Béluga dans la Seine : la stratégie adoptée était-elle la bonne ? Les explications de Sea Shepherd

Pourquoi le béluga qui s'est perdu dans la Seine n'a pas été euthanasié tout de suite ? En a-t-on trop fait ? D'où vient l'argent qui a financé l'opération ? Dans une vidéo, l'ONG Sea Shepherd revient sur cet évènement marquant et répond aux questions.

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Pourquoi le cétacé a-t-il été gardé dans l'écluse ? Les équipes ont-elles été trop lentes à intervenir ? Dans une vidéo de plus de 40 minutes, tournée le lundi 15 août 2022, Lamya Essemlali, fondatrice et présidente de Sea Shepherd France, revient sur l’opération de sauvetage de Lys, le béluga qui s’était perdu dans la Seine début août et qui avait dû être euthanasié pendant son transport vers la mer, "pour répondre à certaines choses qui sont dites", qui méritent d'être clarifiées.

"Rétablir certaines vérités pour avancer vers la suite"

La présidente de l'ONG commence sa vidéo par un rappel des faits : le 3 août dernier, un cétacé est signalé dans la Seine. Seah Shepherd est averti dès le lendemain et en accord avec la sous-préfète de l’Eure, mobilise des équipes. Dès le soir, des drones sont déployés pour trouver le béluga, en vain. Le béluga sera finalement repéré le jour suivant par bateau avec l’aide des gendarmes. Le cétacé se dirige vers l’écluse Notre dame de Garenne, les autorités prennent donc la décision de fermer l’écluse pour éviter que le cétacé se dirige vers Paris. "Ça se joue à quelques minutes. Le bateau arrive à suivre le béluga et à s’engouffrer dans l’écluse et les portes se referment", explique Lamya Essemlali dans la vidéo. "La fermeture de l’écluse va permettre d’avoir l’animal sous surveillance, de tenter le nourrissage."

Chacun doit tirer des enseignements de ce qui s’est passé (…) la France n’est absolument pas préparée à ce genre de cas. Le cas de Sedna, l’orque, et celui de Lys doivent permettre à la France de se hisser au niveau qui doit être le sien quand on est un pays qui à 3.000 km de côtes. 

Lamya Essemlali, présidente Sea Shepheard France

Pourquoi le béluga n’a pas été euthanasié tout de suite ?

"Toutes les options ont été envisagées, y compris l’option de l’euthanasie. A mon sens, cela semblait prématuré. On ne savait pas de quoi était atteint le béluga", explique Lamya Essemlali. Le béluga était visiblement très amaigri, mais était-ce quelque chose d’incurable ou sur lequel les équipes pouvaient agir pour l’aider ? "En l’état, c’était impossible de le savoir", indique Lamya Essemlali.

L’ONG a contacté le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) au Québec, spécialisé dans l’observation des bélugas. "Il a été très clair : toute décision d’euthanasie à ce stade aurait été prématurée. L’animal était encore vif."

Le GREEM a assisté à distance à la réunion avec les services de la préfecture avait cependant indiqué que dans un cas de figure comme celui-ci, face à un animal très amaigri,  "il ne serait pas intervenu". "Selon lui, de toute façon, il allait mourir et qu’il fallait laisser faire", poursuit la président de Sea Shepherd.

Si nous n’étions pas intervenu ce béluga aurait continué son chemin dans la seine, mourir de faim, finir par s’échouer sur une berge de seine ou mourir percuté par un bateau. 

Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France

"C’est ce qui s’était passé avec Sedna, l’orque, où aucune décision n’avait été prise pour intervenir. L’animal avait été retrouvé mort dans la Seine", poursuit Lamya Essemlali. "On savait qu’on avait très peu de chance de réussir, mais il y avait une infime chance que peut-être, le mal dont il était atteint était curable."

L'opération de nourrissage ratée

Pendant plusieurs jours, les équipes ont tenté de nourrir le béluga pour qu'il reprenne des forces. Mais les tentatives se sont soldées par plusieurs échec. Mais cette opération de nourrissage n’a été possible que parce que le béluga était dans l’écluse. "Dans la Seine, cela aurait été impossible. L’animal était encore très vif, il parcourait de grandes distances, jusqu’à 40 km par jour." L’opération de nourrissage a permis de comprendre que quelque chose clochait au niveau du système digestif de l’animal, puisque ce dernier ne s’intéressait pas à la nourriture. "On était dans une course contre la montre avec un animal qui allait mourir de faim."

 

Selon Sibylline Océans, association franco-espagnole pour la préservation de la biodiversité des animaux, le cétacé aurait d'abord dû être réhydraté. "On ne nourrit pas un animal déshydraté", s'insurge Frédérique Cheyenne, présidente de l'association. Selon elle, la technique de nourrissage de l'animal n'était pas adaptée. "On lui a donné du hareng congelé mort, puis des truites vivantes d'élevage génétiquement modifiées !"

Le béluga a-t-il été stressé par la capture ?

La 9 août 2022, les équipes présentes sur place décident de lancer l'opération de la dernière chance. L'animal de 800 kg sera déplacé dans un bain d'eau salée à Ouistreham pour une période de soins avant d'être relâché dans la mer. Pour se faire, le béluga doit être capturé avec un filet et transporté par camion. Une opération à très haut risque pour l'animal et une course contre la montre. 

