Un concours culinaire pour inciter les jeunes à devenir chef cuisinier au moment où les restaurants peinent à recruter

Réaliser trois plats imposés en un temps imparti et les présenter à un jury : ce n'est pas le "pitch" d'une émission de télé mais ce qui attendait les candidats du concours régional de cuisine "Jeunes Talents de Normandie".

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Mise en bouche, chartreuse de poisson et râble de lapereau farci : voilà ce que devaient réaliser les finalistes de la première édition du concours de cuisine organisé par les établissements de formation (lycées et CFA) avec l'association des Toques Normandes.

Réunis au centre de formation des apprentis interconsulaire de l'Eure de Val-de-Reuil le 14 mars 2022, les quatre jeunes candidats, des apprentis âgés de 18 à 20 ans, sont passés en cuisine après des épreuves écrites. 

Un concours exigeant

Pour les candidats, participer à un concours est souvent source de stress. Pour Margot Latouche, élève en première année de brevet professionnel au CFAIE de Val de Reuil, c'est un défi personnel qui va compléter son cursus : "ça va m'apporter beaucoup de choses, comme par exemple de la confiance en moi, mais aussi la rapidité et la rigueur".
Il faut dire que les plats préparés seront présenté à un jury qui va noter l'inventivité, la technique, le dressage de l'assiette et… le goût.

"Notre métier c'est de travailler pour donner du plaisir, et donc on a beaucoup de chance ! Donc on va essayer de continuer à former les jeunes, leur donner le feu sacré"

Arnaud Viel, président du jury Jeunes Talents de Normandie et chef étoilé de l'Hostellerie de la Renaissance à Argentan (Orne)

Ce genre d'épreuve permet de préparer les futurs cuisiniers à intégrer une équipe dans un restaurant gastronomique où ils pourront ensuite progresser dans le métier.

Mais comme l'a expliqué à notre journaliste Frédéric Lafond, un des membres du jury, le chef Jean-Marie Vendel, du Cochon d'Or à Beuzeville (Eure) il faut susciter des vocations : "On a énormément de problème, nous, dans nos restaurants, pour trouver du personnel. Donc, le but de ce concours-là c'est de mettre en valeur les jeunes et de leur faire voir que dans la profession il y a de l'avenir et des établissements, et de bons établissements, qui peuvent les accueillir."

Une passion récompensée

Agée de 20 ans, Lika Okropiridze  (originaire de Géorgie) est élève en Bac pro cuisine au lycée Decrétot de Louviers (Eure). Elle est la lauréate de la première édition du concours "Jeunes Talents de Normandie" et a gagné un stage d'une semaine chez un chef étoilé.
Une belle récompense pour cette amoureuse de la gastronomie : "Depuis que je suis toute petite, je cuisinais tout le temps avec ma grand-mère, puis avec ma mère. Je pense que la cuisine c'est ma passion !"  

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14 mars 2022 - Le centre de formation d'apprentis de Val de Reuil (Eure) accueillait la finale du concours régional de cuisine "Jeunes Talents de Normandie" organisé avec les Toques Normandes. ©France Télévisions

Un métier en évolution et qui attire moins les jeunes

Chef étoilé à Argentan (Orne) et président du jury des Jeunes Talents de Normandie, Arnaud Viel s'est confié sur l'évolution récente de la gastronomie française et de la nécessité  et la difficulté de continuer à transmettre le patrimoine culinaire français. Au-delà des recettes, il y a tout un apprentissage des gestes et des techniques.

Savoir cuire, assaisonner, maîtriser la réalisation d'une mousseline, d'un montage, d'un jus, d'une sauce : tout cela nécessite du temps, de la rigueur, de la persévérance et de la patience. D’où l'importance pour les chefs de préparer dès maintenant  la relève :

"Notre but à nous c'est d'être là pour accompagner les jeunes dans la formation parce qu'on voit bien que dans notre métier, on ne va pas se voiler la face, il y a un manque de main d'œuvre. Même pour les concours, les jeunes ne se précipitent pas, alors qu'on pourrait croire le contraire quand on voit le succès des émissions de télé. Donc je pense qu'il faut, qu'on se remette en question avec l'apprentissage parce qu'on voit bien que notre métier ne fait plus rêver. A nous de les faire rêver. A  nous aussi de se poser des questions : pourquoi notre métier est en berne ? Pourquoi on a beaucoup moins de main d'œuvre ? "  

"Il y a un problème entre la vraie belle cuisine, maîtrisée par un savoir-faire, et puis la malbouffe où on ouvre des sachets sous vide"

Arnaud Viel, président du jury Jeunes Talents de Normandie et chef étoilé de l'Hostellerie de la Renaissance à Argentan (Orne)

Transmettre une passion

Le chef étoilé Arnaud Viel, en évoquant la difficulté de recruter et de former de futurs chefs cuisiniers, pose la question de l'avenir de la gastronomie française, de l'avenir des restaurants où l'on cuisine encore ce qui est servi, menacés par un nombre croissant d'établissements où l'on ne fait que vendre des produits fabriqués ailleurs, dans des usines de l'industrie agroalimentaire.
Avec comme corollaire l'uniformisation du goût, la perte des repères et du savoir-faire.

"Aujourd'hui, il y a vraiment une trop grosse différence entre la malbouffe et les restaurants dignes de ce nom, où l'on écaille le poisson le matin, où on lève les filets, où on va décoquiller les Saint-Jacques : ça c'est notre quotidien ! "
Arnaud Viel hésite un instant puis ajoute, l'air grave :
" C'est peut-être plus trop rentable aujourd'hui… Vous voyez ce que je veux dire ?  Il y a un problème entre la vraie belle cuisine, maîtrisée par un savoir-faire, et puis la malbouffe, si je puis dire, où on ouvre des sachets sous vide, où là c'est que du business…"  

"Mais nous, ce qu'il faut comprendre, c'est que pour transmettre un savoir-faire, il faut que nous ayons des clients… Et avoir, en cuisine, des brigades qui ressemblent à des brigades avec des postes pour pouvoir former les gens. Tout ça c'est un ensemble peut-être à revoir… "

"La télé ça fait rêver mais nous, notre quotidien il ne nous fait pas toujours rêver, et heureusement que nous sommes des passionnés, qu'on vit que pour ça, qu'on est amoureux de notre métier, parce que nous, notre métier, c'est de donner du plaisir, c'est travailler pour donner du plaisir. Et donc on a beaucoup de chance ! Donc on va essayer de continuer à former les jeunes, leur donner le feu sacré, si on peut …"

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