Cela fait une semaine. Et l’ire soulevée par le discours sur le séparatisme d’Emmanuel Macron le 2 octobre est toujours vive. En cause : la suppression de l’instruction des enfants à domicile. Dans la région, des mamans qui ont opté pour l'école à la maison s'expliquent.
Anaïs Jacq voit rouge depuis l'annonce faite par le président de la République. Maman de Marius, 4 ans et d’un bébé de 7 mois Charlie, elle a décidé très tôt avec son mari d’opter pour l’école à la maison.
La famille vit dans le Cotentin, et la semaine de Marius, c’est un mélange d’activités dans le jardin, à la maison et en dehors aussi, pour faire du sport ou aller à la bibliothèque.
L’atelier cuisine est l’occasion de manipuler des formes, de compter, de mélanger, de lire aussi une recette. "La salle de classe est partout, sans horaire défini. Tout est une occasion pour apprendre", explique Anaïs.
Ceux qui ont opté pour l’instruction à domicile (IAD) sont peu nombreux : environ 50 000 en France, ce qui représenterait 0,4 % des élèves.
"On n’enferme pas nos enfants à la maison, ils sont très ouverts sur ce qui nous entoure, d’ailleurs mon mari et moi on voyage beaucoup avec les enfants", précise Anaïs. " C’est un véritable mode de vie, on a voulu respecter en priorité le rythme naturel de notre enfant, et l’accompagner pour qu’il devienne un citoyen averti. Nous-mêmes sommes très investis dans la vie associative et locale de la commune."
La radicalisation se fait dans les écoles
Autant dire que l'annonce du président de la République de la suppression de l’instruction à domicile ne passe pas du tout. Anaïs, attachée aux valeurs de la République, se dit "choquée que Monsieur Macron nous mette devant le fait accompli, sans concertation avec les parents. En plus la question du séparatisme religieux ne concerne qu’un nombre très marginal d’élèves concernés par la radicalisation", s’insurge-t-elle."La radicalisation, elle se fait plutôt dans les écoles de la République, alors qu’on n’a vu aucun phénomène de radicalisation dans les familles qui instruisent leurs enfants" soutient de son côté Sandy Martin. "C’est un non-sens, c’est totalement contradictoire" estime cette maman de deux enfants âgés de 13 et 10 ans. Elle est relai pour « Les enfants d’abord », une association qui promeut l’instruction en famille.
"En plus, on est très contrôlé" poursuit Sandy. L’inspection d’académie est en effet chargée de vérifier rigoureusement qu’un enfant soumis à l’instruction en famille a bien bénéficié de cette instruction sur toute une année. Français, mathématiques, sciences, éducation civique… toutes les matières doivent être abordées, selon un socle commun, mais l’apprentissage se fait au rythme propre à l’enfant.
Une proposition liberticide
L’instruction à domicile est un droit qui existe depuis 1882 et la loi Ferry. C’est aussi parfois une solution. Dans les cas de phobie scolaire ou de harcèlement, elle permet à l’enfant de s’extraire du monde scolaire, avant de retrouver les bancs de l’école."C’est un droit, une liberté même, que l’on a en tant que parent de choisir le mode d’instruction pour nos enfants, et tous les parents sont concernés par cette privation de liberté" s’indigne Sandy.
Tous ? L’instruction en famille n’est-elle pas plutôt l’apanage de classes aisées ?
Tous les milieux sociaux sont concernés
C’est ce que l’on pourrait supposer. Les données sociologiques sont encore rares. Sandy constate en tant que relai des familles que "toutes les classes sociales sont représentées : les familles aisées, mais aussi des personnes qui vivent dans des logements sociaux". Beaucoup d’outils gratuits existent pour accompagner les enfants. "La médiathèque est gratuite pour ceux qui n’ont pas beaucoup de moyen, précise Sandy, sinon ça ne coûte que 10 euros à l’année et c’est une mine d’apprentissages."
Les travaux d’un sociologue vont dans le sens du constat de Sandy. Philippe Bongrand est maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise et chercheur au laboratoire EMA (Ecole, Mutations, Apprentissages). Il souligne que les profils des parents sont très variés. Les motifs aussi : situation de handicap d’un enfant, établissement scolaire de secteur mal réputé, raisons politiques ou religieuses…
Par ailleurs, la fin de l'instruction à domicile ne ramènera pas sur les bancs de l'école publique, par simple effet mécanique, les enfants actuellement instruits à la maison. Certains parents préférant les projets défendus par des établissements alternatifs, parfois hors contrat.
De son côté, Anaïs pense assurer l’instruction à domicile jusqu’en CM2, par crainte de ne pouvoir accompagner ses enfants dans certaines matières au collège. Elle est certaine d’une chose : Marius et Charlie pourront aller à l’école dès qu’ils en émettront le souhait.
L'instruction à domicile : comment ça marche?
L'école à la maison ne s'improvise pas, quelques règles doivent être respectées.- déclarer en mairie son choix de ne pas scolariser ses enfants pour les instruire à domicile
- le maire doit mener une enquête (pas sur le fonds de l'enseignement dispensé) sur les raisons et le cadre de l'instruction à la maison.
- Les parents doivent s'assurer de respecter un socle commun, qui permet aux enfants de suivre les enseignements des leurs copains scolarisés
- L'inspection d'acédémie contrôle la réalité de l'instruction. L'enfant a des exercices à réaliser, et les parents doivent fournir des documents comme les cartes de clubs d'activités.
- Si l'inspecteur estime que l'instruction laisse à désirer, un deuxième contrôle est effectué. Une injonction de scolarisation peut être délivrée à la suite de ce contrôle.