Camions et engins agricoles traversent toujours la petite bourgade de Villers-Bocage, dans le Calvados, alors que c'est interdit depuis deux ans. La municipalité veut sévir.
C'est une petite vidéo idyllique, la carte postale paisible et bucolique d'un village de 3.000 habitants, traversé par une départementale, avec une phrase en slogan : "Villers-Bocage, on y est vraiment bien". Pas de doute, la mairie tient à son image, et le montre bien dès la page d'accueil de son site internet. "Idéalement située entre le Bocage et le Bessin, dans le Calvados, la commune de Villers-Bocage s’étire dans une nature verdoyante, au cœur de la campagne normande."
Pour parfaire le tableau, la municipalité a voté début 2021 un arrêté municipal, empêchant la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes sur son artère principale, la rue Georges Clémenceau, qui traverse le centre ville. Après avoir fait de la prévention, grâce à des rappels à l'ordre, les autorités sont passées à la répression, avec des contrôles occasionnels, comme ce 16 novembre 2021 : sept poids lourds verbalisés, pour non-respect de circulation.
Des commerçants et des habitants se plaignaient depuis longtemps du manque de sécurité, engendré par le défilé des camions. Certains se sont déjà fait de petites frayeurs, comme Marion, la gérante d'un magasin de prêt à porter. "Ca ne nous empêche pas de travailler, mais ils passent au bord des boutiques. Si un enfant agité sort, c'est risqué ; la route est juste devant. J'ai déjà entendu de gros coups de frein, car en plus on ne voit pas grand chose, avec les voitures garées en épis."
Madame le Maire, Stéphanie Leberrurier, confirme : "des engins aussi lourds, ça ne s'arrête pas comme ça, surtout que ceux que je vois ne roulent pas forcément à 30 km/h ".
Ils passent au bord des boutiques. Si un enfant agité sort, c'est risqué ; la route est juste devant. J'ai déjà entendu de gros coups de frein, car en plus on ne voit pas grand chose avec les voitures garées en épis.
Marion RaoulGérante de Jade Les Jolies Pépites
L'interdiction n'y a rien changé, selon la commerçante. "On est une petite bourgade de campagne, c'est pas toutes les 5 minutes, mais oui clairement, ça circule. Y'a beau avoir une déviation, on les voit et on entend" (NDLR : les camions et tracteurs). Mais la Mairie n'a pu nous communiquer aucun chiffre sur des comptages précis ou des procès verbaux. "Hier soir encore, pendant le conseil municipal, un semi-remorque est passé dans la rue principale", soutient l'élue. "Ca s'était calmé au début de l'interdiction, mais beaucoup continuent de prendre ce chemin par habitude. C'est comme les nouveaux sens-interdits mis en place depuis le début de mon mandat."
Un problème de signalétique ?
Les autres commerçants que nous avons contactés préfèrent, eux, relativiser cette impression. "Il y en a, mais pas tant que ça", nous confie Aymeric, le patron d'un bar restaurant. "Déjà, certains livrent", ce qui est évidemment toujours autorisé "et, par exemple, je n'ai vu aucun poids lourd depuis ce matin. Hors livraison, on est loin d'être envahis". "Moi même, je me fais livrer par camions, alors je me vois pas me plaindre", réagit Juliette, une fleuriste. "J'ai habité le centre-ville, et le bruit ne m'a jamais gênée. Et puis, il ne faut pas oublier qu'à l'époque où il n'y avait pas l'A84, c'était dix fois ça, la circulation des poids lourds. De toute façon, je ne crois pas que ce soit une bonne idée d'interdire comme ça, à part se mettre à dos les agriculteurs. Un client m'expliquait la dernière fois que le contournement (NDLR : par la zone industrielle) lui prenait 20 minutes de plus aller, 20 minutes retour avec son tracteur. Alors avec le prix du fuel en plus…"
A l'époque où il n'y avait pas l'A84, c'était dix fois ça la circulation des poids lourds.
Juliette LouvetGérante de Flore et Zephyr
Tous deux se disent également interrogatifs sur la signalisation utilisée pour signifier cette interdiction. "Perso, ne ne sais pas où c'est indiqué", nous déclare Juliette. Aymeric a aperçu lui "ce petit panneau, mais franchement, si je suis pas d'ici, je ne le vois pas ; je vois les directions, mais c'est tout. C'est tellement mal indiqué, quand on arrive de là-haut, je suis même pas sûr que les camions enfreignent sciemment l'interdiction."
Cette interdiction est visible, directement sur les panneaux de direction vers le centre ville. Il s'agit en fait d'un simple rond rouge, avec un camion et le chiffre 3,5 t. Une signalétique mise ne place par le département. "Peut-être tous les GPS ne sont pas à jour, mais quand on ne veut pas voir, on ne voit pas", préfère conclure la Maire.
Elle a donc demandé à la gendarmerie un renforcement des contrôles, pour voir enfin sa ville "apaisée".