En France, visiter un château est l'une des activités favorites des touristes. Parcourir les salles et les allées : c'est chose facile. Refaire la maçonnerie, la toiture et les parquets, c'en est une autre. C'est le lot de la majeure partie des propriétaires.
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Le patrimoine en France n'a pas fini de faire rêver, les millions de visiteurs participant aux Journées du patrimoine en témoignent. Les châteaux, les grands parcs, les vieilles pierres attirent toujours autant, il faut s'en féliciter, pourvu que cela dure. Mais encore faut-il qu'il y ait suffisamment de sites pour satisfaire autant de curiosité. Car le patrimoine n'est pas l'exclusité du domaine national loin de là : sur les 50 000 châteaux du territoire français, 83% appartiennent à des particuliers.
Le château du Taillis, à Duclair, dans les boucles de la Seine, fait partie de ceux-là. En 1998, M. et Mme Navarro, tombent amoureux du château, en font l'achat et viennent s'y installer en famille, laissant derrière eux leur maison de la région parisienne. Aujourd'hui, c'est Nicolas Navarro, le fils de la famille qui en est le propriétaire. Il poursuit le projet de ses parents depuis son adolescence, avec passion et obstination, même s'il a parfois songé à le vendre tant la vie de chatelain est difficile, surtout lorsque l'on n'a pas de fortune personnelle.
Sorti de terre au XIVe siècle, le château sera tour à tour un manoir défensif, dont il ne reste qu'une geôle souterraine, puis petit chateau comprenant une chapelle au XVIIè siècle qui sera elle même transformée en théâtre après la revolution française. Pierre jaune, pierre de Caumont, brique, pans de bois, les murs du château portent en eux les marqueurs du temps. Autant dire que pour rénover le bâtiment, ses 60 mètres de façade et ses 62 pièces dans les règles de l'art, il faut un sacré savoir-faire.
N'est-ce pas Vincent ? Vincent Chatelain, notre présentateur fétiche, le très justement bien nommé pour cette occasion, va entrer dans l'habit coutumier de Nicolas : une cotte de... coton. Et oui, le châtelain du XXIème siècle a troqué depuis longtemps sa cotte de maille contre une cotte de maçon.
Vincent Chatelain s'essaie à la vie de chatelain du XXIè siècle et devient maçon d'un jour. Bien essayé ! Mais...sans succès...
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La bonne volonté ne suffit pas, entretenir un château coûte très cher
Sans fortune familiale ou personnelle, restaurer et entretenir un château peut s'avérer insurmontable. La recherche de financements est un souci permanent. Nicolas Navarro reconnaît qu'à plusieurs reprises, il a été tenté de tout laisser tomber. Mais sa ténacité a toujours repris le dessus. De nouveaux moyens de trouver des fonds et des aides font aussi florès depuis quelques années. Ainsi, c'est grâce à un financement participatif (autrement appelé crowdfounding) de la Fondation du Patrimoine, dans le cadre de la mission Stéphane Bern, que Nicolas a réussi à réparer complètement la serre du château dont la charpente métallique datant de 1870, à nu depuis 60 ans. L'ensemble de la strucutre a été complètement démonté, envoyé à Limoges dans une entreprise spécialisée pendant que des bénévoles se sont mobilisés pour restaurer les soubassements.
La passion du métier au service du patrimoine
Les châtelains du XXIe siècle qui n'ont pas d'autre choix que celui de chercher de l'aide en permanence savent qu'ils peuvent trouver des appuis sur des bénévoles, qui viennent en personne participer aux travaux, sur des donateurs ou des financiers, mais aussi sur l'engagement d'un bon nombre d'artisans, tout aussi passionnés et amoureux du patrimoine qu'eux. Car il n'est pas besoin d'être propriétaire d'un patrimoine pour le chérir. En témoigne M. Delestre, le couvreur en charge de la réfection de la toiture, qui connaît le château du taillis depuis plus lontemps que l'actuel propriétaire.Les artisans sont ravis de participer à la préservation du patrimoine normand ils ont la sensation de s’inscrire dans la preservation dans la continuité d’un savoir faire ancestral.
Mickael Hericher, menuisier au château du Taillis
Des vies gravées dans la pierre
Il aura fallu 21 ans à Nicolas Navarro pour restaurer 30 pièces du château du Taillis. Il en reste 32... autant dire que les aventures et mésaventures sont loin d'être terminées. Cette passion-là ne se contente pas de vous prendre votre argent, elle peut aussi dévorer votre santé, votre vie, et celle de vos proches. Au quotidien, la vie familiale se greffe sur les travaux et allées et venues des maîtres d'oeuvres et artisans. L'espoir de Nicolas : que sa passion se transmette à ses deux garçons et qu'ils aient à coeur de consacrer leur vie, eux aussi à l'édifice. C'est à priori en bonne voie et cela se lit dans leurs yeux lorsqu'ils parlent du château...
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