le procès du militaire peut donc commencer.

"Des sévices graves ou actes de cruauté"

La présidente du tribunal évoque : 

"Des claques sur la tête, des coups de fourches, des coups de pied au ventre sur cinq chevaux différents".

Présidente du tribunal

Tous attendent des explications pour comprendre, mais le prévenu décide de garder le silence.

En arrêt longue maladie, le militaire de 41 ans ne parlera que très rarement pour expliquer que c'est en 2018 qu'il rejoint le détachement de la Garde Républicaine de Saint-Arnoult, près de Deauville dans le Calvados, constitué de huit gendarmes et quatre chevaux, là où les faits reprochés auraient été commis. Il partage sa passion pour les chevaux qu'il monte depuis l'âge de quatre ans et raconte aussi qu'il a toujours aimé enseigner l'équitation et que dans son travail, il n'a jamais eu de rappel à l'ordre.

La présidente du tribunal évoque tout de même des "manquements et un rapport de discipline" et aussi une formation, suivie par le prévenu, aux techniques douces pour gérer les chevaux. Le prévenu répond qu'il a "toujours respecté la hiérarchie" et affirme ne pas avoir été violent envers des chevaux, "ce ne sont pas mes pratiques", précise-t-il.

Pourtant, selon la justice, plusieurs témoins rapportent ces faits de sévices. Des témoins directs "choqués" par les actes reprochés au prévenu.

Aucun examen vétérinaire dans le dossier

Les faits auraient été commis pendant plus de six mois entre août 2022 et janvier 2023 à Saint-Arnoult, près de Deauville. C'est en janvier 2023 que l'affaire éclate après un signalement. Mais dans ce dossier, pas d'examen vétérinaire pour constater les "sévices". Pour le substitut du procureur : "Ces faits se sont déroulés durant l'été et l'automne 2022. Lorsque l'enquête est ouverte, plusieurs mois sont passés donc peu de chance que des traces de lésions soient visibles après tout ce temps".

De son côté, Me Yves Jégo regrette que ces examens n'aient pas été faits. Il ne comprend pas non plus pourquoi les gendarmes en charge de l'enquête ne sont pas allés au pôle international du cheval de Deauville que le prévenu fréquentait ou encore dans son haras puisque ce dernier détient une écurie avec une vingtaine d'équidés : "aucune contestation n'a été faite", lâche ce dernier.

"Violence" sur une collègue

Cette affaire comporte un deuxième volet. Le prévenu est aussi accusé de "violence sans ITT" sur une collègue de travail. La présidente du tribunal explique qu'à l'automne 2022, l'homme "entre dans le bureau de sa collègue, elle aurait reçu une claque sur ses fesses en présence de deux autres gendarmes".

Considérant que c'est un acte isolé et puisqu'il s'est excusé après ces faits, la gendarme décide de ne pas porter plainte. Elle se constitue tout de même partie civile au soutien de l'action publique.

Le prévenu "victime d'un complot" ?

Pour Me Yves Jégot, son client aurait été traîné dans la boue, "victime d'un complot". Selon des témoignages recueillis par ce dernier, "l'ambiance au sein de la brigade était délétère, il y avait deux clans". Le fameux témoin que l'avocat voulait faire comparaître en demandant le renvoi de l'affaire le dit également. 

Mais le substitut du procureur précise que : "plusieurs témoins directs ont vu les faits, certains disent même qu'il en est coutumier".

Me Yves Jégot estime que ce sont des "allégations". L'avocat ajoute : "les chevaux ne parlent pas, il faut communiquer avec eux. On ne doit pas être brutal, mais j'imagine qu'on doit pouvoir donner une petite tape sur le museau, un petit coup sur le flan avec une fourche à l'envers pour qu'il s'écarte sans pour autant que ça constitue une violence".

"C'est trop rustique, pas assez Deauville"

Maître Yves Jégo

Avocat du prévenu

"C'est un excellent professionnel et c'est pour ça que j'ai tenu à lire devant la cour les nombreux témoignages en ce sens". Une plainte pour diffamation de la part du prévenu va sûrement être déposée.

4 mois de prison avec sursis requis par le parquet

"En vingt-cinq ans de plaidoiries, c'est la première fois qu'un gendarme de la Garde Républicaine est confronté à l'autorité judiciaire pénale avec des actes de cruautés à l'encontre de chevaux" explique Me Patrice Grillon, l'un des avocats de la partie civile. Il représente l'association Stéphane Lamart et la Société Nationale pour la Défense des Animaux (SNDA).

Il ajoute : "Sur le plan juridique, donner des coups à un animal quel qu’il soit est un délit de sévices graves et actes de cruauté, compte tenu du métier de ce monsieur, c'est même 4 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende auxquels il s'expose".

Les associations demandent des dommages et intérêts à hauteur de 1000 à 3000 euros. Lors de cette audience, le tribunal a été frustré de ne pas avoir d'explications de la part du prévenu qui a fait jouer son droit au silence.

Au vu de ce silence, le substitut du procureur se dit inquiet sur une réitération des faits de maltraitance, sans condamnation. Il requiert donc quatre mois d'emprisonnement avec sursis, puisque c'est une première condamnation, avec inscription au casier judiciaire et une interdiction d'être gendarme à cheval durant quatre ans. Le parquet requiert également 135 euros d'amende pour violence sans ITT à l'égard de sa collègue.

La décision est mise en délibérée. Elle sera rendue le 5 décembre prochain.

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