Épopée de Quevilly en Coupe de France : quand les amateurs deviennent spécialistes de l’exploit

2 ans après une demi-finale perdue face au PSG, l’US Quevilly entre définitivement dans l’histoire de la Coupe de France en 2012 en s’invitant au Stade France pour affronter Lyon en finale. Retour sur cette épopée avec le témoignage des acteurs clefs de cette aventure.

28 avril 2012, le Stade de France accueille l’US Quevilly (National) et Lyon (Ligue 1) pour le dernier acte de la Coupe de France. Dans les tribunes plus de 70 000 spectateurs sont présents, et la majorité arborent fièrement le jaune et noir, les couleurs du petit club de l’agglomération rouennaise. Célébrés comme des héros avant le début le match, les joueurs de Quevilly ont face à eux l’une des meilleures équipes françaises du moment.

Régis Brouard, le sorcier envoûtant

"L’ambiance était très particulière ce jour-là, se souvient Régis Brouard. Dès notre montée dans le bus l’émulation était incroyable jusqu’à notre arrivée au Stade de France. On était escorté par la police sur le périphérique. Cela nous faisait rire mais j’ai senti qu’à ce moment-là on est peut-être devenu un peu spectateur de l’évènement".

Loin du stade d’Ornano de Caen où l’US Quevilly avait signé ses exploits les plus retentissants (éliminations de l’OM et de Rennes) l’équipe perd ses repères dans l’antre mythique de Saint-Denis. "Les joueurs découvrent la pelouse, voient la famille et les amis dans les tribunes...les vestiaires sont immenses, je vois bien qu’ils n’y trouvent pas leur place ".

9 ans après, l’entraîneur normand se souvient de ces petits détails d’avant match qui n’auguraient pas un nouvel exploit de ses hommes. "En première mi-temps on passe complétement à côté. On prend 1 but mais le score aurait pu être beaucoup plus lourd ! En seconde période on a relevé la tête et les Lyonnais commençaient à être très fatigués.  À 10 minutes de la fin, notre attaquant Anthony Laup met une superbe frappe détournée sur la barre par Hugo Lloris. Je regarde mon banc et je sais à ce moment-là que c’est terminé et qu’on ne pourra pas revenir au score."

Lyon soulève la Coupe de France avec le capitaine quevillais Grégory Beaugrard. Le symbole est beau mais la défaite n’en est pas moins difficile à digérer. Un petit but d’écart qui laisse forcement des regrets à Régis Brouard.

"Laurent Blanc vient me voir à la fin du match et me rappelle qu’on a seulement perdu 1-0 pour me féliciter ! Sur le coup j'accepte assez vite la défaite car on surfe encore sur l’euphorie de cette belle épopée. Quelques mois plus tard la frustration s’est réveillée, et quand je décide enfin de revoir le match, c’est une sensation très bizarre, je ne prends pas de plaisir et je ne reconnais pas mon équipe… celle qui avait fait preuve d’une confiance et d’une détermination hors norme pour éliminer l’OM et Rennes. On était un groupe incroyable, Michel Mallet m’a laissé construire dans la durée l’équipe que je souhaitais. Je connaissais tout de mes joueurs et ils savaient tout de moi ! On était tellement bien semble" conclut ému celui que son Président avait baptisé « le sorcier ».

Grégory Beaugrard, le capitaine en première ligne  

Lui aussi était l’un des emblèmes de cette belle alchimie. "On était une bande de potes avant toute chose" raconte souriant, l’ancien capitaine de l’US Quevilly dont le premier grand souvenir de cette épopée reste incontestablement le quart de final face à l’OM. "Dans l’équipe on était beaucoup à supporter Marseille. C’était vraiment un plaisir de les affronter, on savait aussi qu’ils avaient beaucoup d’échéances à jouer à ce moment-là (Ligue des Champions) et on se dit pourquoi pas les battre ou les pousser jusqu’aux prolongations sur ce match. C’est ce qu’on a réussi à faire au terme d’une rencontre incroyable (victoire 3-2 après prolongations)".

Le taulier de la défense a su garder la tête froide pour jouer d’égal à égal quand beaucoup auraient pu se contenter de regarder les joueurs marseillais sans tenter de les bousculer. "On était hyper fier de sortir l’OM de Didier Deschamps, un footballeur et un entraîneur mythique ! On était les plus heureux du monde ce jour-là."

Derrière ce match héroïque des joueurs normands se cache aussi la signature de leur entraîneur. Pendant la mi-temps des prolongations, Régis Brouard tente le tout pour le tout en faisait entrer un attaquant supplémentaire pour arracher la victoire avant les tirs au but.

