C'est une grande première pour Falaise et le bassin de la Dives : la loutre d'Europe y a pointé son museau et un individu a été filmé courant et plongeant le long d'un petit cours d'eau, l'Ante.
Il lui aura fallu s'armer de patience. Pendant 8 mois, Bastien Thomas a tenté de capturer des images prouvant la présence de la loutre. Parcourant les cours d'eau du bassin-versant de la Dives, elle n'avait déclenché aucun des pièges photographiques installés par ce spécialiste des mammifères semi-aquatiques pour le GMN (groupe mammalogique normand).
"Nous avions trouvé des crottes, traces de sa présence, mais rien de plus. Alors ça a été une très belle surprise de la voir plonger sur la vidéo! " se réjouit-il. "Ça permet de mettre une image sur un individu, même si cela ne nous explique pas précisément comment il est arrivé là."
Autre question en suspens : combien de loutres peuplent ces linéaires de rivières liées à la Dives? "Un seul individu peut avoir un territoire de 20 à 40 km de cours d'eau, cela dépend à la fois de la qualité de l'habitat et de l'offre alimentaire" précise Bastien Thomas. Pour déterminer si une seule loutre (ou plusieurs) a élu domicile entre Trun et Mézidon-Canon, il faut des analyses génétiques à partir des déjections qui marquent ce territoire. "Pour le moment, elles appartiennent à un seul individu. Mais cela mérite de poursuivre les recherches" affirme le chargé de mission du GMN.
Des travaux d'aménagement, prévus avant que la vidéo ne révèle ses images, ont commencé afin de faciliter les déplacements de ce mammifère semi-aquatique.
Un "loutroduc" pour faciliter les déplacements de l'animal
La loutre est devenue populaire. Même les pêcheurs ne voient plus en elle un carnivore qui vide les rivières de leurs poissons. Bastien Thomas insiste : "Cette croyance était fausse, une loutre prélève au maximum 1kg de poisson par jour, c'est peu. Elle se nourrit aussi de crapauds, grenouilles et d'écrevisses américaines, invasives".
Mais pour que la loutre repérée puisse se nourrir en toute quiétude, des obstacles sur son parcours doivent encore être levés. Le groupe mammalogique normand travaille de concert avec le syndicat mixte du bassin de la Dives. Des travaux d'aménagements sont en cours à Falaise. "Nous allons commencer par déconstruire un mur de 2 mètres de haut avant de débuter les travaux du loutroduc" explique Tony Guilloteau, chargé des programmes de restauration de la continuité écologique.
Un loutroduc (ou banquette à loutre) permet le passage sous les ponts de ces mammifères. En cas de crues, les loutres préfèrent traverser les pattes au sec et montent sur les ponts. "La mort par collision avec des voitures est la première cause de mortalité chez cette espèce" précise Bastien Thomas. Alors le syndicat mixte prévoit la construction d'une banquette à loutre sur 50 mètres de long, pour 15 000 euros de travaux.
Après 50 années d'absence totale du mammifère dans les cours d'eau de la Dives, la vidéo capturée par Bastien Thomas réjouit Tony Guilloteau : "C'est une bonne nouvelle, d'autant plus que la loutre est une espèce bien vue et connue du grand public. La preuve de sa présence donne un appui supplémentaire à nos élus pour les chantiers de renaturation des cours d'eau ".
Dans le Calvados, le bassin versant de l'Orne est "un bastion historique de l'espèce, elle n'y a jamais disparu" précise Bastien Thomas qui peut avancer pour la première fois un chiffre : 28 loutres au minimum vivent entre Putanges et les portes de Caen.