Un jeune phoque a élu domicile sur la plage de Merville-Franceville depuis l'été dernier. Il est devenu, malgré lui, une véritable attraction. La présence de cette espèce protégée n'a pourtant rien d'exceptionnel. L'animal vient chercher sur le sable le repos et la tranquillité.
Voilà bientôt trois mois que le mammifère marin a élu domicile sur la plage centrale de Merville-Franceville. Certes, il a fait quelques infidélités à la station balnéaire en allant s'aventurer chez les voisins de Saint-Aubin-sur-Mer, mais il est vite revenu s'allonger sur le sable à proximité du centre de secours. Visiblement, il s'y sent bien. Âgé d'environ trois ans, ce phoque gris n'a pas encore tout à fait atteint l'âge adulte. Il mène sa petite vie tranquille dans son coin en attendant, peut-être un jour, de rejoindre la colonie qu'on aperçoit au large longer les côtes. Mais ces derniers jours, sa plage est devenue beaucoup moins tranquille.
A la faveur du beau temps et des vacances, les promeneurs affluent en masse sur le sable, des touristes pas toujours au fait des comportements à adopter face à un animal sauvage et désireux de ramener un souvenir à tout prix. "Il y a une course à l'image qui est insupportable. Tout le monde veut avoir son portrait avec le phoque. Hier (ce dimanche), c'était invraisemblable : il y avait des enfants tout petits, pas plus de deux ans, qui étaient poussés par leurs parents vers l'animal pour prendre une photo", s'insurge Delphine Méon, adjointe en charge de l'urbanisme à la mairie de Merville-Franceville.
Une mâchoire "plus puissante qu'un pitbull"
Le phoque, comme tous les mammifères marins en France, est une espèce protégée. "Une perturbation intentionnelle est passible d'une amende de 750 euros", rappelle Marie Francou, du Groupe Mammologique Normand. Une distance d'environ 50 mètres doit être respectée. Pour la sécurité de tous, animaux comme humains. "J'ai peur de l'accident", indique Delphine Méon, "Des fois, un enfant se retrouve à moins d'un mètre. Il est gentil notre phoque, pas agressif. Mais un coup de queue et l'enfant peut se retrouver par terre. Il a des griffes plus grosses qu'un Beauceron. Et il peut mordre. On n'irait pas le faire avec un sanglier mais on le fait avec un phoque." Marie Francou confirme : "un phoque a une machoire plus puissante qu'un pitbull."S'il n'est pas foncièrement agressif, l'animal est potentiellement dangereux : un mâle adulte peut atteindre les 2,50 mètres pour un poids oscillant entre 150 et 300 kilos. L'accident, c'est aussi la hantise des associations qui oeuvrent pour leur protection. "En cas d'accident, l'image du phoque va changer et derrière ce sera plus compliqué de les protéger. On ne veut pas qu'il soit perçu comme un animal dangereux", explique Marie Francou. Alors, depuis le début de l'année, le Groupe Mammologique Normand (GMN) a débuté un travail en partenariat avec les communes du littoral.
Des îlots de tranquillité pour les phoques
"Dés qu'on a su que le phoque allait rester, on a signé une charte avec le GMN", explique ainsi Delphine Méon, adjointe au maire de Merville-Franceville. Au Groupe Mammologique Normand, on parle d'îlot de tranquillité. "La commune s'engage à sensibiliser les habitants et les touristes avec la mise en place de panneaux d'affichage, à travers des expositions et des interventions dans les écoles. Elle doit également mettre en place un périmètre de sécurité autour de l'animal", explique Marie Francou, "De notre côté, on s'engage à accompagner la commune dans ses efforts de sensibilisation. On fournit un kit de communication, des fiches explicatives et on assure la formation des agents municipaux."Cet effort de sensibilisation et d'éducation est devenu d'autant plus nécessaire que la présence du phoque sur les plages n'a plus rien d'exceptionnel. Si la plus grande colonie de phoques veau-marin se situe en Baie de Somme, l'espèce a commencé à coloniser la Baie de l'Orne au coeur des années 90. Et ne se cantonne désormais plus à l'estuaire. "Il y a une augmentation des effectifs de phoques en France. Ils se déplacent le long des côtes. Ça leur arrive de se reposer sur les plages plutôt que dans les estuaires. Ce n'était pas comme ça il y a dix ans", indique Marie Francou.