Un chef étoilé dans un Ehpad : le goût ravive des souvenirs et la cuisine "réveille des choses éteintes"

Pendant quinze jours, du 26 octobre au 10 novembre 2024, la Région Normandie se mobilise pour valoriser les produits du terroir. Avec cette troisième opération "Cuisinez la Normandie", des fermes, des restaurants, des associations, des collectivités organisent des ateliers de cuisine. Exemple, à l'Ehpad "Emeraude" de Bourguébus dans l'agglomération de Caen où les résidents ont pu préparer un dessert à la pomme en compagnie du grand chef caennais Anthony Caillot.

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Cette journée est attendue avec impatience. Dans cette petite maison de retraite de l'agglomération de Caen, résidents et personnel se préparent à l'évènement depuis longtemps. Ils ont invité le chef étoilé Anthony Caillot du restaurant caennais  "A Contre-Sens". Tous attendent de savoir quel petit plat ils vont bien pouvoir préparer avec ce maestro de l'art culinaire.

Et le voilà arrivé. En coulisses, dans la cuisine, il  prépare les ingrédients avec Justin, étudiant en BTS cuisine, pour la préparation d'un dessert. Car oui, le chef a décidé de faire participer les résidents à la préparation d'un dessert à la pomme.  

La pomme est le fruit de saison normand par excellence. Nous allons donc faire des pommes cuites accompagnées d'un crumble au caramel d'épices avec de la crème et une glace mystère.

Anthony Caillot, chef cuisinier du restaurant "A Contre-Sens"

Le parfum doit donc être découvert par les résidents. Un petit jeu qui doit stimuler le goût et favoriser les échanges. 

Autour du bar, dans la salle de restauration, nos têtes grises s'affairent. Les ramequins sont disposés devant eux. Le chef les invite à composer le plat. D'abord les morceaux de pommes, puis la crème, le crumble associé au caramel d'épices, et enfin la glace. 

C'est marrant, je ne suis pas une cuisinière hors pair mais je m'amuse. Cela permet de passer l'après-midi et de rencontrer des gens avec qui on n'a pas l'habitude de parler.

Nicole, 77 ans, résidente

J'ai été pâtissier pendant 40 ans. Ce dessert à la pomme, c'est une bonne recette. Faire ça, ça change du quotidien, ça fait plaisir.

Alfred, 71 ans, résident

Autour d'eux, l'équipe pluridisciplinaire veille au grain. Ici, les résidents sont atteints de pluripathologies ou de maladie d'Alzheimer. Alors, aide-soignantes, infirmière, ergothérapeute, neuropsychologue restent à proximité et donnent le coup de main si besoin.

Cette activité, c'est de la psychomotricité. Les résidents doivent organiser les tâches à accomplir, utiliser leurs mains. C'est une génération qui mettait la main à la pâte. Cela doit leur permettre de revivre des souvenirs.

Justine Riquet-Le Roux, ergothérapeute

Un sentiment partagé par la directrice des soins. Les activités manuelles ou de création sont une excellente manière de faire travailler son cerveau. 

On éveille des choses éteintes. On a des gourmands ! Les stimuler leur donne une part de plaisir. L'idée est qu'il partagent des moments de bonheur. Lorsque les yeux papillonnent, c'est toujours ça de pris !

Laëtitia Beaufils, directrice des soins du Groupe "Hom'Age"

Pour ces gens souvent très attachés au terroir, le bien manger est important. En outre, ce moment convivial autour d'un plat permet de créer du lien social avec l'objectif peut-être de mettre à la carte un de leur plat. 

Ce goûter a pour objectif le rappel des souvenirs, des souvenirs de moments vécus. Une réminiscence qui passe par les sens et doit favoriser les capacités cognitives.

Sophie Dufour, neuropsychologue

Favoriser les capacités cognitives de ces personnes qui ont elles-mêmes cuisiné dans le passé et transmis leur savoir-faire à leurs enfants. Une idée chère aussi à Anthony Caillot qui a hérité des dons culinaires de sa mère.

Ma mère mettait beaucoup de générosité dans sa cuisine. C'est un don de soi. Pour moi, il est important de redonner ce qu'on m'a donné, et redonner à ces gens ce qu'ils ont eux-mêmes pu donner à leur descendance.

Anthony Caillot, chef cuisinier du restaurant "A Contre-Sens"

C'est tout le sens des visites régulière de Françoise à son père Roger, 97 ans. Lui redonner ce qu'elle a reçu de lui est important pour elle.

Je viens voir mon père tous les deux jours. Je lui rends ce qu'il m'a donné. Il aime bien avoir du monde autour de lui. Cette animation, c'est de la convivialité qui lui fait du bien.

Françoise, fille de Roger, 97 ans et résident

Le dessert a eu grand succés, englouti à la vitesse grand V. Avec cette interrogation qui a plané tout au long du goûter sur le parfum mystère de la glace. Finalement, c'est Gilles, 63 ans qui a eu dernier mot. "Je crois bien que c'est une glace au potiron", a-t-il clamé. 

 

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