C'est l'un des grands sujets de conversation dans les cours de récréation : la guerre en Ukraine intrigue voire inquiète les enfants. Parents, enseignants, comment aborder cette actualité avec les plus jeunes ?
Sur son ardoise, Gabin écrit "Battez-vous". Voilà ce que lui évoque la guerre qui oppose l'Ukraine à la Russie. "Je veux donner la force aux Ukrainiens de ne pas se rendre, c'est important de les soutenir", explique l'élève de 10 ans.
Ce matin, son instituteur a décidé de poursuivre une conversation improvisée débutée la semaine dernière au lendemain du début du conflit avec ses élèves de CM1-CM2. Les questions en classe sont venues très vite, "ils en ont parlé avec leurs parents mais ils avaient besoin peut-être d'une parole plus institutionnelle", explique Vladimir Hangard, professeur des écoles.
Les premières questions de ces enfants ont été très pragmatiques raconte le professeur de cette école d'Illeville-sur-Montfort dans l'Eure : est-ce que mon père peut être appelé pour partir à la guerre ? Est-ce que la guerre va venir jusque chez moi ? "Ce qui est difficile de leur faire comprendre c'est qu'on n'a pas beaucoup plus d'éléments qu'eux" explique l'enseignant.
Si on n'explique pas ce qu'il se passe et que les parents ne le font pas, des choses vont passer sous silence et les élèves se construiront une fausse image de la réalité.
Vladimir Hangard, professeur des écoles
Il a pris l'initiative ce matin de leur expliquer le conflit, à l'aide d'une carte mais aussi principalement avec des mots : "il faut que les élèves comprennent d'où vient cette guerre, puis il faut imaginer ce qu'il peut se passer demain".
Il faut rassurer l'enfant sans mentir, sans lui cacher la réalité en éliminant tout de même les éléments trop brutaux conseille la psychologue Carole Addari-Teddé.
Dans son cabinet de Rouen, le thème revient souvent depuis plusieurs jours. La plupart de ses patients livrent pendant leur séance leur ressenti sur la guerre qui oppose l'Ukraine à la Russie. Certains de ses plus jeunes patients sont même angoissés depuis quelques jours : "Je vois une petite fille qui fait des cauchemars depuis peu. L'angoisse peut se manifester de cette façon". Pour la professionnelle, le travail doit être fait par les instituteurs puis les parents jouent le rôle de canalisateurs des émotions "car les petits finalement, savent déjà pas mal de choses avec le flot informatif mais n'ont pas la maturité suffisante pour se mettre au niveau et faire le tri".
Des outils pour les enseignants
Le ministère de l'éducation n'oblige pas les enseignants à évoquer le sujet en classe mais leur propose des outils spécifiques pour s'en emparer. Sur le site éduscol sont mis à disposition des ressources pédagogiques et éducatives expliquant le conflit entre l'Ukraine et la Russie pour tous les niveaux, de la primaire au lycée.
Le site internet Chavari à l'école (site de partage de ressources pour enseigner)a ouvert un espace "Parler de l 'Ukraine aux enfants" propose des pistes de ressources par cycle et des renvois à des articles de presse sur l'actualité.
Sur la plateforme d'apprentissage Lumni sont disponibles les vidéos "Un jour, une question". Chacune d'entre elles est composée de dessins animés accompagnés d'un commentaire explicatif simple. En une minute l'enfant pourra savoir qui est Poutine par exemple, ou ce qu'est un cessez-le-feu.
Se désangoisser
Pour Carole Addari-Teddé, psychologue clinicienne installée à Rouen cette guerre touche tout le monde, tous les âges. Les patients adultes en parlent autant que les plus jeunes, mais surtout pour "se désangoisser", note la professionnelle qui a remarqué un réel besoin d'échanges et de point de vue sur cette actualité : "les ados ont l'ensemble des connaissances pour contrôler, maîtriser la situation, mais l'angoisse est beaucoup plus ressentie chez les adultes, ils ont une crainte de la projection".
Beaucoup de ses patients adultes se sentent encore déprimés par la crise sanitaire et parlent très franchement de leurs inquiétudes face à la menace nucléaire, "alors que l'enfant n'en parle pas et l'adolescent est préoccupé par les missiles, je pense qu'il y a un besoin de parler pour se désangoisser et se rassurer", conclut la psychologue.