"Femmes en Jaune" : rencontre avec Anne Gintzburger, la réalisatrice qui s'est intéressée aux femmes gilets jaunes

En prenant la parole, elles racontent la spirale de la précarité. Elles sont infirmières, aide-soignantes, étudiantes, retraitées, citoyennes et Gilets jaunes. Anne Gintzburger leur a donné la parole dans sa série de documentaires, nous lui avons posé quelques questions. 

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Les antennes régionales de France 3 et France Ô donnent la parole aux femmes qui résistent et qui près de chez vous se sont rassemblées pour manifester leur colère. Lundi 4 novembre 2019 à partir de 22h45, retrouvez une soirée spéciale "Jaune de colère" sur les différentes antennes de France 3 dans votre région.
 
Un an après novembre 2018 qui a marqué l’histoire sociale et politique de notre pays, la collection documentaire de la réalisatrice dresse le portrait de ces femmes qui ont décidé de descendre dans la rue pour dénoncer leurs difficultés quotidiennes. Avec pas moins de 6 documentaires sur les "femmes en jaunes", Anne Gintzburger a sillonné les routes et les ronds-points de France pour donner la parole aux femmes. Une parole "libre", mais qui est souvent oubliée.

Il ne s'agit pas de faire des films qui opposent les femmes aux hommes, mais de faire des films qui font entendre une parole différente et plus libre, celle des femmes.
 

En portant votre regard spécifiquement sur les femmes des ronds-points, avez-vous réussi à mieux comprendre le mouvement des gilets jaunes ?

Anne Gintzburger : "Je ne sais pas si je l'ai mieux compris. J'ai trouvé comme beaucoup de gens que c'était un mouvement très hétérogène. Moi, j'ai eu envie de mieux comprendre ce mouvement par la voix de femmes. Parce que ce sont les femmes qui sont dans le quotidien en prise direct avec la difficulté de faire les courses, d'élever les enfants... Toutes les études le montrent, ce sont les familles monoparentales et notamment les femmes seules avec enfants qui sont les plus impactées par la précarité. Je sentais intuitivement que les femmes diraient, dans le détail de la vie quotidienne, beaucoup plus de ce mouvement que les slogans qu'on a vu en boucle à la télévision. Ce sont elles qui m'ont emenée au coeur des préoccupations de tous ces gens qui se sont engagés."

Je sentais intuitivement que les femmes diraient beaucoup plus de ce mouvement que les slogans qu'on a vu en boucle à la télévision.
 

Votre regard de femme en tant que réalisatrice vous a influencé ? 

Anne Gintzburger : "Je suis une femme et je travaille depuis plusieurs années sur la parole des femmes sur différents sujets : les femmes agricultrices dans le Calvados, les femmes ouvrières de l'industrie du textile des Vosges. En étant une femme, il y a une intimité qui se crée entre nous. On partage les mêmes difficultés liées à la place des femmes dans la société, liées au sexisme. Il ne s'agit pas de faire des films qui opposent les femmes aux hommes, mais de faire des films qui font entendre une parole différente et plus libre, celle des femmes. Les femmes n'ont pas honte de dire les espoirs qui sont les leurs pour l'avenir de leurs enfants."
 

La parole des femmes est libre, peut-on dire qu'elle est souvent oubliée ?

Tous les hommes que j'ai rencontré sur les ronds-points me disent "nous avons tenu parce que les femmes étaient à nos côtés"

Anne Gintzburger : "Il y a une chose qui est très étonnante, je vais le dire de manière un peu abrupt. Ça fait 30 ans que je travaille sur les questions sociales et je me rends compte que les femmes ne courent pas après les caméras, elles ne courent pas après les journalistes. Elles ne donnent pas leur confiance n'importe quand et d'ailleurs, quand elles la donne, c'est pour dire des choses fortes. Il y a toute une société et encore certains milieux où traditionnellement les femmes ne prenaient pas la parole. Les choses sont en train de s'inverser, pas dans une opposition entre les hommes et les femmes, mais dans une complémentarité de propos. Tous les hommes que j'ai rencontré sur les ronds-points me disent "nous avons tenu parce que les femmes étaient à nos cotés", et elles ne vont pas s'arrêter parce qu'elles vivent leur combat dans leur vie quotidiennement, dans leur vie familiale."

Avez-vous ressenti des difficultés à vous immiscer dans le mouvement des gilets jaunes ? 

Anne Gintzburger : "C'est une question qu'on me pose souvent car beaucoup de médias ont eu des difficultés à travailler dans ce mouvement. Ça n'a pas été difficile pour moi. Mon approche était de les suivre sur plusieurs mois. Je rencontre les gens en leur proposant un projet partagé. Je leur dis que je sais faire un film mais que j'ai besoin d'eux pour raconter leur histoire. Elles m'ont donné et j'ai donné. C'est une relation qui s'est construite dans la confiance et dans le temps. 
  

Quelle est la particularité des Gilets Jaunes de Normandie par rapport aux autres régions ? 

Anne Gintzburger : "Globalement sur l'ensemble de la collection, les femmes qui se sont engagées dans le mouvement à travers les différentes régions disent les mêmes choses. Elles se dressent face aux violences, face aux récupérations politiques et elles racontent de quoi ont été faites leurs vies quotidiennes. En Normandie, la particularité c'est qu'il y a plusieurs femmes qui ont été largement médiatisées comme Chloé Tessier et Ingrid Levavasseur. Moi je voulais faire un pas de côté et ne pas m'intérésser à ces personnes médiatisées. En Normandie, j'ai choisi ce petit goupe de femmes dans le Perche qui font partie du collectif "Soleil normand". Elles ont reinventé un combat citoyen autour du combat des Gilets Jaunes en mettant en place un système d'entraide : partage de potagers, garde d'enfants, partage d'informations qui tend vers les circuits courts, etc... Elles ont transformé leur premier engagement sur les ronds-points en quelque chose de très citoyen dans la vie quotidienne."

 

► Les femmes du rond-point

un documentaire de Anne Gintzburger 



A l'issue du documentaire, à 23h35, deux débats sur France 3 Normandie, des personnalités publiques et politiques débattent de la mobilisation des femmes dans la révolte des Gilets Jaunes.

France 3 Normandie antenne de Caen soirée présentée par Aurélie Misery avec des interventions de Stéphanie Lemaire avec leurs invités :
  • Stéphanie Leprince, personnage central dans le documentaire, basée dans l’Orne
  • Chloé Tessier, gilet jaune à Caen
  • Bertrand Sorre, député LREM de la Manche
  • Anne-Marie Cousin, présidente de l’association des maires de la Manche
  • Michel Collin, président de la CCI Caen-Normandie



France 3 Normandie antenne de Rouen soirée présentée par Emilie Leconte et ses invités:
  • Bruno Questel, Député LREM de l’Eure
  • Matthieu de Montchalin, Président de l’association les vitrines de Rouen
  • Alban Raymond, socio-anthropologue 
  • Valéry Beuriot, Maire (PC) de Brionne dans l'Eure
  • Olivier Bruneau, porte-parole des Gilets Jaunes de Rouen
  • Yann Bertrand, représentant du syndicat unité SGP Police
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