À quelques jours de la trêve hivernale, la préfecture du Calvados a ordonné l'évacuation de deux squats, à Caen et à Lisieux. Plusieurs dizaines de demandeurs d'asile, dont des enfants, se retrouvent sans logement. Alors que les voix s'élèvent pour dénoncer la situation, les services de l'État se trouvent démunis.
Deux squats ont été évacués coup sur coup, à quelques jours de la trêve hivernale (du 1ᵉʳ novembre au 31 mars) dans le Calvados. Mardi 29 octobre, les occupants d'un immeuble situé au rond-point de l'Orne à Caen ont été expulsés. "Il y avait là une quarantaine de personnes dont la moitié sont des enfants scolarisés. Personne n'a été relogé", assure Jean-Claude, un militant activiste qui leur vient en aide.
L'État à court de solution pour loger les demandeurs d'asile
Deux jours plus tard, une trentaine d'exilés a dû plier bagage, priés de quitter l'ancien couvent des Sœurs de la Providence à Lisieux. Ils ont pu trouver un nouveau toit d'accueil temporaire dans une maison de retraite désaffectée à Cambremer.
Pour ces personnes, toutes de nationalités étrangères, la préfecture du Calvados n'a pas proposé de relogement. Quand bien même elle le voudrait, elle ne le pourrait pas, car l’hébergement d’urgence est actuellement saturé dans le département.
"Les gens n'ont que la rue ou les squats"
"C'est terrible. Avant, les personnes pouvaient bénéficier d'un hébergement d'urgence du 115. Aujourd'hui, ça n'est plus possible, déplore Philippe Morice, du collectif Solidarité Exilés Lisieux. Il peut éventuellement y avoir une solution si une famille a un enfant de moins de trois ans, mais aujourd'hui, pour la plupart des gens sans papiers, il n'y a que la rue ou les squats".
L'une des raisons de cette pénurie d'habitations, c'est la fermeture en urgence de La Feuilleraie, à Mondeville. Autrefois maison du directeur de la SMN (Société Métallurgique de Normandie), puis Ehpad, ce bâtiment abritait depuis plusieurs années une quarantaine de familles, soit plus d'une centaine de résidents, demandeurs d'asile.
Alerté par un rapport d'expertise alarmant sur l'état des lieux, la maire de Mondeville a été contrainte de fermer la structure. "L'expert parle de péril imminent, d'effondrement de toiture, de risques d'incendie... Je suis obligée de fermer, je suis responsable pénalement", déclarait en avril dernier Hélène Burgat.
Les exilés naviguent de squat en squat
Si la trêve hivernale ne s'applique pas aux squatteurs, mais seulement aux locataires, le timing des expulsions provoque la colère de certains élus. "Nous ne pouvons accepter aujourd'hui que ces personnes, dont des enfants, dorment dehors, subissant là encore l'incurie de l'État en matière d'hébergement d'urgence", dénoncent plusieurs écologistes dans un communiqué.
Ils affirment avoir sollicité une table ronde pour trouver une solution concertée, à laquelle la préfecture n'a pas donné suite. Selon nos sources, les services de l'État dans le département cherchent des appuis politiques pour obtenir en haut lieu une issue à cette situation intenable.
"Tous les jours, on a de nouvelles toiles de tente qui se montent sur la presqu'île de Caen parce qu'il n'y a aucune solution", déplore Jean-Claude, qui défend le principe du droit à un toit. Philippe Morice s'indigne : "On a l'impression que tout est fait pour que les exilés ne restent pas en France. On les écœure, on écœure les militants et les avocats. On épuise tout le monde".
En attendant, les demandeurs d'asile n'ont d'autre choix que de jouer au chat et à la souris avec les autorités, en squattant des logements inoccupés. "Souvent, on s'habitue un peu au lieu et boum, on nous demande de partir", racontait un des occupants de l'ancienne maison de retraite de Cambremer rencontré jeudi. Et là, si on nous met dehors, je ne sais pas où aller".