Nucléaire, hydrogène vert, composants électroniques et start-ups, le président de la République a dévoilé ce mardi matin les secteurs prioritaires du plan d'investissement "France 2030".
Aux 140 milliards d'euros de mesures d'urgence déployés durant la crise de la Covid-19 et aux 100 milliards du plan de relance annoncé à l'automne 2020, vont bientôt s'ajouter 30 milliards d'euros "pour répondre", selon Emmanuel Macron, "au déficit de la croissance française". A six mois de l'élection présidentielle, l'actuel chef de l'Etat a dévoilé ce mardi les secteurs prioritaires d'investissement pour les cinq prochaines années. "On va essayer de se projeter loin à un moment où beaucoup concourent à nous faire regarder à côté", a déclaré en préambule le chef de l'Etat devant un parterre de chefs d'entreprises, de parlementaires et d'étudiants.
"Une bataille pour l'indépendance et la qualité de vie", c'est ainsi qu'Emmanuel Macron présente le plan France 2030 au fil d'un discours fleuve de plus d'une heure trente. "Si nous déléguons les moyens de produire, de se nourrir, ce seront les préférences collectives d'autres puissances qui s'imposeront à nous." Une bataille qui prend en compte les défis environnementaux - "On ne peut pas penser les dix prochaines années comme si on ne faisait pas partie de l'ordre du vivant" - la place centrale de l'innovation. "Il nous faut un pays qui produise davantage et pour cela renouer le fil conducteur du couple innover-produire".
SMR plutôt qu'EPR
Premier secteur mis en avant par le président de la République, celui de l'énergie avec l'ambition de "devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030" et l'objectif d'au moins "deux giga factory d'électrolyseur" à cette échéance en France. Pour ce faire, le chef de l'Etat veut s'appuyer sur le nucléaire. "Si on produit de l'hydrogène avec de l'energie fossile, ça ne sert à rien". Un milliard d'euros devraient être investis d'ici 2030 dans "des technologies pour mieux gérer nos déchets" mais aussi dans l'émergence "des réacteurs innovants de petites tailles qui produisent moins de déchets", les Small Modular Reactor (SMR). Emmanuel Macron annonce également 500 millions d'euros dans "les technologies de rupture dans les énergies renouvelables".
En parallèle, le président de la République estime qu'il faut "investir massivement pour aider (l'industrie) "à décarboner" et évoque "une stratégie européenne d'accompagnement des investissements privés". Cela passe par l'accompagnement de la "transformation de nos grandes aciéries, de nos cimenteries pour leur permettre de continuer à produire d'ici dix ans" mais aussi par la robotisation et la digitalisation. L'enveloppe allouée à cette décarbonation de l'industrie et au "mix énergétique" est évaluée à 8 milliards d'euros.
Aéronautique et automobile "au coeur de l'avenir industriel français"
Dans le dommaine des transports, le chef de l'Etat met l'accent sur l'automobile et l'aéronautique, "deux secteurs au coeur de l'imaginaire industriel français, deux secteurs au coeur de l'avenir industriel français". Pour le premier, Emmanuel Macron fixe l'objectif de produire en France deux millions de véhicules électriques d'ici 2030. "Si nous continuons d'investir sur les batteries, le tissu industriel, la montée de l'innovation, nous pouvons y arriver". Et d'appeler, pour ce faire, les grands groupes à "une vraie stratégie coopérative". Pour l'aéronautique, le président veut "produire le premier avion bas-carbone d'ici 2030". Quatre milliards d'euros sont annoncés pour ces deux secteurs.
Après avoir évoqué le "mieux produire", le chef de l'Etat a abordé le "mieux vivre". L'agriculture tout d'abord avec deux milliards d'euros d'investissement annoncés dans le numérique, la robotique et la génétique. La santé ensuite, avec 3 milliards d'euros destinés à la recherche et l'industrie de la santé et l'objectif "d'au moins vingt biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques, d'ici 2030".
Dans ce chapitre, la culture a aussi sa place. "Mieux vivre c'est faire en sorte que l'imaginaire dans lequel nous évoluons soit le notre". Rappelant que "les industries culturelles et créatives sont des industries en compétition", Emmanuel Macron a appelé à "une stratégie d'investissement massive", notamment dans le domaine de la formation et de "la construction de grands studios". Toutefois, dans l'esprit du chef de l'Etat, "le rôle de la puissance publique n'est pas de développer l'industrie culturelle de demain mais de déclencher l'investissement."
Fonds marins et conquête spatiale
Enfin, le président estime qu'il n'est pas possible de "penser la France de 2030 sans penser la mer et l'espace" auxquels seront alloués deux milliards d'euros. Emmanuel Macron souhaite investir l'exploration des grands fonds marins. "Qui peut accepter qu'on laisse dans l'inconnu une part si importante du globe". Cette exploration est "un levier extraordinaire de compréhension du vivant, d'accès à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux écosystèmes d'innovation", indique le chef de l'Etat qui souhaite également que la France "prenne sa part à la nouvelle aventure" de la conquête spatiale. "La France, en assumant de travailler avec les acteurs établis, mais aussi avec des acteurs qui peuvent innover, peut changer la donne dans ce domaine." A court terme, Emmanuel Macron évoque comme objectif les "mini lanceurs réutilisables mais aussi les microsatellites".
Six milliards pour les matériaux et l'électronique
Pour parvenir à atteindre ces objectifs, le président de la République a listé des "conditions de réussite". La première d'entre elles est la sécurisation de l'approvisionnement en matériaux (consolidation de la filière bois mais aussi développement du recylcage des métaux et terres rares) et composants. "L'Europe ne produit plus que 10% des composants électroniques mondiaux. Il faut une stratégie européenne et française", plaide Emmanuel Macron, qui souhaite "doubler notre production électronique d'ici 2030 et aller vers des puces de plus petites tailles." Et d'annoncer une enveloppe de 6 milliards d'euros "sur les composants physiques et électroniques".
La "sécurisation des talents" figure parmi les autres "conditions de réussite" avec 2,5 milliards d'euros annoncés, notamment sur la formation dans les nouvelles filières. Le chef de l'Etat annonce également "un programme d'investissement confié à la BPI (Banque Publique d'Investissement) pour permettre à des startups de monter très vite en industrie, de développer très vite leurs démonstrateurs", avec l'objectif de voir émerger chaque année "cent sites industriels" dans la deep-tech. L'enveloppe allouée est de 5 milliards d'euros "3 milliards en fonds propres".
Le chef de l'Etat souhaite que ce plan France 2030 commence très vite. Les premiers crédits seront budgétés dès le 1er janvier 2022 "avec une cible de 3 à 4 milliards d’euros".