Chaque année, de nombreux sites historiques français bénéficient de l'aide financière de la Fondation du patrimoine. Églises, haras, anciens fours à chaux, pigeonniers... comment les sites normands soutenus ont utilisé ces subventions exceptionnelles et quel impact ont-elles globalement sur ces projets ?
Un chèque de 330 000 euros pour la synagogue abandonnée d'Elbeuf (Seine-Maritime). 50 000 euros octroyés au site de four à chaux de Cavigny (Manche) qui abrite des chauves-souris. Ou encore une dotation de 280 000 euros pour l'église Notre-Dame-des-Victoires de Trouville-sur-Mer (Calvados).
Les sites historiques ou d'intérêts ne manquent pas d'être soutenus chaque année en Normandie par la Fondation du patrimoine, via des collectes populaires, des labels ou encore les désormais célèbres jeux du Loto du patrimoine.
"Rien qu'en 2023, près de 5 millions d'euros ont été octroyés pour des projets de différentes envergures dans la région" détaille Olivier Leclerc, délégué régional Normandie de la Fondation du patrimoine.
Mais que représente réellement cet argent reçu pour les projets bénéficiaires ?
"Un effet levier extraordinaire"
Pour Yann Adam, qui a reçu un chèque de 500 000€ via le Loto du patrimoine pour la restauration du haras de Saint-Lô, ces dotations sont bien plus qu'une simple opportunité financière.
Après l'incendie de juillet 2019 et la hausse des prix matériaux après le Covid, le directeur du Pôle hippique manchois s'était retrouvé avec une facture de 3,7 millions d'euros pour réhabiliter le monument.
En plus des 2,4 millions d'indemnités d'assurances, "nous avons eu la chance de bénéficier de l'aide de la Fondation du patrimoine cette année, car ils privilégiaient les aides en faveur d'équipements liés au sport, en clin d'œil aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Nous sommes ravis d'avoir reçu ce demi-million d'euros, qui est la somme maximale. Cette initiative de la Fondation du patrimoine a donné une visibilité extraordinaire à notre site" se félicite Yann Adam.
Un coup de projecteur au niveau national qui n'est pas sans répercussion. "Au-delà de ce chèque, il y a eu un effet levier extraordinaire" assure le directeur du Pôle hippique manchois. "Nous venons de signer il y a une semaine une convention d'un an qui nous permet de solliciter des fondations privées et des entreprises pour être soutenu. Nous ne pouvions pas le faire auparavant", se réjouit-il.
Des soutiens nationaux
Même si le haras de Saint-Lô bénéficie d'une certaine renommée, "il faut admettre que cette opération de la Fondation du patrimoine ouvre des portes et facilite les contacts au niveau national pour bénéficier d'éventuels soutiens financiers". Un coup de pouce non négligeable pour la structure, qui peut ainsi limiter le recours à l'autofinancement.
Car les aides de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et des généreux donateurs n'auraient sûrement pas suffi à combler les gros besoins financiers du chantier.
Et ce malgré, "la générosité populaire très importante en Normandie" observée par Olivier Leclerc. "On enregistrait 3 000 donateurs et 1,5 million d'euros récoltés dans la région en 2023. On voit que les Normands sont attachés à leur patrimoine fluvial, maritime, architectural".
Pour le château de Magny-en-Bessin (Calvados), ravagé par les flammes en 2016, l'argent de la Fondation du patrimoine a aussi été "absolument fondamental" commente Hervé Baptiste, président de l'association de sauvegarde de l'édifice.
Nous avons bénéficié d'une première dotation d'urgence de 60 000€ en 2018. Puis 300 000€ en 2022. La propriétaire n'ayant pas du tout d'économies, ces aides ont été le départ de tout. Notamment pour demander des aides financières à la DRAC et au Conseil départemental.
Hervé BaptistePrésident de l'Association de sauvegarde du château de Magny-en-Bessin
Sauf que les sous de la Fondation du patrimoine ne sont pas remis directement aux bénéficiaires.
Un rôle de garde-fous
L'argent promis n'est pas versé tel quel aux bénéficiaires : l'organisme règle les factures, si certains engagements sont respectés.
"Pour être soutenu financièrement, les projets doivent remplir certains critères comme le fait que le bâtiment soit visible depuis la voie publique, qu'il présente un intérêt patrimonial et que les travaux de restauration soient au plus près des caractéristiques historiques du site" affirme le délégué Normandie de la Fondation du patrimoine.
Un dernier point essentiel pour Hervé Baptiste qui, en tant qu'ancien architecte en chef des monuments historiques, compte bien redonner au château de Magny-en-Bessin son charme d'antan : "l'aile gauche du bâtiment est entièrement à refaire. Le plancher est pourri. Et il faut absolument remettre un toit. Notre priorité est de le reconstruire comme il était, dans un style traditionnel, avec sa pente d'origine et la couleur ardoise".
Problème, la propriétaire du site ne semble pas de cet avis et aimerait donner au château un look "plus artistique. Elle veut mettre un toit blanc. Et aussi des fenêtres blanches. Ce qui est clairement discutable d'un point de vue du patrimoine" déplore Hervé Baptiste qui négocie avec cette dernière pour trouver un compromis. Car, sans accord dans ce dossier, le permis de construire reste au point mort.
La Fondation du patrimoine peut effectuer des recours si les projets aidés ne respectent pas les engagements de préservation du patrimoine indiqués lors du dépôt des dossiers retenus, prévient. Et donc, potentiellement, ne pas débloquer les financements le cas échéant
Olivier LeclercDélégué Normandie de la Fondation du patrimoine
Si la propriétaire du site reste dans les faits "celle qui décide de l'avenir du château" comme le précise Hervé Baptiste, la Fondation du patrimoine pourrait jouer les garde-fous dans les dossiers de ce genre.
"Nous sommes attentifs à ce que les travaux soient effectués en bonne et due forme sur les sites en péril, conclut le délégué Normandie de la Fondation du patrimoine. En Normandie, nous avons un patrimoine d'une diversité et d'une valeur exceptionnelle qui font la fierté des habitants et la richesse touristique. Nous devons le préserver, d'autant plus sur notre territoire marqué par 1000 ans d'Histoire".