Une vente aux enchères peu banale se déroule tout le week-end au château de Torp, près de Falaise (14). La demeure appartenait à un collectionneur qui a amassé toute sa vie des centaines d’objets. La succession sera tantôt brocante, foire aux vins et vente d’objets d’art.
C’est Maître Pascal Hersent qui anime cette vente aux enchères insolite. Huissier de justice à Falaise a l’habitude des ventes de succession, souvent composées de mobilier et d’objets divers et variés, mais celle-ci dénote par « la masse d’objets à vendre » : plus de 700 lots sont proposés sur deux jours aux amateurs d’art, aux collectionneurs ou aux simples curieux. Tout le monde peut venir enchérir, et tout doit disparaitre !
Une collection variée enfin dévoilée au public
Décédé fin 2019, Michel D’Arguel, propriétaire du château de Torp, était un collectionneur, un « acheteur compulsif » même, en déduit Emmanuel Sohier, restaurateur de tableaux à Caen. Il est venu ce vendredi au château de Torp par curiosité, comme des dizaines d’autres amateurs d’art, en repérage avant la vente aux enchères de ce week-end. C’est que l’intérieur du château de Torp intrigue beaucoup : son propriétaire était un collectionneur connu dans la région, connu aussi pour cacher ses biens, suscitant ainsi des fantasmes sur le nombre et le type d’objets amassés pendant toute une vie.Et les curieux ne sont pas déçus. Dans chaque pièce, des animaux empaillés côtoient des tableaux de toutes les époques, des fauteuils Louis XV, des meubles laqués chinois et les objets du quotidien de feu le propriétaire. Le tout sur quatre niveaux, bâtis autour d’une tour escalier du 14e siècle. « J’ai utilisé chaque marche pour disposer des lots de brocante, afin de gagner de la place », explique Maître Hersent.
Un collectionneur hors norme
L’huissier de justice connaissait bien l’ancien propriétaire du château. M. D’Arguel l’avait d’ailleurs désigné pour organiser cette vente après son décès. Les deux hommes s’étaient rencontrés plusieurs fois lors de ventes. Me Hersent se souvient d’ailleurs lui avoir vendu un pierrier en 1985… Eh bien le petit canon fait aujourd’hui partie des lots. « La personne qui s’était opposée à lui pour cette vente en 1985 va revenir samedi avec la ferme intention d’acheter cette arme ! Et cette fois-ci de ne pas se la faire ravir par un autre acheteur ! » s’amuse Me Hersent.Quelques pièces valent le coup d’œil, comme une armoire en acajou d’époque 18e, une grande bibliothèque dont le contenu sera dispersé en plusieurs lots, et toute une cave à vins. M. D’Arguel était un ancien négociant en vins et « il y a des bonnes bouteilles », assure M. Hersent. Le vin sera spécifiquement vendu dimanche à 14h, sous forme d’une soixantaine de lots.
A personnage original, vente originale
« Ce sera très empirique comme façon de procéder, explique l’huissier de justice. C’est selon les lots qui vont m’être passés. » Quelques rendez-vous sont tout de même pris avec les amateurs : les tableaux seront mis en vente à 15h, et en fin d’après-midi samedi la vente se terminera par les meubles. La vente se poursuivra dimanche. Afin de respecter la distanciation physique, le public sera installé à l’extérieur du château, sur le parvis. Deux tentes ont été montées pour protéger les acheteurs du soleil ou de la pluie. « Le tout se déroulera dans une ambiance bon enfant » promet l’huissier de justice, qui s’attend à la visite d’une centaine d’amateurs sur deux jours.
Une vraie vente de succession à l’ancienne, sans mise à prix.
Le château est à vendre… en l’état
Cette vente, voulue par le défunt propriétaire, est organisée pour vider le château, qui sera lui aussi à vendre. Me Hersent est là encore le chef d’orchestre pour organiser l’opération.
Le château et la ferme attenante sont datés du 17e siècle. Mais ils sont situés sur un lieu de peuplement très ancien du Calvados, à proximité d’une chapelle du XI° siècle. Des éléments du château sont plus anciens, comme la tour escalier datée du 14e siècle.
A l’origine, le château était un bâtiment abritant des sœurs, ceci explique que la façade ne correspond pas à une construction civile habituelle.
« Après avoir hébergé des sœurs, la bâtisse est devenue la propriété de la grande famille aristocratique des de Faramond de Lafajolle », explique Maître Hersent. Et c’est finalement l’actuel voisin propriétaire de la ferme attenante, qui a vendu le château à M. D’Arguel au siècle dernier. Et si l’acheteur compulsif a entassé toute sa vie des objets, il n’en a restauré aucun et n’a pas entretenu non plus son château.
Le château et ses deux hectares et demie sont mis à prix à 250 000 euros seulement… Mais attention, il faut prévoir près d’un million d’euros de travaux de remise en état. Et pour ceux qui imagineraient déjà des projets immobiliers sur les 2,5 hectares, sachez que la parcelle n’est pas constructible.