Plusieurs bénévoles de la SNSM, comme ceux de Trouville-Deauville, ont décidé, depuis le 5 avril, de se déclarer "indisponibles". Un mouvement en soutien à Philippe Capdeville, un sauveteur en mer qui risque un an de prison avec sursis suite au procès du naufrage de Breiz.
"C'est un crève-cœur de décider de ne pas intervenir en cas de besoin, mais là on doit se faire entendre !". Depuis 30 ans, Emmanuel Guilet est sauveteur à la SNSM de Trouville-Deauville. C'est dans son ADN. Il a suivi les pas de son père. Aujourd'hui, ses deux garçons sont bénévoles à ses côtés au sein de l'association.
Abasourdis et même "en colère", les 28 sauveteurs de la station ont décidé de se déclarer "indisponibles". Ils indiquent au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Jobourg, qu'ils ne peuvent pas intervenir.
La station de Trouville-Deauville entendent renouveler leur soutien à Philippe Capdeville. Le capitaine du Canot de la SNSM de Ouistreham est mis en cause dans le procès du naufrage du Breiz, au large de Lion-sur-mer, la nuit du 14 janvier 2021. Pendant le remorquage effectué par ce dernier, le bateau avait chaviré. Trois marins de la Manche avaient perdu la vie.
"Si demain on m'interdit de naviguer pendant deux ans, comment je nourris ma famille ?"
Le jugement est mis en délibéré à la date du 4 juin 2024 au tribunal maritime du Havre. Le procureur de la République a requis 12 mois de prison avec sursis et une interdiction de naviguer pendant 2 ans à l'encontre du bénévole.
"Je viens d'une famille de marins pêcheurs et certains ont disparu en mer, je pense évidemment aux familles endeuillées. Mais nous sommes des sauveteurs. Des chalutiers qui coulent en mer, il y en a plein, des sauveteurs aussi", lance Emmanuel Guilet. "Si un jour je commets une faute et je dois me prendre un procès, je le prendrai. Mais il faut qu'il soit juste et pas à tort !".
Le bénévole est aussi patron de dix salariés. Il a une activité de bacs entre Trouville et Deauville : "Si demain on m'interdit de naviguer pendant deux ans, comment je nourris ma famille ?".
Les bénévoles de la SNSM Trouville-Deauville comme plusieurs autres antennes ne comprennent pas pourquoi Philippe Capdeville était le seul sur le banc des prévenus : "C'est insupportable de voir ça. On sauve des gens en mer, on fait le travail de l'Etat. Il faut que les gens prennent leurs responsabilités. On soutient notre collègue mais notre démarche va bien au-delà", prévient Bruno Chauvin, patron de la SNSM de Trouville-Deauville.
Protéger le statut de bénévole
En effet, tous veulent se faire entendre et alerter sur les risques qui pèsent sur les bénévoles : "Il faut défendre le monde associatif. On veut un message du siège, un geste des parlementaires pour qu'ils fassent bouger la loi sur le bénévolat. Pourquoi l'Etat n'était pas présent au procès ? Pourquoi un bénévole n'est pas assisté par son employeur?", demande ce dernier. Il rappelle que les sauveteurs de la SNSM interviennent à la demande du Cross, une entité qui dépend de l'Etat : "Le statut de bénévole doit être protégé juridiquement parlant".
Les sauveteurs de Trouville-Deauville sont donc en "indisponibilités" depuis le 5 avril et jusqu'à nouvel ordre. D'autres stations s'étaient arrêtées mais ont décidé de reprendre les sauvetages en mer. C'est le cas des bénévoles de la SNSM Cherbourg ou encore de Grandcamp-Maisy. Ces derniers précisaient dans un post Facebook en date du 6 avril : "Hier à soutenir Philippe au tribunal et aujourd'hui à l'eau à éviter un drame à 500 mètres du rivage".
Les sauveteurs ont aidé deux embarcations et un kayak en difficulté avec 5 jeunes sortis de l'eau dont une personne en hypothermie.
La station de Dives-sur-Mer et son équipage sont aussi de nouveau disponibles pour toutes interventions et jusqu'au rendu de verdict prévu le 4 juin au tribunal maritime du Havre.
De son côté, la station SNSM de Courseulles-sur-Mer a récupéré, ce matin, sa vedette qui était en réparation. Le bateau qui s’appelle Jean-Jacques Aubert, nom d’un Courseullais du XIXe siècle qui s’était distingué en effectuant un sauvetage en manche, est donc de nouveau prêt pour sa mission : "Nous sommes disponibles. On a manifesté notre soutien. Le tribunal accomplit son travail. On attend de voir ce que ça donnera le 4 juin. Il y aura forcément des conséquences. Mais en attendant, nous sommes disponibles. Quels messages donnerait-on à ne plus intervenir ?", précise Éric Busnel, président de la SNSM de Courseulles-sur-Mer.