Coronavirus et street art : de l'art de la rue à l'art confiné

Comment les artistes de street art résistent-ils au confinement ? Eux qui, par essence, produisent leurs œuvres dans la rue ? Est-il possible de jouer avec cette contrainte?  Rencontre avec trois artistes confinés, mais libres

Société
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Comment continuer à dévoiler ses œuvres lorsque l'on est confiné ? Pour les  graffeurs et street artistes, la question est cruciale. Privés de sortie, ils ne peuvent plus investir l'espace public. Mais confinement ne rime pas forcément avec renoncement. Certains artistes résistent, et trouvent d'autres moyens pour poétiser l'espace urbain.

Le vidéoprojecteur pour exposer de chez soi

Gaspard Lieb a décidé de jouer avec cette contrainte. L'artiste réalise depuis plusieurs années des dessins XXL, qu'il  colle sur les murs de Rouen, et que les passants découvrent au détour d'une rue. Figures d'adultes rêveurs ou, plus récemment, d'enfants intoxiqués par les fumées de l'incendie Lubrizol. 

Tous les projets artistiques de Gaspard Lieb sont à l'arret depuis le confinement. Mais deux ou trois fois par semaine, le rouennais sort son videoprojecteur à la nuit tombée et projette ses dessins sur l'école primaire Marie Duboccage, située juste en face de son bureau. Il partage ses projections sur sa page facebook.
 
Le 26 mars il écrit : "Street art de confinement... On s'adapte !!! Je peux atteindre des bâtiments sans sortir de chez moi !!!
Je devais coller ce dessin demain. Je le projette donc ce soir de la fenêtre de mon bureau sur l'école d'en face. C'est une chute d'Icare...de circonstance si on y pense...
"

Sous le ciel étoilé, dans une ville silencieuse, il offre  sa vision d'un Buster Keaton, confiné, emprisonné derrière les barreaux, ou d'une petite fille allongée qui regarde les étoiles.

Gaspard Lieb ajoute :

Les professeurs de l'école Marie Duboccage se sont emparés des images, transmises à leurs élèves.  Les enfants voient leur école autrement, ça redonne de la vie à l'établissement qui est fermé depuis des semaines...Ca me fait plaisir. Dans la rue, les rares passants qui se promènenent, entre 20 heures et 21 heures, sont tout étonnés...Ils se demandent d'où surgissent les images.  il faut dire qu'une fois projetés, mes dessins font environ 6 mètres sur 6.


Des graffs à colorier pour les enfants

D'autres artistes de Street art de la région ont décidé de diffuser autrement leurs oeuvres. Konu, "graffitis artiste" dieppois, nous propose de tuer le temps de manière ludique. Sur sa page facebook, il livre plusieurs graffs, et invite parents et enfants à les colorier! Avec Corine Forest, une autre artiste, il est à l'origine du  collectif " colorimoi", qui a sa propre page facebook. Chaque jour, 8 artistes proposent des dessins en noir et blanc.

Ca occupe les enfants  et les parents, c'est une autre façon de montrer nos oeuvres et de les partager. C'est un rendez-vous quotidien.sur les réseaux sociaux.
Ce ne sont que des dessins inédits.  L'idée, c'est de créer un lien avec le grand public. On poste nos dessins, et ils nous renvoient la photo de leurs coloriages. A la fin, quand nous serons sortis de cette crise, nous pourrons imaginer une grande expo de photos de coloriages.

 


 Pour KONU, il est difficile de rester cloîtré : 

L'essence du graffeur, c'est de sortir pour peindre ! la rue, c'est notre espace de liberté... et nous en sommes privés . Malgré tout, je continue à travailler.  Je me rends chaque jour dans mon atelier. Il est  fermé au public et je ne vends plus ren, mais  au moins je sors de chez moi... J'espère aussi pouvoir maintenair le "festival spray" prévu à Dieppe le week-end du 13 juillet...J'avais prévu d'inviter de grosses pointures du street art. Mais pour l'instant, tout est bloqué, y compris les subventions...

Les "Gouzous" de Jace dans le bureau du professeur Raoult

L'artiste havrais de street art  a JACE, quant à lui, cessé de  promener ses Gouzous à travers le monde. 
 


Sur sa page facebook, il propose lui aussi  aux internautes et à ses nombreux fans de colorier ses fameux petits personnages, à défaut de les admirer dans la rue 
Il a décidé de "ne plus sortir du tout, pour me protéger et protéger ma famille."

Et puisqu'il ne peut plus peindre, il ressort ses archives,  jour après jour, et nous fait redécouvrir l'ensemble de son oeuvre. Jace a aussi crée plusieurs petites vidéos. Messages de prévention, ou coups de gueule liés au coronavirus et à l'attentisme de certains gouvernements.
 

Depuis quelques semaines, ses Gouzous ont été vus dans le monde entier, grâce...au professeur Didier Raoult, devenu célèbre depuis qu'il prône un traitement, l'hydroxychloroquine, pour lutter contre le coronavirus. 
 
 

"En 2017, j'ai réalisé une grande fresque pour l'hôpital de Marseille. Il se trouve que j'ai peint aussi un tableau, représentant un virus pulvérisé par un chercheur, pour le bureau du professeur Raoult. J'étais loin de me douter que 3 ans plus tard, il allait donner des interviews  pour le monde entier devant ce tableau, dans ce contexte si particulier...", raconte le street artiste. 



 
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