"A partir du moment où le filet s’est refermé sur le béluga et le moment où il a été sorti de l’eau, il y a eu à peu près 45 minutes. On a compté, monitoré ses respirations pour mesurer son état de stress. Il ne l'était pas."

Selon l'association Sibylline Oceans,  principalement composée de vétérinaires, là aussi, l'opération n'était selon eux pas adaptée : "Un animal dans un lieu fermé est forcément stressé. Il a mis 6 heures à déjouer les tentatives de captures. Cela aurait pu provoquer le syndrome de la maladie du muscle blanc, qui conduit à la mort de l'animal".

Selon la présidente de l'association, le filet n'était pas non plus adapté : "il y a un risque élevé de fracture."

S'en suivront 2h30 de transport en camion jusqu'à Ouistreham. "Ce n’était physiquement pas possible en France de faire mieux en si peu de temps. On était dans une course contre la montre et on était face à un choix extrêmement difficile, celui de déterminer le plus vite possible de quoi souffrait le béluga, pourquoi il ne mangeait pas, le sortir de l’eau de la seine qui est une eau pas adaptée, polluée.."

L'histoire se termine tristement : le béluga a dû être euthanasié lors de son transfert. Son état de santé s'est brutalement dégradé pendant le transfert.  "A l’arrivée à Ouistreham, il était en détresse respiratoire, en souffrance, ce n’était pas un animal qu’on pouvait remettre à l’eau. Il allait mourir asphyxié. C’était extrêmement dur de le voir comme ça", poursuit Lamya Essemlali. "Nous n'avions pas le choix."

"On savait que l'issue pouvait être tragique mais on a choisi quand même de saisir cette petite chance d’essayer, pour lui, pour Lys. Il y a eu une mobilisation sans précédent."

Pourquoi l’animal n’a pas été escorté vers la mer ?

Une autre option aurait été envisagée : ouvrir l’écluse de Notre dame de la Garenne "et voir si on arriverait à driver le béluga vers la mer". "On y a renoncé parce que on s’est rendu compte que c’était un animal qui sondait souvent avec une impossibilité de le garder en vue, de jour comme de nuit. On aurait eu 220 km de Seine à parcourir avec un animal affaibli, qu’on aurait perdu de vue et qui avait tendance a se diriger plutôt vers Paris. On avait des chances de réussite quasi nulles."

D'où vient l'argent qui a financé l'opération ?

La délicate opération pour sauver le béluga aura en tout mobilisé 80 personnes : vétérinaires, pompiers, gendarmes, plongeurs, membres d'associations... Quant au coût, il reste limité pour les finances publiques grâce à de nombreux dons.

"Au niveau de l’état, ça a surtout coûté la mobilisation des pompiers, des gendarmes, notamment sur cette nuit", explique Lamya Essemlali. "Une cagnotte a été lancé car la sous-préfète m’a expliqué qu’il n’y avait pas d’enveloppe budgétaire pour payer la barge sur laquelle Lys devait être posé avant d’être emmené dans le camion. C’était un devis de 28.000 euros. On a réuni en quelques heures la somme concernée."

Il y a aussi un dédommagement à prévoir pour le camion qui a acheminé le béluga a Ouistreham. "On n’a pas gagné d’argent sur cette opération, ce n'était pas le but", poursuit la présidente de Sea Shepherd France.

Selon Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-préfète de l'Eure qui a dirigé les opérations, le ministère de l'environnement a annoncé le jour-même de l'opération qu'il prendrait en charge certaines dépenses. "On ne s'est pas encore réparti les charges mais ça va financer par exemple la structure qui a permis de soulever le béluga. On pourra ensuite la conserver si jamais il y a besoin pour un autre animal."

La sous-préfète nous indique également que la fermeture de l'écluse n'a pas eu de conséquence sur le trafic maritime : "Il y a plusieurs bassins dans l'écluse. Par chance le béluga s'est mis dans la plus petite. Les bateaux n'avaient qu'à emprunter la seconde. Ca n'a presque pas ralenti le trafic."

Quelles leçons en tirer ?

La présidente de l'ONG soulève un problème de logistique : "En France, on n’a aucune structure adaptée pour accueillir cet animal dans un bassin d’eau salée, dans lequel on pourra déterminer les causes de sa maladie et éventuellement un soin à lui apporter."

"Ca a permis de prendre conscience au niveau de l’Etat qu’on n’est pas prêt et qu’on doit se préparer. On milite depuis longtemps pour la mise en place de structures de soins et d’assistance aux cétacés en détresse et c'est enfin parvenue aux oreilles de l’Etat qui prend conscience de l’importance de mettre ça en place", ajoute Lamy Essemlali.

Selon Isabelle Dorliat-Pouzet, "c'est un peu logique qu'il n'y ait pas de structure adaptée en France, ce n'est pas l'animal le plus fréquent sur nos côtes mais il faudra y penser pour l'avenir. La décision ressort du ministère de la transition écologique désormais."

Reste une question en suspend : le béluga souffrait-il d'une maladie curable ou incurable ? Les résultats de l'autopsie devraient prochainement permettre de le savoir.

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