3 douches, 3 toilettes et un point d'eau sur le quai pour 200 personnes. Le sort des exilés soudanais est toujours aussi précaire à Ouistreham. Depuis des mois, ces jeunes hommes réclament un accès à l'eau. Ils ont gagné sur le plan juridique, mais sur le terrain, la réalité est toute autre.
« Des conditions indignes » voilà ce que dénonce le collectif « citoyen.nes en lutte » de Ouistreham. Ils sont venus le dire, encore une fois, à la mairie de la commune, où se tenait une séance du conseil municipal ce lundi 12 février.
"Des conditions indignes"
Une trentaine de militants armés de leur porte-voix, et tenus à distance par des barrières et des policiers. Ils réclament notamment un accès à l’eau en différents endroits du campement des exilés soudanais, et un nombre suffisant de douches et de toilettes.
Le campement est situé à un kilomètre de la mairie, sur le quai Charcot. Des dizaines de migrants vivent ici depuis plusieurs mois. 100, 200, jusqu’à 270 jeunes hommes venus du Soudan. Depuis le mois d'avril, la guerre entre deux généraux rivaux fait rage au Soudan et provoque un exil massif.
Ali et Moussa, 23 et 25 ans ont fui leur pays. Depuis qu'ils sont nés, ils n'ont connu que la guerre. Leur objectif : traverser la Manche pour aller vivre en Angleterre. En attendant, ils dorment dans des tentes de fortune, mangent ce que les associations leur donnent. Mais pour se laver, "c’est très compliqué", nous explique Moussa.
Trois douches et trois toilettes ont été posées sur le quai et raccordées au réseau du camping à proximité. À côté, une borne avec 2 robinets : c’est le seul point d’eau pour tout le campement.
Un seul point d’eau pour 200 personnes qui viennent ici. Il n’y a pas de place pour tout le monde. Et pour la douche, en fin de matinée, il n’y a déjà plus d’eau chaude. Avec de l’eau froide pour se laver, on va être malades
Moussa, 25 ans, exilé soudanais à Ouistreham
Une bataille juridique qui dure depuis près d’un an
Il a pourtant fallu des mois de bataille juridique pour obtenir un droit d’accès à l’eau. Le tribunal administratif en juin 2023 puis le conseil d’Etat en juillet 2023 ont obligé la préfecture du Calvados et la mairie de Ouistreham à fournir un accès à l’eau pour ces exilés. Deux blocs ont donc d’abord été installés sur le quai, sans être raccordés au réseau d’assainissement.
Nouvelle action des associations, nouvelle décision de justice.
En décembre 2023 le conseil d’Etat a sommé la commune de Ouistreham de "prendre les mesures nécessaires au fonctionnement effectif des équipements sanitaires installés à proximité immédiate du campement de migrants, en particulier de souscrire auprès de l’opérateur compétent un abonnement au réseau d’assainissement."
De plus, le conseil d’Etat a ajouté pour la commune l’obligation de prendre "des mesures d’adaptation de la nature et du nombre des installations sanitaires en tenant compte du nombre de personnes présentes sur le campement".
Actions, réactions
Depuis, les deux blocs ont été raccordés au réseau d’assainissement, et un troisième a été installé il y a deux semaines.
Mais c’est trop peu selon les principaux intéressés. Depuis la décision du conseil d’Etat, les exilés et les associations qui les soutiennent demandent 10 douches, 10 toilettes et 5 points d’eau répartis en divers endroits du campement.
Suite à la décision du conseil d’Etat, le maire se serait engagé à "se renseigner, faire le décompte du nombre de personnes présentes, qu’il agirait en conséquence", selon Philippe Morice, membre de la Coordination Solidarité Exilé.es 14.
Le maire de Ouistreham et la théorie de l'appel d'air
Devant la mairie de Ouistreham ce 12 février, Philippe Morice et d'autres militants sont venus une nouvelle fois demander à Romain Bail "une vraie discussion publique". Le maire de Ouistreham ne les a pas reçus. Il a également refusé de répondre à nos questions.
Le 6 octobre dernier, il s'est exprimé sur la question dans une double page envoyée aux habitants de sa commune. Dans cette lettre, il chiffre le montant des travaux pour les installations qu'il est enjoint de fournir aux exilés.
En attendant tout cela coûte à la collectivité et à celles et ceux qui participent, par leurs impôts, à la vie de la communauté et de notre territoire. Nous nous refusions à ce type d'installation. Cela allait créer un appel d'air. (...) J'assume la politique qui est menée et que défend la ville, ses habitants et les intérêts de ces derniers face à l'illégalité de l'occupation de ce terrain et l'appel d'air que créé cette installation
Romain Bail, maire de OuistrehamLettre ouverte aux Ouistrehamais le 6 octobre 2023
"Le dialogue, il n'y en a jamais eu avec le maire de Ouistreham", regrette Philippe Morice. Il promet que les militants seront de nouveau devant la mairie le 15 avril, date du prochain conseil municipal, pour faire entendre la voix des exilés soudanais.