VIDÉO. La Factorie, le lieu où les mots s'entremêlent : "La poésie, c'est le fait d'être libre"

À Val-de-Reuil (Eure), La Factorie nourrit un objectif : celui de rendre la poésie accessible à tous. Le lieu, ouvert en 2015, lui est entièrement dédié. En plus d'accueillir chaque année 35 poètes et poétesses en résidence, il multiplie les rencontres et les interventions en milieu scolaire ou encore carcéral, pour libérer les mots et inciter le grand public à prendre la plume.

France 3 Normandie vous donne rendez-vous pour une chronique qui se déroule au plus près de chez vous. Chaque jeudi, nos journalistes web dressent le portrait de personnes et mettent en avant des initiatives atypiques dans des communes rurales ou dans des quartiers où notre média a moins l'habitude d'aller.

Aujourd'hui, direction La Factorie, à Val-de-Reuil (Eure). Le bâtiment se dresse sur l'Île du Roi. J'y accède par le village voisin de Léry. Je traverse de petites routes et passe devant l'église romane, avant de découvrir un véritable écrin de verdure que Patrick Verschueren a entièrement dédié à la poésie.

L'homme est un couteau suisse. Directeur artistique de la Factorie, il est également directeur des éditions Les Carnets du Dessert de Lune, situées à l'étage du bâtiment, mais aussi comédien et metteur en scène. En septembre 2015, il transforme l'ancien théâtre Ephéméride en un lieu dédié à la poésie. Malgré les réticences de ceux qui la croient obsolète.

"Au début, quand on a proposé cet endroit, on nous a regardé d'un drôle d'air. On nous a dit : 'pour quoi faire ? La poésie, c'est élitiste, c'est difficile.' Et on a commencé, avec beaucoup de difficultés, à lancer des choses, m'explique Patrick Verschueren. Peu à peu, ça a eu un effet boule de neige. Plein de gens s'y sont intéressés : les enseignants, le milieu carcéral, le milieu hospitalier... Ils se sont dit que c'était intéressant de parler aux gens avec la beauté des mots, de se réapproprier la langue, de trouver un côté inventif aux mots de la langue. On a besoin d'invention aujourd'hui !"

Un lieu hybride où l'inspiration est reine

À l’extérieur, quelques tables, le chant des oiseaux, le vent dans les branches. Un vélo Nakamura au look très 60's traîne dans un coin. Une grande estrade en bois surplombe le tout. Il est interdit d'y garder ses chaussures, précise un panneau.

Au-delà, j'aperçois un camion aménagé : le Poétobus sillonne les villages de la région, emportant avec lui jeux de société éducatifs et recueils de poésie. Le 5e art est nomade.

Dans le bâtiment, je vois la pancarte du café associatif. De grands tapis d'Orient habillent le sol. Plusieurs salles de spectacle, un nombre incalculable de bibliothèques chargées de recueils et une partie maison d'édition, à l'étage, complètent le tout.

L'ambiance, très "berlinoise" selon les mots de Patrick Verschueren, invite à la détente. Un piano à queue Érard attend les musiciens. Sur les murs, des poèmes. Je note la présence d'un de mes favoris, "Enivrez-vous", de Baudelaire. "Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve." La Factorie, c'est le genre d'endroit où l'on se sent bien, immédiatement. 

35 poètes en résidence

Une heure après mon arrivée, lundi 13 mai, les premiers poètes qui seront accueillis durant deux semaines en résidence arrivent, les bras chargés de bagages. Au total, ils seront 35. Tous ont été choisis parce qu'ils font rayonner la création poétique contemporaine, sans s'enfermer dans des carcans.

C'est assez incroyable d'avoir du temps et un peu d'argent pour se dédier uniquement à écrire, à tenter de déployer des fils, et d'avoir tout le temps pour ça.

Jenny Dahan

Musicienne et poétesse en résidence

À 67 ans, Saïd Mohamed est un habitué des lieux. Le lauréat du tout premier prix CoPo, un prix mis en place par La Factorie en 2014 et qui récompense un recueil remarquable et sa maison d'édition, se sent ici comme chez lui. Le lieu "est essentiel. C'est un lieu de rencontres, de pollinisation de la culture. Un lieu où l'on est bien, où on vient comme on revient dans une famille", décrit-il. Il en faudrait plus... Oui, mais la crainte des mots est encore bien présente, et ce n'est que timidement que des lieux comme La Factorie se mettent en place.

"On a peur des mots aujourd'hui. On a peur du langage. On parle à l'école du retour aux fondamentaux, on essaie de réduire la pensée, la liberté de cette pensée. La poésie peut effrayer, mais la poésie, c'est le fait d'oser, et le fait d'être libre", relève Patrick Verschueren.

Le Festival Poésia, c'est dans deux jours

Si vous souhaitez découvrir le lieu ou le concept, notez vite la date dans votre agenda : le Festival Poésia, ça se passe du 18 mai au 2 juin à Val-de-Reuil, Rouen, Bois-Guillaume et Caen. Au programme : ateliers d'écriture, projections, déambulations poétiques, concerts et brunchs en plein cœur de l'Île du Roi... Avec l'eau comme fil conducteur, et un grand final prévu devant l'église Saint-Maclou, à Rouen.

Vous hésitez encore ? "Il y a des poètes que l'on pourrait écouter des heures et des heures, avec leurs histoires et leur façon de dire les choses. Ils nous emmènent dans un espace qui nous libère de plein de contraintes et d'un langage utilitaire qui, finalement, nous enferme totalement", assure Patrick Verschueren.

Alors nous aussi, on s'y est essayé :

Comme il est difficile de se l'approprier
Comme il est légitime parfois de redouter
Ce langage emprunté, ces mots qui nous enivrent
La poésie effraie. Pourtant elle nous délivre
Le langage évolue : alors, osons écrire !
Sans entrave et sans crainte, guidés par le plaisir.

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