Deux jeunes maraîchers ont lancé depuis quelques semaines leur activité d’agriculture aquaponique au Landin, dans l’Eure. Elle permet la croissance très rapide des légumes grâce aux déjections de poissons. Cette technique encore peu répandue se veut plus verte et plus productive.
C’est une installation que l’on n’a pas encore l’habitude de voir dans nos fermes. Au détour des écuries du château du Landin, dans l’Eure, des tuyaux tortueux font le lien entre des aquariums et divers légumes. C’est là l’étonnante symbiose au cœur de la technique de l’aquaponie, que sont en train de mettre au point deux jeunes maraîchers.
Depuis quelques semaines, Nicolas Fessard-Simon et Edouard Coral ont lancé leur activité baptisée Landiponix. Sans formation spécifique, ils testent depuis deux ans leur système pour faire pousser leurs légumes.
Au départ de tout, un bassin où nagent une dizaine de carpes Koï, ces grands poissons japonais souvent orange et blanc. Leurs déjections vont alimenter l’eau en nutriments vitaux pour les plantes. Cette eau subit diverses filtrations avant d’être conduite dans des gouttières où trempent les salades sucrines, feuilles de chêne ou basilics. Elle retourne ensuite vers le bassin à poissons.
Une croissance "exponentielle" des légumes
Un flot continu dont les végétaux vont se nourrir par leurs longues racines, sans qu’ils ne pourrissent, bien au contraire : "Ce n’est pas parce que le légume est uniquement dans l’eau qu’il ne se développe pas, réfute Nicolas Fessard-Simon. Les nôtres ont des systèmes racinaires beaucoup plus grands, car plus ils se développent, plus ils peuvent capter de nutriments".
De cette manière, la production en aquaponie est beaucoup plus importante qu’en pleine terre. "La croissance de nos salades est exponentielle : on a des salades en 3 à 4 semaines contre presque deux mois en terre", détaille le maraîcher.
Dans ce système autonome, rien n’est donc ajouté. Pas de produits phytosanitaires, puisque les légumes produits en hors-sol sont éloignés des nuisibles. Pas d’eau supplémentaire non plus puisqu’elle est réutilisée : les deux maraîchers comptent donc réaliser une économie d’eau de 80% par rapport à l’agriculture classique.
Leur seul intrant reste la nourriture pour les poissons. "Le système aquaponique accélère la production, car on gère tous les éléments, résume Edouard Coral. On évite les aléas liés aux évènements climatiques, que ce soit les grosses pluies ou la sécheresse."
Des financements difficiles à obtenir
Cette technique agricole affiche de beaux résultats, et pourtant il n’existe aujourd’hui que trois fermes aquaponiques en Normandie, et une cinquantaine en France. Cette filière reste encore méconnue et complexe à maîtriser puisque les formations sont presque inexistantes.
"Elle est peu répandue car elle nécessite de maîtriser deux compétences : les plantes et les poissons", explique Edouard Coral.
"Les banques ne connaissent pas cette activité, les fournisseurs de matériaux sont peu nombreux et les produits coûtent assez cher : tous ces détails font que c’est difficile de se lancer"
Mais au-delà de l’acquisition de compétences, la recherche de fonds est également très difficile. Il a fallu deux ans aux deux maraîchers pour pouvoir lancer cette activité. "Elle ne rentre pas dans les cases de ce qui peut être subventionné, les banques ne la connaissent pas non plus, donc les financements ne sont pas évidents à obtenir, regrette Edouard Coral. Même les fournisseurs de matériaux sont peu nombreux et les produits coûtent assez cher. Tous ces détails font que c’est difficile de se lancer", conclue-t-il.
Pour les deux maraîchers-aquaponistes, les premières récoltes se feront fin août. Ils se sont déjà constitué un petit réseau de vente auprès de restaurateurs, de petites boutiques locales, mais aussi en vente en direct via leur site internet.
Leur prochaine étape de développement devrait avoir lieu l’hiver prochain, quand ils déménageront à proximité du méthaniseur du Landin. Leur exploitation passera alors de 250m2 à près de 2 000m2. Le méthaniseur permettra de transformer naturellement la matière organique en biogaz, et ainsi de réguler la température des serres dont Landiponix souhaite s’équiper.