La plage, c'est la destination phare de l'été. Mais la connaît-on vraiment ? Sait-on qu'elle abrite des vestiges historiques, une biodiversité unique, des pépites géologiques et même qu'elle excite notre imagination ? Balade sur le littoral pour redécouvrir ce milieu qu'on appréciera d'autant mieux.
Escale 1 : Épaves historiques au large d'Arromanches-les Bains
Faut-il le rappeler ? Les plages de Normandie ont été choisies pour le débarquement, le 6 juin 1944, pour libérer l'Europe du joug nazi. 80 ans après, l'Histoire reste bien présente, grâce aux musées notamment. Mais des vestiges demeurent cachés, enfouis à 20, 30, 40 mètres de profondeur et même au-delà.
Environ 150 sites archéologiques sous-marins témoignent encore de l'opération "Overlord", selon les experts du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (Drassm) Les plongeurs professionnels mais aussi amateurs peuvent explorer des épaves de navires, de blindés, des restes de deux ports artificiels.
Chaque plongée se mérite et reste un "moment de grâce", nous expliquent Anne-Sophie et Maria, toutes deux adhérentes au club de plongée si bien nommé DDay Diving. Elles sont encadrées par Richard Farizon, un instructeur, passionné d'histoire qui connaît ce milieu comme sa poche. En fonction des conditions météo et de la marée, il sait où aller pour emmener des plongeurs débutants ou confirmés.
Ce matin-là, la météo est clémente. Cap sur l'"Empire Roseberry" qui mesurait 89 mètres, en 1944. C'était un des nombreux tankers utilisés pour le transport du fioul nécessaire à l’avancement des Alliés.
Le 24 août, alors qu’il rejoint un convoi vers l’Angleterre, "l’Empire Roseberry heurte une première mine, puis une seconde. Les canots sont soufflés par l'explosion. Les hommes sautent à l'eau mais on déplore treize victimes"
Que reste-t-il aujourd'hui ?
L'épave repose à 12 mètres de profondeur et reste plutôt bien conservée sur sa partie arrière. On peut voir une impressionnante chaudière de 4,80 mètres de longueur, un moteur vapeur triple expansion, l'hélice et ... une cuvette de toilettes en place à bâbord.
Reportage signé Pauline Latrouitte, Cyril Duponchel, Julien Dadone-Durand avec les images sous-marines de Richard Farizon
Ici on a l’opportunité de plonger à un endroit qui est quasi-unique au monde avec une concentration d’épaves fantastiques.
Richard Farizon, président du club de plongée DDay Diving
Si vous souhaitez prolonger la découverte des profondeurs, nous vous conseillons de jeter un œil sur la page youtube de Richard Farizon. Vous y verrez notamment des chars M7 Priest.
Escale 2 : Les oiseaux rares qui viennent nicher à Hermanville-sur-Mer
La plage, c'est un trésor de biodiversité et le refuge de certains oiseaux menacés. Connaissez-vous par exemple le Gravelot à collier interrompu, qui se pose sur le sable dès le printemps ?
On ne le croisait pas sur nos côtes, il y a 20 ans. Cette espèce plutôt méditerranéenne décline et reste considérée comme rare en France. Ces oiseaux limicoles ont senti plus vite que nous le vent du réchauffement climatique. Les couples, qui viennent nicher toujours au même endroit sur les hauts de plage, ont été confrontés à l'érosion et aux submersions.
Leurs habitats détruits, ils ont cherché à s'abriter ailleurs et depuis quelques années, nous les rencontrons sur le littoral normand, où se trouve désormais près de 20 % de la population nationale.
Ils se plaisent ici et, fait rare, leur nombre augmente en Normandie. Il faut dire qu'ils sont surveillés de près et protégés par les ornithologues du GON (Groupement ornithologique normand). À force d'explications et de pédagogie, ils sensibilisent les riverains et acteurs locaux à la protection des nids.
Naître et grandir restent en effet le parcours du combattant pour un poussin, du printemps à la fin juin. D'abord, les œufs ne doivent pas se faire écraser par un pied humain ou une patte de chien. Ensuite, les prédateurs, comme la corneille, veillent et se délectent dès qu'ils en aperçoivent un. Des cages ont donc été installées par les ornithologues pour leur permettre de pousser en toute tranquillité.
