L'abattage d'une allée de hêtres en janvier dernier avait suscité une vive émotion au Neubourg dans l'Eure. La justice vient d'annuler les arrêtés pris par la commune.
Le 17 janvier dernier, l'allée qui part du centre-ville du Neubourg, dans l'Eure, pour aller en ligne droite en direction du château du Champ de Bataille avait été interdite d'accès par les gendarmes. Le but : ne pas empêcher les bûcherons, arrivés au petit matin, de travailler. Une mesure à la hauteur de l'émotion suscitée par la mesure prise par la municipalité : l'abattage de 167 hêtres, plantés dans les années 50, sur cette allée inscrite aux monuments historiques. Motif invoqué : la sécurité des promeneurs menacées par la présence d'un champignon sur une trentaine d'arbres.
Deux mois plus tard, la justice désavoue la commune. Saisi par France nature environnement (FNE) et le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), le tribunal a annulé le 10 mars dernier les arrêtés municipaux de décembre 2020 "tant qu'ils n'ont pas limité l'autorisation d'abattage accordée à 30 arbres".
Un risque "pas suffisamment établi"
Renoncer à "l'abattage total" des arbres, c'est ce que réclamait une pétition lancée dans cette commune de 4300 habitants. Elle avait recueilli 74.694 signatures. "Il n'est pas suffisamment établi que la présence du polypore géant (ndlr : le champignon incriminé) présente un risque de contamination rapide de certains arbres de nature à justifier, afin de protéger leur état sanitaire, l'abattage total des 167 arbres de l'allée", estiment les juges dans leur décision.
Le tribunal rappelle également que l'Office national des forêts (ONF), dans un rapport issu d'un diagnostic réalisé en mai 2020, estimait "que seuls 30 arbres" devaient faire l'objet d'un abattage en raison de "défauts irréversibles". S'ajoute également "la présence de sept espèces protégées d'oiseaux sur le site de l'allée du Champ de Bataille" relevée par un inventaire réalisé par la Ligue de Protection des Oiseaux les 20 et 26 décembre 2020.
Un abattage total moins onéreux
Un arrêté préfectoral de "dérogation" daté du 14 janvier avait "autorisé la commune du Neubourg à procéder à la destruction de sites de reproduction ou d'aires de repos d'animaux d'espèces animales protégées pour le réaménagement de l'allée du Champ de bataille". La préfecture estimait que le "projet" d'abattage répondait à "une exigence de mise en sécurité du site". Cet arrêté fait également l'objet d'un recours déposé par France nature environnement.
Pour les plaignants, opposés à l'abattage total, la disproportionnalité de la mesure ordonnée par la commune pourrait être motivée par des raisons financières. Selon des devis adressés à la mairie du Neubourg dont l'AFP a eu une copie, l'abattage de 167 arbres coûte deux fois moins cher que celui de 30, les arbres sains récupérés par l'entreprise ayant une valeur marchande.