Depuis le 17 mars, les bénéficiaires des associations d'aide alimentaire augmentent. En face, certains agriculteurs écoulent difficilement leur production. Le don agricole peut alors faire office de pont entre ces deux univers. Une voie certes imparfaite, mais solidaire.
Il est aujourd'hui à la tête d’une très grosse exploitation agricole de 550 hectares partagés entre l’Eure et le Calvados.
Des centaines de kilos de pommes de terre données chaque année
Concrètement, chaque semaine des associations comme le Secours populaire ou les Restaurants du cœur viennent chercher des filets de pommes de terre à la ferme du Val d’Odon."En raison du confinement, pendant les 3 premières semaines, seule une association est passée, et a récupéré à elle seule tous les dons, c’est qu’il y a un besoin fort" constate la directrice de l’entreprise Séverine Hubert.
"Nous n’avons pas donné plus de pommes de terre depuis le début du confinement, mais il faut avoir en tête que la demande des grandes et moyennes surfaces a été multipliée par 4, on a du mal à suivre " précise-t-elle.
Christian Duchemin a fait partie des premiers agriculteurs à donner une partie de sa production. La structuration des dons agricoles s’est faite notamment avec Solaal. Cette association, présente partout en France, met en relation les producteurs qui souhaitent donner et les associations bénéficiaires des dons.
Solaal privilégie les dons de producteurs locaux pour limiter les kilomètres parcourus par les fruits et les légumes.
Deux fois plus de dons agricoles en France au moment du confinement
En Normandie, c’est Jean-Michel Hamel qui est à la barre de Solaal. Il en est le vice-président. Ces dernières semaines, l’association a doublé son activité dans certaines régions en raison du confinement."On a fait les calculs : une mère qui élève seule deux enfants et se retrouve au chômage partiel, c’est 16% de revenu en moins. C’est la part de l’alimentation dans le budget du foyer monoparental", s’inquiète Jean-Michel Hamel.
Le cœur même de l’association, c’est le don. "Mais à situation exceptionnelle, moyens exceptionnels", justifie Jean-Michel Hamel. "Dans la Manche, nous avons aidé les associations comme la Banque Alimentaire à acheter directement chez les producteurs des légumes, à prix coûtant. On a servi de lien."
De son côté, Roland Coutard coordonne les dons laitiers au profit de la Banque Alimentaire dans toute la France. Il a constaté "un doublement des dons de lait par rapport à l’année dernière".
Pour donner, le mécanisme est rôdé : "les producteurs précisent à l’industriel transformateur combien de litres ils souhaitent donner, et l’association doit payer les coûts de transformation", précise Roland Coutard.
Les bénéficiaires des associations d'aide alimentaire sont très demandeurs de ces produits frais transformés.
En temps normal, le don agricole c’est du gagnant-gagnant
Michel Gilbert, référent cultures à la FDSEA de la Manche, explique que "les industriels ont demandé avec le confinement une baisse de 2 à 3 % de la production laitière mais si on donne un coup de frein à la production de lait des vaches, on ne pourra pas leur demander du jour au lendemain de produire plus,alors certains éleveurs gardent un niveau de production de lait constant , et préfèrent donner le surplus aux associations".
C’est donc du gagnant-gagnant, et pas seulement de la pure philanthropie.
Le nombre de personnes qui bénéficient de l’aide de la Banque Alimentaire est en légère hausse depuis le confinement, confirme Pascal Kleffert, responsable de la Banque Alimentaire pour le Calvados.
"Habituellement, le don agricole représente 5% des 1700 tonnes de nourriture que l’on récupère en une année. Rien que ces dernières semaines, nous avons reçu des œufs, des pommes, des endives, des carottes et des pommes de terre… Ca se chiffre en tonnes ! Il y a une solidarité réelle des agriculteurs, qui préfèrent donner plutôt que de jeter ou méthaniser leur production " note Pascal Kleffert.
Le plus, c’est la fraîcheur puisque les légumes et fruits ainsi redistribués ne sont pas passés par la case de la grande distribution.
" On sent un réel intérêt des familles pour ce genre de produits", souligne Pascal Kleffert. "Dans un souci d’équilibre alimentaire, c’est un véritable plus."
Reste à espérer une corrélation durable entre l’augmentation des dons et celle du nombre de bénéficiaires dans les semaines à venir.