Je leur ai dit : ce match si on doit le gagner, on va le gagner maintenant et si on doit le perdre, on va le perdre maintenant ! Je sors un milieu de terrain et je fais rentrer Ayina devant. Je vois dans les yeux des joueurs que ça ne leur plaît pas du tout ! Ils se sentent en place, ils voient qu’ils maîtrisent globalement le match pour attendre les penalty, et moi je leur dit qu’on va prendre ce risque…il y a un joueur qui dit que je suis fou ! Je leur explique que je ne veux pas perdre aux penalty, c’est trop tragique ! J’ai connu ça en tant que joueur c’est trop dur à vivre. 

Régis Brouard, Ancien coach de l'US quevilly

En difficulté dans le championnat de National, l’attaquant Johan Christophe Ayina sort du banc et va devenir l’un des héros de cette Coupe de France en inscrivant un doublé en quelques minutes dont le but victorieux. "Il met 2 buts magnifiques, ça montre toute la confiance qui régnait dans ce groupe". Son capitaine de l’époque se rappelle "qu’à chaque match on rentrait sur le terrain en se disant qu’on avait une chance de l’emporter, même si elle était infime."

Anthony Laup, le héros du money time

Ambitieux, solidaires et talentueux, trois qualificatifs pour définir l’effectif de Régis Brouard de 2012.  "Je pouvais m’appuyer sur une ossature forte avec des joueurs de cru, comme Grégory Beaugrard et Joris Colinet qui connaissaient beaucoup de monde dans la région. Avec Joris on pouvait discuter de tout et de rien pendant des heures dans mon bureau, cette complicité c’est rare dans le football ! J’avais plusieurs leaders dans cette équipe. Les leaders techniques comme Pierrick Capelle, Mathias Jouan et Joris Colinet. Les meneurs charismatiques comme Frédéric Weis, et Grégory Beaugrard qui était mon relais sur le terrain. Il y avait aussi mes joueurs insouciants comme Anthony Laup qui avait beaucoup de liberté sur le terrain et qui jouait sur ses qualités naturelles !" L’attaquant normand est sans aucun doute le joueur star de cette aventure. Ses qualités de percussion et son instinct offensif lui ont notamment permis de mettre ce but d’anthologie face à Rennes dans le temps additionnel.

Une action encore gravée dans les mémoires. Les secondes semblent interminables quand l’attaquant frappe le ballon avant qu’il ne finisse dans les filets de du gardien rennais Benoît Costil. Le Stade d’Ornano exulte, Anthony Laup vient de qualifier les siens pour la finale.

"Je fais un appel, Pierrick Capelle me met un super ballon et j’ai la chance de pouvoir inscrire ce but ! Le scénario est incroyable il reste 3 secondes à jouer et mon but qualifie l’équipe…j’étais dans une autre dimension au moment de le célébrer ! C’est clairement le plus beau moment de ma carrière. On jouait ensemble depuis près de 4 ans et on se connaissait par cœur c’est selon moi la raison de notre succès". A Quevilly les coups d’éclats de 2012 ont couronné un long travail de fond.

Michel Mallet, le bâtisseur au sommet de l’édifice    

Il est à la tête du club depuis plus de 20 ans. Une structure qu’il gère en coulisse avec rigueur et ambition en laissant la gestion du domaine sportif à ceux qui en ont la légitimité. "Mon rôle en tant que dirigeant était de mettre l’équipe et le staff dans les meilleurs conditions pour vivre au mieux cette aventure. On a mis les petits plats dans les grands avec nos moyens limités, on les a protégé pour il n’y ait aucun grain de sable pour venir enrailler la machine. Les joueurs ont été choyés notamment pendant les mises au vert à Forges-les-Eaux. On a géré intelligemment aussi l’emballement médiatique, en posant un cadre clair pour éviter que l’équipe s’éparpille et pour que la presse puisse faire son travail. J’ai vécu 4 mois très intenses, à la fin j’étais complétement épuisé." Michel Mallet a su s’appuyer sur l’histoire du club en Coupe de France pour construire une écurie performante.

Les anciens nous ont laissé un héritage extraordinaire basé sur les valeurs du football amateur et ouvrier. Il y a eu aussi les beaux parcours dans cette compétition à l’époque de Daniel Horlaville. Cette coupe est ancrée dans la culture du club, j’en ai fait mon credo quand j’ai pris la présidence du club en 2000. J’ai toujours demandé à mes entraîneurs de mettre la meilleure équipe possible sur le terrain pour les matchs de Coupe de France. Je pense qu’en 20 ans Quevilly a écrit les plus beaux parcours de cette compétition.  

Michel Mallet, Président de Quevilly Rouen Métropole

Des épopées sans trophée, qu’importe, Quevilly fut célébré par un pays tout entier. Dans l’agglomération rouennaise 15 000 personnes ont défilé derrière le bus de l’équipe le 1er mai 2012. Une foule en symbiose pour remercier ces héros ordinaires.  Le football amateur brillait, le public s’enlaçait. Des plaisirs simples et autant de souvenirs heureux dans la période actuelle, notre mémoire ne se privera pas de s’y raccrocher.

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