Le feu tricolore "intelligent" solution pour des maires de l'Eure qui veulent faire ralentir les conducteurs

Faute de déviation, des petites communes sont traversées chaque jour par des milliers de véhicules qui roulent trop vite, dont des camions. Exemple dans l'Eure et en Seine-Maritime.

Comment faire respecter la limitation de vitesse devant une école, ou à un passage pour piétons ? Cette question, des maires se la posent, constatant impuissants, que leurs administrés sont en danger aux abords de la route principale de la commune.

Premier exemple dans l'Eure, à Epégard, commune de 560 habitants traversée chaque jour par plus de 30.000 véhicules qui circulent sur la D83 qui relie Le Neubourg à Bourg-Achard.

Si la traversée d'Epégard est limitée à 50 km/h, peu de conducteurs respectent cette limitation comme a pu le constater sur place notre journaliste Frédéric Lafond. Autre élément : le relevé de vitesse effectué à la demande du conseil municipal et que détaille, un peu désabusé, monsieur le maire : "On a trouvé des poids-lourds à 100, 103 et 104 km/h ; des véhicules légers à 100, 110, 120, avec un record à 137 km/h ! ". 

Un radar ?

Avec une majorité de véhicules qui circulent à plus de 60 km/h dans le village, les piétons sont en danger quand il s'agit de traverser la route, notamment les enfants qui vont à l'école ou doivent rejoindre le point de ramassage scolaire.

La commune n'ayant pas les moyens financiers d'acquérir un feu tricolore, le maire en appelle aux services de l'Etat pour trouver une solution comme celle d'un radar automatique.

J'ai écrit au préfet de l'Eure pour demander un dispositif qui permet de réguler et de faire chuter la vitesse"

Pascal Démare,
maire (SE) d'Epegard (Eure)

durée de la vidéo : 00h01mn29s
©France Télévisions

Moins de camions dans le bourg de Montfort-sur-Risle 

Deuxième exemple d'une commune confrontée à la vitesse des véhicules  avec Montfort-sur-Risle, dans l'Eure.

Située entre Brionne et Pont-Audemer, cette commune est traversée par la  D130 qui permet, au départ de la région havraise, de rejoindre l'autoroute A29, sur l'axe Calais- Bayonne.  

Montfort-sur-Risle, 750 habitants, est un ancien chef-lieu de canton, dont le centre-bourg est traversé quotidiennement par des camions. Plus de 300 par jour ! Un projet de déviation par une nouvelle route passant par la forêt avait été envisagé dans les années 70, mais arrêté par le conseil général de l'époque après des pétitions d'opposants. Revenu dans les années 2000, ce projet de contournement avait finalement été abandonné car jugé trop coûteux. A la place, le département de l'Eure avait misé sur la signalisation pour inciter (en vain) les chauffeurs routiers à prendre un autre itinéraire…

En avril 2021, le conseil départemental a décidé de mettre en place une déviation par Beuzeville, Lieurey et Bernay pour les camions en "grand transit" empruntant l'axe Calais-Bayonne. Une première victoire pour le maire : "Les poids-lourds de plus de 19 tonnes seront déviés et on escompte 30 à 40% de poids-lourds en moins qui vont traverser Montfort-sur-Risle". Est-ce suffisant ? Non, répond l'élu qui explique qu'il y a un autre problème, celui de la vitesse…

Un accident mortel

Car bien qu'une zone 30 existe dans la rue principale, cela ne fait pas ralentir les camions. Ce que constate, comme d'autres commerçants du centre, André, le patron de "La civette des sports" : "Vous pouvez regarder, il n'y a aucun qui respecte les 30 km/h, personne, ici ne les respecte."

Quant aux passages piétons, difficile de traverser la chaussée quand les poids-lourds ne veulent pas s'arrêter.

En décembre 2020, deux jours avant Noël, une septuagénaire avait trouvé la mort après avoir été percutée par un camion en plein centre de Montfort-sur-Risle.

Afin d'améliorer la situation, le maire a demandé l'organisation d'une réunion avec la préfecture, le département et la gendarmerie : "A quatre, et pour aller plus loin, on va mettre tous les problèmes sur la table".  

Malgré les zone 30, les radars pédagogiques : la vitesse est là. J'ai demandé au préfet un radar punitif, je suis appuyé par le président du conseil départemental, mais ce radar ne peut être installé qu'à proximité du collège."