Reportage en compagnie de James Jean-Baptiste, ornithologue du GON :
D'après, James Jean-Baptiste, l'ornithologue du Groupe Ornithologique Normand qui se charge de protéger ces oiseaux et de sensibiliser la population :
Si on ne protèges pas 30% des nids, comme on le fait à l’heure actuelle en Normandie, la population disparaîtrait dans moins de 50 ans.
James Jean-Baptiste, ornithologue au Groupement ornithologique normand
Escale 3 entre Villers-sur-Mer et Houlgate : à la chasse aux fossiles datant de 150 millions d'années
Dans le Calvados, on peut trouver, si on est chanceux, des dents de plésiosaures ou de crocodiles. Plus facile à dénicher, des fossiles d'ammonites, d’oursins ou de nautiles. Ces pépites du Jurassique se cachent au pied des falaises des Vaches noires, entre Villers-sur-Mer et Houlgate.
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Ici, il y a 150 millions d’années, c’était le milieu de l’océan, pas de plages, pas de falaises. Les terres les plus proches étaient la Bretagne ou l’Angleterre.
Cherchez un peu partout et vous allez voir que très vite vous allez trouver plein de fossiles, au départ on les prend tous et à la fin on ne prend que les beaux. On peut vite en ramener quelques kilos.
Laurent Picot, paléontologue et responsable scientifique du Paléospace de Villers sur Mer
Tout l'été, le Paléospace de Villers-sur-Mer organise des visites guidées, qui vous permettront d'ouvrir l'œil et de remonter le temps. Notez bien les prochaines dates, définies en fonction de la marée :
- Lundi 5 août 2024 à 16h30 (falaises des Vaches noires) et 17h (falaises des Confessionnaux)
- Lundi 12 août à midi (Roches noires)
- Mardi 13 août à 10h (falaises de Port-en-Bessin)
- Mercredi 14 août à 11h (falaises des Vaches noires)
- Vendredi 16 août à 13h30 (falaises des Vaches noires)
- Dimanche 18 août à 15h (falaises des Vaches noires)
- Mardi 20 août à 17h (falaises des Vaches noires)
Escale 4 à Vierville-sur-Mer, l'art de l'éphémère
Anne-Ingrid Le Granché aime dessiner et vivre au présent. Quand vous qualifiez son art d'éphémère, elle, elle entend "effet mer" car c'est la marée qui aura de toute manière le dernier mot et dicte son emploi du temps.
Je vois que la mer approche. C’est la course, je la vois et je l’entends, J’adapte le dessin, je vais faire moins de détails pour être dans les temps avec la mer, c’est le jeu.
Anne-Ingrid Le Granche, dessinatrice
À marée basse, quand le ciel est clément, la femme "blanche" sort ses compas, fabriqués avec une ficelle et un bout de bois et trace pendant des heures, des heures et des heures jusqu'à ce que la mer engloutisse son œuvre. Et cela fait un bien fou.
À contre-courant de notre société qui "veut tout, tout de suite", Anne-Ingrid Le Granché nous interroge à sa manière sur notre rapport au temps et à la nature. Entre art, philosophie et méditation, cette activité suscite un grand intérêt, à tel point qu'Anne-Ingrid propose désormais des ateliers pour partager ce moment de bien-être avec tous ceux qui le souhaitent enfants, parents, grands-parents.
C'est ludique, joyeux, accessible, pédagogique et surtout très relaxant. Avec son grand sourire, elle explique et guide les débutants, qui découvriront sur le ponton leur création et ressentiront forcément une émotion.
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Escale 5 : Redécouvrir la plage en compagnie d'Arnaud Guérin
Il est photographe et déteste les clichés. Alors, Arnaud Guérin a écrit ce livre, sobrement intitulé "La plage, une nature cachée". Son idée ? Vous emmener au-delà de la carte postale pour vous faire découvrir ce milieu entre terre et mer si apprécié et pourtant méconnu.
Il est géologue et scientifique. Alors, il scrute avec minutie les galets, la marée, les ridains, la houle, les oiseaux, la faune, la flore. En quelques lignes, photos et schémas, on comprendra ce qu'est le sable, d'où viennent les galets, comment se forme la houle et qui habite sur la plage.
Et puisqu'Arnaud Guérin est normand, vous devinerez sans doute quelles plages l'inspirent.