On dirait le début d’un conte : par hasard, un homme découvre une malle remplie de tableaux… et son destin va changer. Mais tout est bien réel : ces tableaux jusqu’ici oubliés, ce sont ceux du peintre normand Gaston Prunier. Cet homme, c’est le réalisateur havrais Nicolas Eprendre. Et cette incroyable histoire est à découvrir dans notre documentaire du jeudi : "Gaston Prunier, peindre avec humanité".
Au départ, il y a une affiche. Sur cette affiche, un dessin qui intrigue le réalisateur havrais alors en plein travail préparatoire pour un film consacré à Jules Durand.
Qui est ce Gaston Prunier, l’auteur en 1903 du tableau intitulé « Menace de grève » sur le quai Colbert où l’on décharge le charbon ? On ne sait pas grand-chose de lui. Alors Nicolas Eprendre cherche… et finit par retrouver la trace de sa petite-nièce.
Elle s’est installée dans l’ancien atelier du peintre, après la mort de sa tante. Il a vécu et travaillé ici, à Paris, pendant trente ans. Jusqu’en octobre 1927.
En s’installant dans cet appartement, Colette Monestier a récupéré tout le fonds d’atelier du peintre : « des centaines d’aquarelles, d’esquisses, de photographies et de papiers de toutes sortes. Elle décide alors de réunir mallettes et cartons usés par le temps dans (un) grand coffre de bois », apprend-on dans le documentaire.
Dans le film, Nicolas Eprendre pose la question à la petite-nièce de Gaston Prunier :
" - Donc c’était une découverte… quel a été votre sentiment quand vous avez trouvé tout ça ?
Il y en avait beaucoup alors j’étais émerveillée ! Parce qu’en fait, je ne le connaissais pas… Et Tante Claire n’en parlait pas non plus. Elle venait chaque année passer ses vacances chez mes parents mais elle ne parlait pas de son passé."
Elle continue : « En fait j’avais très peu de renseignements sur lui, c’était très vague. Tante Claire, oui, je l’ai bien connue mais pas lui… »
Vous arrivez un peu trop tard pour que je vous raconte des histoires, je suis désolée.
Colette Monestier, petite-nièce de Gaston PrunierExtrait de « Gaston Prunier, peindre avec humanité »
Mais l’histoire ne fait que commencer !
Un peintre oublié, mais pas inconnu
A un moment, je me pose la question : jusqu’où ça va m’emmener ? Est-ce que je le fais ? Et puis, la curiosité, l’envie…
Nicolas Eprendre, réalisateur de "Gaston Prunier, peindre avec humanité"
Avec l’accord de Colette Monestier, le réalisateur contacte des historien.nes de l’art, des conservateurs et conservatrices de musées… comme Annette Haudiquet, la conservatrice en chef et directrice du MuMa du Havre (musée d’art moderne André Malraux), interrogée dans le documentaire : « Quand vous m’emmenez chez Mme Monestier et qu’on ouvre cette malle aux trésors et que tout d’un coup cet artiste à peine connu devient cet artiste dont on brasse des feuilles… il y a quelque chose qui immédiatement est évident. »
Il faut que ces œuvres rentrent dans les collections du musée. Et donc on va sélectionner un premier lot de 10 aquarelles qui sont entrées dans les collections l’année dernière.
Annette Haudiquet, la conservatrice en chef et directrice du MuMa du HavreExtrait de "Gaston Prunier, peindre avec humanité" de Nicolas Eprendre
Dix aquarelles pour le MuMa du Havre.
Un peu moins pour le musée d’histoire vivante de Montreuil.
Un projet d’acquisition avec le musée Carnavalet à Paris.
Et des expositions, notamment au musée des Beaux-Arts de Caen.
Voir cette publication sur Instagram
Pourquoi ce regain d’intérêt pour ce peintre exposé en son temps mais oublié depuis ?
Un artiste prolétaire
Fort de l’intérêt renouvelé du monde de l’art pour l’histoire sociale du XIXe siècle, le travail de Gaston Prunier revient dans la lumière, après l’ombre du coffre.
Il faut dire que le peintre offre une vision bien différente de la Belle Epoque, éloignée des clichés habituels. Une période laborieuse et rebelle quand on la croyait belle et frivole.
Il est né au Havre, en 1863, et est issu du monde ouvrier.
Ce n’est pas le seul à le peindre à cette époque. Mais il le fait avec un regard différent, plus documentariste. Il ne cherche pas à héroïser le monde ouvrier. C’est un regard amical, proche.
Nicolas Eprendre, réalisateur de "Gaston Prunier, peindre avec humanité"
« Dans sa ville natale tout particulièrement, Le Havre, il s’aventure au-delà de l’avant-port, sur les quais où l’on décharge le café, le coton et le charbon. Bien loin de tout pittoresque, son regard se porte sur le quotidien des charbonniers. »
Dans le documentaire, Gaston Prunier prend la parole : « Les charbonniers forment la population la plus méprisée des ouvriers du port. Ils vivent au jour le jour et dorment parfois dans des wagons stationnés au bord d’un bassin.
Sur le quai Colbert, que tout le monde ici appelle le quai au charbon, les conditions de travail sont terribles. La poussière et l’alcool font des ravages. A 40 ans, on est vieux."
"Mon père fabriquait ces paniers dans lesquels on coltine le charbon. Ici, personne ne s’occupe de moi. On me connaît et je ne crains pas de séjourner dans ces lieux que tout le monde fuit. »
Je vois beau ce qui semble laid.
Gaston PrunierExtrait de "Gaston Prunier, peindre avec humanité" de Nicolas Eprendre
Et maintenant ?
Depuis 6 ans, le destin de Nicolas Eprendre est lié à celui de Gaston Prunier. Il accompagne la sortie du documentaire et reste, encore aujourd’hui, l’intermédiaire privilégié entre la petite-nièce du peintre et les professionnels du monde de l’art.
"Gaston Prunier, peindre avec humanité", un documentaire à découvrir jeudi 10 février 2022 à 23h20 sur France 3 Normandie.
Rediffusion le jeudi 3 mars autour de minuit et le mardi 22 février à 9h50.
Un documentaire à revoir en replay ici, dès le 11 février.
« Gaston Prunier, peindre avec humanité » de Nicolas Eprendre
Une coproduction Scotto Productions et France Télévisions