Coronavirus - "Le plus dur, c’est d’être dans le flou" : deux Normands racontent leur rapatriement en France

Tout juste rentrés d’Australie, un jeune couple de Normandie revient sur l’angoisse d’être bloqué à l’autre bout du monde et témoigne des différentes étapes de leur rapatriement.

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"Oui, enfin. En plus, il fait beau et on peut manger des baguettes et des croissants", lâche Timothé dans un rire. A l’autre bout du fil, on imagine aisément le sourire figé sur le visage du jeune étudiant de 22 ans, que l’on comprend heureux de retrouver sa Normandie, son Caen et sa famille.

Il faut dire que le Caennais et sa petite amie, Nolwenn, originaire de Cherbourg, ont longtemps cru qu’ils ne pourraient pas retrouver leurs proches et vivre le confinement à leurs côtés. Quitter l’Australie, et plus précisément Sydney, qu’ils avaient rejoint en juillet 2019 - la jeune femme pour y poursuivre son cursus universitaire en langue et son copain qui profitait de prendre une année de césure pour perfectionner son anglais et la suivre - a pris des allures de périple aussi long que fastidieux.
 

A la base, on avait pris un billet aller-retour, et fait valider un visa d’un an. En soit, on avait un peu de marge jusqu’en juin-juillet. On n’était donc pas dans les ressortissants prioritaires à rapatrier ", relate l’étudiant en design de produits.
 

Alors pourquoi rentrer en France ? D’autant que le confinement n’était pas encore mis en place en Australie à ce moment là. A cette question souvent posés aux rapatriés, le couple a répondu sur son compte instagram, véritable tableau de bord depuis le début de son aventure australienne. "Universités fermées et cours à distance", "non respect des consignes de distanciation et situation amenée à se dégrader", "éloignement avec (leurs) proches et la peur pour eux", "la situation financière compliquée" dans un endroit aux "loyers faramineux" tout ça "pour rester coincée" sans possibilité de travailler, énumère le couple.
 

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Bon, on a décidé de vous expliquer en détails ce qu’il se passe pour nous concernant le coronavirus ici en Australie. Pour le moment, ce n’est pas encore la panique (bien que les gens se battent pour du pq et des pâtes), il n’y a pas de confinement. Tout les commerces ferment, ainsi que des lieux comme Bondi Beach, plage la plus connue et fréquentée de Sydney. Ça commence donc à bouger par ici aussi. L’université a aussi décidé de fermer, les cours se font désormais en ligne. On peut donc imaginer que la situation va se dégrader, comme on a pu le voir en France, sachant qu’ici les gens ne respectent pas non plus les règles de distanciation sociale. Avec toutes ces informations, nous avions décidé de rentrer dès que possible en France. La question qui revient souvent c’est: pourquoi rentrer alors que la situation est meilleure en Australie? Tout d’abord, la situation, comme nous venons de l’indiquer, va se dégrader, comme elle l’a fait partout ailleurs. Par ailleurs, être loin de ses proches, avoir peur pour eux, voir que la maladie tue de plus en plus, c’est très dur pour le moral. Il y a aussi le côté financier à prendre en compte, nous aurions préféré passer le confinement chez nous, avec nos familles, sans soucis d’argent en tête, alors qu’ici, les loyers sont faramineux, et payer de grandes sommes pour rester coincés dans une maison avec des inconnus, ce n’est pas simple. Enfin, si nous ne partions pas maintenant, après, nous allions être bloqués ici pour on ne sait combien de temps et nous avions peur de ne pas pouvoir rentrer en Juin comme prévu initialement. Malheureusement, c’est ce qui est arrivé... notre agence de voyage nous a mal dirigé et à trop avoir attendu, nous nous retrouvons coincés ici. Tous les aéroports sont maintenant fermés et les seuls sièges disponibles ne sont pas à moins de 5000€. Nous sommes donc obligés de rester en Australie. Nous attendons d’avoir un avion dès que possible mais nous en avons pour 6 semaines au moins sans rien pouvoir faire. Voilà... c’est une fin de séjour compliquée, pas très marrante mais c’est comme ça. En tout ça, prenez soin de vous et surtout #restezchezvous ❤️

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5000 euros le billet retour


Rapidement, les deux Normands décident donc de rentrer plus tôt que prévu. Chaque jour, ils épluchent les différents sites à la recherche de vols qui, en plus de se faire de plus en plus rares, sont de plus en plus chers. "Il n’y avait quasiment que des vols assurés par Qatar Airways aux alentours de 5000 euros." Des sommes bien trop importantes pour les deux étudiants.

