Soupçons de corruption à la mairie de Val d'Hazey dans l'Eure : Anticor lance un recours

Anticor, qui lutte contre la corruption, a déposé un recours contre une décision de classement du procureur de la République d'Évreux, d'une enquête sur des soupçons d'irrégularités à la mairie du Val-d'Hazey, dans l'Eure. Selon l'association, ce classement sans suite est injustifié. Le recours permettrait de relancer l'enquête et de la reprendre à zéro.

Faut-il relancer l’enquête pour soupçons d’irrégularités à la mairie de Val d’Hazey ? Le groupe local de la Seine-Maritime d’Anticor, association qui lutte contre la corruption, a déposé le 15 avril 2024 un recours auprès de la procureure générale de la Cour d'appel de Rouen (Seine-Maritime), Nathalie Bécache, contre une décision de classement sans suite du procureur de la République d'Évreux en date du 24 mai 2022. 

Une information de nos confrères du Poulpe, qui nous a été confirmée.

Faux en écriture et prise illégale d'intérêt

Des élus du conseil municipal de la petite commune de 5 000 habitants près de Gaillon dans l’Eure, étaient visés par une enquête fin novembre 2021, pour faux en écriture et prise illégale d'intérêt.

L’affaire avait été classée sans suite en mai 2022 pour des raisons « injustifiées » selon Anticor, car une incertitude demeure quant à la réalité de ce classement.

Des plaintes contre la mairie

Les faits présumés avaient été signalés à la justice par un conseiller municipal d’opposition, qui a porté plainte en mai 2021, et par l'association Anticor. Les signalements remontent à 2021 et 2022.

Ils dénoncent plusieurs situations dans lesquelles des élus de la majorité ont participé à des votes du conseil municipal, pour l'attribution de subventions à des associations ou organismes dans lesquels ils détenaient des intérêts.

Anticor est notamment intrigué par une polémique sur le 12ᵉ festival du cirque de la commune, mettant en avant la double casquette d'un élu local, à la fois organisateur du festival du cirque, clown professionnel, et adjoint à la culture et à la communication.

L’affaire avait été révélée et médiatisée à l'époque par nos confrères du Poulpe, un média normand d'investigation.

Des accords de subventions suspects

Autre exemple parmi d'autres relevés par un élu d'opposition : deux élus, mariés à des femmes exerçant des responsabilités au sein d'une association, auraient participé au vote des accords de subventions de la mairie. Cette association en question aurait obtenu des subventions de la part du maire de la commune, à hauteur de 17 700 euros en 2020, et 17 450 euros en 2021.

L'élu d'opposition aurait pourtant proposé un amendement visant à exclure du vote les élus concernés, amendement rejeté par le conseil.

Le 15 mars 2023, l’association Anticor dépose une plainte à son tour auprès du procureur de la République d’Évreux pour "prise illégale d’intérêts, détournement de fonds publics et concussion". En vain. 

Cette plainte n'aurait en réalité "rien donné". "La plainte 2023 ne semble pas avoir été étudiée par le parquet. Le procureur de la République n’a jamais informé le groupe local de la Seine-Maritime d’Anticor des suites données à ces signalements", indique l'association.

En effet, l'association apprend dans un courrier du parquet d'Évreux, en date du 3 janvier 2024 que l'enquête ouverte en mai 2021 était en fait déjà classée sans suite à la date du 24 mai 2022, sous motif "d'absence d'éléments intentionnels". 

Un avis de classement sans suite qui interroge

Une incertitude demeure quant à la réalité de ce classement. Le parquet a mis beaucoup de temps, malgré les nombreuses demandes et relances, à envoyer une copie de l’enquête pénale initiale au plaignant, alors élu d'opposition, comme le prévoit la loi, à partir du moment où une enquête est classée sans suite et close.

"Ce qui est problématique, c'est que cet avis de classement date du 3 janvier 2024, mais est signé par le parquet le 24 mai 2022. Il y a un manque de communication qui interroge, on se demande pourquoi."

Anticor

Pourtant, lors de ses nombreuses relances auprès du parquet, le lanceur d'alerte et Anticor pensaient que l'enquête était toujours en cours. "En août 2022, on lui dit que l’enquête est toujours en cours alors qu’elle était en fait classée depuis le mois de mai", nous indique l'avocat du lanceur d'alerte.

"Même chose en octobre, et même chose au printemps 2023. Les élus de la commune du Val-d'Hazey ont eu beaucoup plus d’informations que le plaignant. On a la sensation que le parquet a tout fait pour enterrer l’affaire", s'insurge l'avocat.

Une enquête peu poussée ?

Face à ces éléments qui interrogent, Anticor espère faire relancer l'enquête. L'association a déposé un recours auprès de la procureure générale de la Cour d'appel de Rouen (Seine-Maritime), Nathalie Bécache, le 15 avril 2024, contre la décision de classement du Procureur de la République.

Selon Anticor, le classement de l'affaire serait injustifié : "En tout état de cause, il apparaît, à l’analyse de l’enquête préliminaire, que cette dernière a été parcellaire, les enquêteurs s’étant bornés à auditionner uniquement trois des personnes visées par la plainte. Ces auditions ont été lacunaires et de courte durée, les enquêteurs s’étant abstenus de poser des questions essentielles à la manifestation de la vérité."

Contactée, Dominique Puechmaille, procureur du parquet d'Évreux à l'époque, nous indique qu'"aucune infraction ne pouvait être raisonnablement caractérisée, faute d’intention de nuire". 

L'affaire entre les mains de la procureure générale

De son côté, Rémi Coutin, actuel procureur d'Évreux qui a pris ses fonctions en septembre 2022, nous explique : "sur un plan déontologique, j’estime ne pas avoir à revenir sur une décision qui a été prise par ma prédécesseure. J’avais fait envoyer copie de procédure à l’avocat pour qu’il puisse faire envoyer la contestation du classement sans suite devant le parquet du procureur général de Rouen, c’est la procédure normale." 

Il poursuit : "Le dossier est entre les mains de la procureure générale, à elle d’apprécier si l’enquête faite à l’époque, n’a pas été suffisante."

Contacté également, le maire de la commune de Val-d'Hazey, Philippe Colas, n'a pas donné suite à nos sollicitations.

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