Deux mois après la publication du rapport Sauvé qui révélait un nombre impressionnant de victimes d'abus sexuels dans l'Eglise, le diocèse d'Evreux va contribuer financièrement au fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs
C'est le 5 octobre 2021 que sortait le rapport de Jacques Sauvé, résumant le travail de la CIASE (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église).
Au terme de 32 mois de recherches et d’écoute de victimes et d’auteurs, le constat dressé est accablant pour l’Eglise française puisque dans son rapport, la CIASE estime que 216.000 mineurs ont été victimes de prêtres, diacres et religieux depuis 1950. Un nombre qui grimpe à 330.000, si l'on ajoute les personnes agressées par des laïcs, travaillant dans des institutions de l'Église (enseignants, surveillants, cadres de mouvements de jeunesse...). Des chiffres qui ne concernent que les personnes encore vivantes aujourd’hui.
"Il fallait absolument percer cet abcès"
La parution de ce rapport a été une onde de choc qui a secoué toute l'Eglise française, à commencer par les évêques. A Evreux, Christian Nourrichard a été profondément meurtri par ces révélations comme il l'a expliqué la veille de Noël à notre journaliste Myriam Libert :"j'ai été scandalisé en voyant cette énormité de personnes qui étaient blessées, et blessées à vie."
L'évêque d'Evreux, deux mois après, évoque une grande peine "ressentant au fond de moi-même ces hommes qui avaient trahi leur mission, alors qu'on est là pour apporter la paix, pour éveiller les uns et les autres à la beauté de l'existence, pour les encourager à faire front commun contre tout ce qui agresse, tout ce qui blesse les êtres humains. Et de plus, par rapport à des victimes totalement innocentes, ne pouvant pas réagir. Cela me marque encore, et toujours…"
Comment faire face au scandale ?
En novembre 2021, un mois après la parution du rapport Sauvé, les évêques se réunissaient pour élaborer et mettre en œuvre des mesures de lutte contre ces violences et de reconnaissance et réparation pour les victimes.
Pour l'évêque eurois il était urgent que l'Eglise réagisse :
"Ce qui nous permet d'être honnête dans notre mission, celle de l'Eglise, c'est d'être dans la vérité. Et là, devant ce drame, il fallait absolument percer cet abcès." Christian Nourrichard explique que cela ne peut se faire que par une prise de conscience collective et un respect partagé de tous de la dignité de tout être humain.
De l'argent pour les victimes
L'une des mesures prises lors de la réunion des évêques a été la création du fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs (fonds "SELAM")
Il ne s'agit pas "d'indemniser" les victimes, précise l'évêque d'Evreux car selon lui "ce n'est pas avec de l'argent que l'on pourra faire disparaître tous ces traumatismes, toutes ces blessures profondes."
Le fonds va donc servir à aider financièrement les victimes qui en ont besoin, notamment celles qui ont, encore aujourd'hui, des soins.
Qui va payer ?
Ne recevant aucun financement public, le fonds SELAM ne va fonctionner qu'avec des dons et notamment ceux des évêques et des fidèles. Les différents diocèses français n'ayant pas tous le même patrimoine et les mêmes ressources financières, leurs contributions se feront en fonction de leurs capacités. Si celui de Rouen devrait pouvoir contribuer à hauteur de 200.000 euros, à Evreux, la participation, moins importante, est en train de se calculer.
"Le diocèse d'Evreux a déjà contribué financièrement à partir de l'argent que nous avions reçu de prêtre pédophiles qui sont décédés."
Monseigneur Christian Nourrichard, évêque d'Evreux
Une contribution de 73.000 euros qui va être complétée après un inventaire complet de tout ce que possède le diocèse, dont notamment le patrimoine immobilier. Une équipe est en place pour étudier quels biens pourraient, mais "sans nuire à la mission habituelle", être mis en vente dès les premiers mois de 2022.