Camp de Ouistreham: le maire de la commune refuse l'accès à l'eau des personnes exilées

Le 2 juin dernier, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a reconnu la violation du droit à l'eau subie par les personnes exilées vivant à Ouistreham dans le Calvados. Une décision qui était attendue par les associations et les collectifs de soutien aux migrants. Et pourtant le maire de la commune a décidé de faire appel de cette décision.

Selon nos confrères de France Blau Normandie, le maire de Ouistreham, a annoncé son intention de faire appel et de saisir le Conseil d'Etat, lors du conseil municipal ce lundi 12 juin. Pour Romain Bail, "le juge est allé trop loin dans son ordonance"  et d'ironiser "je vais bientôt me transformer en gestionnaire de camping".

Le 29 mai 2023, six habitants du campement de migrants de Ouistreham, le long du canal, épaulés par les associations et collectifs (SOLIDARITÉS INTERNATIONAL, le CAMO, Vents Contraires, Citoyen.nes en lutte et La Cimade) ont déposé un référé pour demander l'accès à l'eau potable "à proximité immédiate du lieu de vie", à des toilettes et à des douches "à proximité immédiate du site". "Une procédure d'urgence vitale répondant à l'inaction, voire l'entrave, des pouvoirs locaux", considèrent les associations face aux défendeurs : la préfecture du Calvados, la communauté urbaine Caen la Mer et la ville de Ouistreham.

Ce vendredi 2 juin au tribunal administratif de Caen, le juge des référés est ainsi saisi pour un référé-liberté introduit par des associations et des personnes qui "demandent le respect du droit à l'eau pour les personnes exilées". Une procédure d'urgence pour qu'un point d'eau sécurisé soit mis en place au campement de Ouistreham.

Une situation intenable depuis longtemps

Depuis plusieurs années, des réfugiés, soudanais en majorité, souhaitant rejoindre l'Angleterre via le ferry vers Portsmouth, sont en transit à Ouistreham. Ne pas avoir accès à l'eau est une atteinte à une liberté fondamentale et à la dignité humaine estiment les exilés et les associations de défense. Elles mettent en avant un décret publié en décembre 2022 établissant des standards d’accès à l’eau potable "dans le lieu de vie des personnes ou, à défaut, en un point d’accès le plus proche possible".

L’accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène est un combat au quotidien pour les personnes installées dans les campements à la frontière franco-britannique. Ce droit vital, reconnu par l'ONU depuis 2010 est aujourd'hui entravé par les pouvoirs locaux. Cette violence indigne à l'encontre des personnes exilées doit cesser.

Les associations et collectifs de défense des migrants

Selon le défenseur des droits, Maître Lionel Crusoé, l’avocat des associations et des exilés, "ce campement est un lieu de vie qui existe depuis au moins cinq ans. Et en dépit de cette ancienneté, il n’y a pas d’eau, pas de douches. Les toilettes publiques les plus proches sont à 1,6 km, et fermées la nuit. Il y a à la fois un enjeu privé, puisque les personnes exilées sont en détresse à cause de cette situation, et un problème de santé publique".

Le droit à l'eau inscrit dans le code de la santé publique 

A l'audience, la représentante de la préfecture du Calvados rappelle que la situation de Ouistreham n’est pas celle de Calais. Selon un décompte de la gendarmerie en mai 2023, il n'y aurait qu'une vingtaine de migrants concernés. Or l’argument du nombre n’est pas opérant, selon l’avocat des associations et des exilés.

De son côté, M. Philippe Jourdan, représentant du conseil de la commune de Ouistreham évoque une situation "très flottante" et réfute le terme de "point de fixation".

Quant au juge des référés, il s’interroge : "j’ai quand même cru comprendre que des gens dormaient là, il y a bien des tentes ?"

On nous dit que le nombre de personnes sur ce campement n’atteint pas les sommets que l’on peut voir ailleurs. C’est vrai mais dans le code de la santé publique, il n’y a pas de seuil numérique pour demander un accès à l’eau. Le problème n’est pas le nombre de personnes, mais la situation d’extrême dénuement.

Lionel Crusoé, avocat des associations et des exilés

Plus globalement, la préfecture et la ville de Ouistreham indiquent que nombre d’exilés présents sur ce campement pourraient être logés dans des hébergements d’urgence "suffisamment efficaces pour les accueillir dignement".

"Tout le monde aimerait que ces exilés soient pris en charge dans des installations en dur", répond Maître Lionel Crusoé. "Mais il faut être pragmatique, ce n’est pas le cas".

Selon les collectivités publiques, "il est impossible de faire venir des engins dans cette zone et de procéder aux vidanges", avant de conclure "qu'il est impossible techniquement d'installer des sanitaires et des douches." L’association Solidarités Internationales a quant à elle établi une étude qui démontre le contraire.

Pour finir, le juge des référés a tranché : les pouvoirs publics doivent se conformer à la loi en donnant aux migrants les moyens d'accéder à l'eau pour leur vie quotidienne.

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