Des membres du syndicat Sud rail étaient mobilisés ce vendredi 20 septembre en gare de Caen (Calvados) pour partager leurs craintes avec les voyageurs. Ils jugent qu'avec l'ouverture à la concurrence des lignes régionales, les trains seront "plus coûteux et les usagers n'auront pas le choix des compagnies".
Ils avaient déjà fait grève en 2022 pour exprimer leur mécontentement et leur opposition à l'ouverture à la concurrence des lignes ferroviaires normandes. Deux ans plus tard, les membres du syndicat Sud rail étaient mobilisés en gare de Caen (Calvados), ce vendredi 20 septembre 2024, pour dénoncer ce "remède miracle" comme ils l'appellent avec ironie.
Tracts à la main, ils ont échangé avec les voyageurs pour le sensibiliser sur l'impact de cette future scission du réseau de trains dans la région.
"Nous avons expliqué aux gens que cette concurrence ne veut pas dire qu'ils auront plus de choix. Au contraire. Ils vont scinder le réseau de trains normands en cinq lots différents, qui comprennent plusieurs lignes ferroviaires. Chaque lot sera remporté lors d'un appel d'offres sur décision de la Région. Les usagers n'auront pas de choix possibles et ils devront utiliser la compagnie qui détient les lignes" défend Guillaume Dauxais, membre du Syndicat Sud rail.
Le premier lot, appelé "étoile de Caen", concerne les lignes TER du quotidien autour de Caen, à savoir la ligne de Cherbourg, Lisieux, Granville/Rennes, Rouen et l'axe Lisieux/Deauviille/Dives. Quatre candidats sont actuellement déclarés : SNCF voyageurs (par création d'une filiale), TRANSDEV, RATP dev (filiale RATP) et Arriva (filiale de l'allemand Deutsche Bahn).
Le vainqueur de l'appel d'offres sera désigné entre janvier et mars 2025. Le transfert d'activités dans l'entreprise sélectionnée se fera le 1er juillet 2027.
"Des problèmes de fonctionnement et des coûts plus élevés"
Selon le syndicat Sud rail, cette ouverture à la concurrence du réseau de trains normands en cinq lots représente également une aberration économique.
"Chaque entreprise qui répondra à l'appel d'offres se vera offrir la somme de 1 million d'euros. Pour "l'étoile de Caen", il y a quatre postulants, donc déjà 3 millions d'euros dépensés (le gagnant ne sera pas indemnisé). Quid des appels d'offres pour les quatre lots à suivre" s'indignent les syndicats qui pointent également du doigt les 10 embauches de cadres faites par la Région Normandie pour gérer cette ouverture à la concurrence.
Il faut arrêter de dire que ce sera mois cher. Et pour les salariés, cette nouvelle organisation s'annonce hyper compliquée.
Guillaume DauxaisMembre du Syndicat Sud rail
En tant que conducteur de train, il a déjà vu son quotidien impacté avec le recrutement d'un nouveau poste à la gare de Caen. "Avant j'appelais directement l'aiguilleur pour manœuvrer. Maintenant, je dois appeler cette personne récemment embauchée, qui joint l'aiguilleur. Puis pareil dans l'autre sens. Il y a plus de risques d'erreurs dans ce cas. Avec plusieurs compagnies dans une même gare, la synergie sera très complexe" prévoit Guillaume Duxais.
Pendant ce temps, l'Angleterre veut renationaliser son réseau
Lorsque l'on jette un œil en Angleterre, pays où 14 opérateurs - pour la plupart des compagnies ferroviaires privées - se partagent le réseau, le bilan n'est pas brillant. Le trafic ferroviaire a été privatisé entre 1994 et 1997.
Depuis, les Britanniques se plaignent régulièrement d'annulations de trains et surtout de prix trop élevé des billets. Entre 2009 et 2019, les tarifs ont augmenté deux fois plus vite que les salaires selon une analyse du mathématicien Barry Doe, consultant pour le magazine anglais Rail.
"Notre système de transport est en panne" admet la ministre britannique des Transports Louise Haigh.
Le nouveau gouvernement travailliste au Royaume-Uni a annoncé en juillet le dépôt d'un projet de loi pour lancer la re-nationalisation progressive du rail dans le pays.