Ils contactent leur agence de voyage qui leur demande d’attendre quelques jours et leur promet de revenir vers eux, une fois une solution trouvée. "On voyait les aéroports fermer, les vols se réduire et on n’a pas eu de nouvelles. On n’a fini par les rappeler et ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient plus rien faire. C’était un peu la panique."

Puis, la solidarité sur les réseaux sociaux a fait son oeuvre. Membres d’un groupe Facebook qui comptent près de 30 000 ressortissants français vivants à Sydney, Timothé et Nolwenn se tournent vers l’ambassade. Là, ils sont dirigés vers le programme Ariane. "Il fallait remplir un document en ligne pour être recensé comme ressortissant français présent à l’étranger et souhaitant être rapatrié."
 


"Non ce n'est pas une blague"


Deux semaines de doutes et de stress permanents s’écoulent sans que rien ne bouge. "En soit, ce n’est pas si long. Mais quand les informations changent souvent, qu’on entend blanc d’un côté et noir de l’autre. On se pose énormément de questions. Est ce qu’on faisait le stock de nourriture quitte à les jeter ? Est ce qu’on faisait nos valises ? Est-ce qu’on allait tenir financièrement ? Quid du visa si le confinement durait au-delà. Le plus dur, c’était d’être dans le flou", soutient Timothé.

Clin d’œil du destin pour les deux tourtereaux qui auront essuyé les incendies en Australie et le coronavirus, la bonne nouvelle tombe le 1er avril. "Nolwenn a reçu un mail dans la matinée. Le lendemain à 17h, elle avait une place dans un avion Sydney-Charles de Gaulle. D’abord, on s’est demandé si c’était une blague", se remémore Timothé. "Puis, on s’est dit que sur un truc aussi important cela serait étonnant. Tout avait l'air officiel. On a appelé nos proches en suivant. Ils n’y croyaient pas au début du fait de la date. Mais bon, faire une blague comme ça et les appeler à 2h du matin..."
 
 

Un vol retour un peu particulier


Le Caennais, qui n'a lui pas encore reçu de mail, passe un coup de fil au numéro indiqué pour s’assurer qu’il est aussi dans la liste. La réponse est positive. C’est le soulagement. Ils vont pouvoir s’intégrer dans un vol spécial au tarif négocié par le gouvernement. "On est vraiment très reconnaissant. On en a eu pour 850 euros qu’on n'a pas eu à avancer. On est arrivé avec plus de bagages qu’autorisés et les membres de la compagnie ont été très conciliants."

A bord, le vol est à moitié rempli. Les voyageurs sont disposés aux extrémités des rangées de quatre pour respecter les distances de sécurité. "L’autre particularité a été cette escale à Doha d’une demi-heure où personne n’a bougé de l’avion. D’habitude, on s’arrête au moins une heure et on change d’avion. Là, les déplacements étaient limités au maximum pour contenir la propagation du virus."

24 heures de vol plus tard, 8 heures du matin vendredi 3 avril, et les voilà arrivés sur le tarmac de l'aéroport Charles de Gaulle à Paris. Les ennuis ne sont pas encore totalement terminés. Il faut maintenant trouver un moyen de faire le trajet aéroport-Cherbourg-Caen. "On était arrivé trop tard pour prendre le train du matin. Il n’y en avait pas d’autres avant le milieu d’après-midi et vu le nombre de bagages on se voyait mal se balader avec dans Paris. Prendre un taxi pour rentrer en Normandie n’était évidemment pas envisageable."
 

"Un accord oral avec un membre de la préfecture"

 


Leurs parents se proposent de venir les chercher en voiture, mais les appels en préfecture se concluent par "tant qu’il y a des trains, ce n’est pas autorisé de circuler en voiture". Finalement, ils obtiennent l’accord oral d’un membre de la préfecture. "Je ne sais pas sûr que ça nous aurait aidé. On n’avait peur qu’on dise à mon père de faire demi-tour s’il était contrôlé." Il sera contrôlé trois fois. A l’aéroport, "à deux mètres de nous" et lors de deux péages. "On a expliqué la situation, ils ont vu nos bagages et on a pu finir tranquillement notre trajet."

Depuis, Nolwenn et Timothé ont chacun rejoint leurs familles pour vivre la suite du confinement. Malgré une fin d’aventure sinueuse, ils n’ont pas perdu le sourire. Retrouver leurs proches et les spécialités culinaires françaises ont l’air de bien aider.
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