Dans l'Eure, les subventions allouées aux communes et aux associations ne sont plus garanties en 2025 : "C'est un coup de rabot"

Le couperet est tombé pendant la session plénière du Département de l'Eure, ce vendredi 18 octobre : les subventions habituellement allouées aux associations et aux communes ne seront plus garanties en 2025. Entretien avec Jean-Pierre Mahier, directeur général de l’Association départementale d’aide à l’enfance et aux adultes en difficulté (ADAEA 27).

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Le Département de l'Eure ne garantit aucune subvention l'année prochaine, ni pour les associations, ni pour les communes : l'annonce a été faite ce vendredi par Alexandre Rassaërt, président du Département, à l'issue d'une session plénière où il a exprimé l'opposition des élus du Conseil départemental au projet de loi de finances 2025, actuellement débattu à l'Assemblée nationale.

22 millions d'euros d'économies supplémentaires

"Années après années, depuis 2015, nous avons présenté des budgets solides, à l'endettement maîtrisé, et effectué plusieurs plans d'économie. Cela nous a jusque-là permis d'absorber [...] l'accroissement des dépenses de 5 millions d'euros par an, décidée par l'État sans compensation : la revalorisation du RSA, le Ségur, la loi Taquet", a listé Alexandre Rassaërt.

Poursuivant : "Aujourd'hui, tous les départements de France font face au retour subi de l'effet ciseaux : l'effondrement brutal de 39,6% de leur épargne brute sur les dernières années en est la preuve. Pour faire face à cette situation inédite et continuer de rendre service aux Eurois, nous avions déjà identifié pour notre collectivité des économies possibles [...] en 2025."

"Or, le projet de loi de finances dévoilé la semaine dernière impose à notre département 22 millions d'euros d'économies supplémentaires." Ces 22 millions ne sont "pas tenables", a assuré le président du Département.

La "prudence" comme maître mot

Alexandre Rassaërt a ainsi indiqué écrire à l'ensemble des maires et des présidents des associations du département pour leur recommander de se montrer prudents "dans le montage de leur budget 2025".

"À ce stade du projet de loi de finances 2025, le Département n’est pas en capacité de garantir ses participations, ses subventions pour l'année prochaine."

"Il subit les conséquences du budget, il se veut prudent, glisse un conseiller départemental. Mais oui il y a des subventions qui vont passer à la trappe !"

"On va devoir faire toujours autant avec moins"

Pour certains maires et responsables associatifs, la décision est un séisme. Jean-Pierre Mahier, directeur général de l'ADAEA 27 et administrateur au Carrefour national de l'action éducative en milieu ouvert (CNAEMO), deux structures relevant de la protection de l'enfance, s'inquiète de ne pas être en mesure de mener à bien les missions, toujours plus nombreuses, qui lui sont confiées.

France 3 Normandie : 22 millions d'euros d'économies supplémentaires, cela signifie de potentielles subventions qui risquent d'être coupées. En tant que responsable associatif sur le territoire, êtes-vous inquiet ?

Jean-Pierre Mahier : Bien évidemment que l'on ne peut avoir que des inquiétudes. Depuis quelque temps, les budgets s'amenuisent. On sait qu'il y a des tensions budgétaires depuis des années... C'est un coup de rabot. Nous avons des budgets à tenir, des publics à accompagner. Cela se fait avec des dotations du département, elles sont essentielles pour nous.

Mon rôle, c'est d'accompagner les familles en difficulté avec des financements divers, notamment dans la protection de l'enfance. Le Département en est le chef de file. Il est évident que l'on a besoin de budget pour fonctionner. Il faut absolument que nous puissions, demain, poursuivre nos missions. On va s'adapter, évidemment, on ne peut que s'adapter. Mais le problème, c'est que ce coup de rabot pourrait avoir des conséquences importantes pour l'accompagnement des plus fragiles.

Nous avons de vraies difficultés de recrutement aujourd'hui.

Jean-Pierre Mahier

à France 3 Normandie

Quelles pourraient être les conséquences pour votre association ?

On va devoir faire toujours autant, voire mieux, avec moins de moyens et davantage de tension. Nous rencontrons de vraies difficultés de recrutement aujourd'hui. Il est clair que nous ne payons pas notre personnel à hauteur de ce que nous devrions.

Ce n'est pas la responsabilité du Département : ce sont des enjeux bien plus larges, des enjeux nationaux, puisque le Département paye les dotations à partir d'un cadre réglementaire national et légal. Mais pour autant, nous aurons toujours plus de missions à accomplir et si nos moyens ne sont pas augmentés, il sera difficile de mener à bien nos politiques.

Il y aura des arbitrages au sein du département... Certaines associations pourraient en pâtir davantage l'année prochaine... L'ADAEA 27 ne fait pas partie de cette liste noire ?

La boussole de notre association, c'est la protection de l'enfance, et le Département a cette même obligation. On a des inquiétudes par rapport aux dotations budgétaires, ça c'est clair... Mais ce que je sais c'est qu'il y a une affirmation de la collectivité aujourd'hui, un vrai souci, une vraie attention portée aux associations qui accompagnent les enfants.

Nous ne constituons qu'une petite part de l'ensemble des associations existantes au niveau départemental.

Jean-Pierre Mahier

J'ai envie de rester résolument confiant dans cette volonté de préserver la protection de l'enfance. Pour autant, il est clair que, s'il y a toujours eu un regard positif sur les politiques sociales dans notre département, il y a quand même une inquiétude pour le cas d'autres petites associations subventionnées. Nous ne constituons qu'une petite part de l'ensemble des associations existantes dans le champ de la protection de l'enfance au niveau départemental.

Alors que ce projet de loi de finances est en cours d'examen, vous appelez les députés à faire en sorte de maintenir le budget des associations ?

Je fais partie de la convention nationale des associations de protection de l'enfance. Nous avons eu une grosse mobilisation le 25 septembre à Paris, et effectivement, nous interpellons les parlementaires et les pouvoirs publics afin que les dotations de l'État soient préservées. Sinon, cela serait une catastrophe pour les enfants accompagnés.

Adrien Taquet a fait une loi qui demande aux départements de faire plus, toujours plus dans le domaine de la protection de l'enfance. Mais en l'absence de transfert de dotation et de moyens de l'État, il est sûr que nous ne pourrons pas arriver, nous, associations, à mener ces actions et à répondre à ces politiques.

Propos recueillis par Baptiste Garguy-Chartier.

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