Jean Luc Barre,
maire de Montfort sur Risle

durée de la vidéo : 00h01mn39s
©France Télévisions

La solution des feux tricolores "intelligents"

Dans le département voisin, des communes de Seine-Maritime, confrontées elles-aussi au passage de véhicules à grande vitesse, ont fait l'acquisition de feux tricolores "pédagogiques". Egalement appelés feux "intelligents", ces feux sont équipés d'un détecteur de vitesse. Le premier type, dit "punitif" passe au rouge quand le véhicule qui s'approche roule trop vite. C'est le feu que l'on trouve dans le centre de Saint-Paër entre Duclair et Barentin, à l'intersection de la D86 et de la D63.

Le deuxième type de radar intelligent est le "feu récompense" : il passe au vert quand on roule à la bonne vitesse. Ces deux systèmes, récents, apparus ces dernières années n'étaient donc pas prévus dans les textes de 1967 réglementant la signalisation routière, ni dans le code de la route.  

Pour éviter le risque que ces feux soient jugés comme illégaux, des élus ont interpellé le gouvernement pour faire évoluer la réglementation.

Le 19 septembre 2020, répondant à une question d'un sénateur, le ministère de l'Intérieur avait  répondu que ces feux n'étaient "pas conformes" et avait demandé la mise hors service de ces feux à capteur en attendant une "évolution réglementaire".

"L'utilisation de feux asservis à la vitesse n'est pas conforme à la réglementation actuelle définie par l'arrêté du 24 novembre 1967 relatif à la signalisation des routes et autoroutes et par l'Instruction interministérielle sur la signalisation routière, qui ne prévoit pas la finalité de modération de la vitesse pour des feux de circulation. Néanmoins, au regard de la contribution que peuvent apporter ces dispositifs à la modération de la vitesse des véhicules en traversée d'agglomération, notamment dans les petites communes, le Gouvernement étudie les modalités de réglementation de ces dispositifs."

L'Intérieur avait justifié cette demande en évoquant les risques encourus par les élus locaux :

"En attendant cette évolution réglementaire, les collectivités qui ont déjà implanté ce type de dispositifs doivent les éteindre ou leur redonner un usage de feu de circulation classique. En effet, l'utilisation d'un équipement de signalisation non conforme à la réglementation engage leur responsabilité et la responsabilité pénale de leurs représentants en cas d'accident corporel de la circulation."

En parallèle, et pour préparer un changement de la règlementation, le ministère de l'Intérieur précisait qu'une commune a été choisie pour mener une expérimentation d'une durée de 2 ans d'un feu intelligent de type "récompense".  

"A cet effet, une expérimentation est actuellement en cours sur la commune de Vieux-Mesnil (Nord). De plus, un groupe de travail associant les collectivités, les fabricants d'équipements de la route et le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, doit proposer des conditions d'utilisation et un domaine d'emploi pour ces feux. En fonction des différentes conclusions, la réglementation pourra évoluer. "

Les feux "punition" interdits

Sept mois plus tard, le 19 avril 2021, le Journal officiel publiait un arrêté relatif à la modification de la signalisation routière dans lequel seuls  les feux tricolores intelligents de type "récompense" devenaient légaux. Mais pas n'importe où : " Lorsqu'il est utilisé pour réguler la vitesse des véhicules en approche, le signal est obligatoirement implanté en agglomération et en section courante, en dehors des passages pour piétons, des intersections et à l'écart du panneau d'entrée d'agglomération. "

Les feux déjà installés à des carrefours (comme celui de Saint-Paër), pourtant efficaces pour faire ralentir les véhicules à un endroit sensible, deviennent donc illégaux. Tout comme les feux "punition", ceux qui passent au rouge quand on roule trop vite puisque l'arrêté du ministère de l'Intérieur précise que "Le signal R22v doit fonctionner selon le principe suivant : en l'absence de véhicule le signal est rouge au repos. Le passage au vert est asservi à la détection des véhicules en approche (détection de présence ou mesure de vitesse). Les couleurs se déroulent alors cycliquement dans l'ordre suivant : vert - jaune fixe - rouge - vert. Lorsque plus aucun véhicule n'est détecté, le signal repasse au repos au rouge. La durée minimale du vert est de six secondes ; la durée du jaune fixe est de 3 secondes."

Des mairies contactées ce 27 avril, n'étaient pas encore, ni au courant, ni en mesure de dire ce qu'elles comptaient faire de leurs feux tricolores à capteur actuellement en service à des intersections.

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