Du 24 août au 5 septembre 2021, 4 400 athlètes handisports s’affronteront à Tokyo. Parmi eux, le Paratriathlète Alexis Hanquinquant et le Pongiste Florian Merrien, deux Normands programmés pour monter sur le podium.
Leur indéboulonnable sourire force le respect. La vie ne les a pourtant pas épargnés. Un accident de chantier a couté à Alexis Hanquinquant une partie de sa jambe, quant à Florian Merrien c’est un virus contracté à l’âge de 18 mois qui s’est attaqué à sa moelle épinière, 1 heure plus tard ses membres inférieurs étaient définitivement paralysés.
Merrien le précurseur
"J’imagine que cela a dû être très douloureux pour ma famille, mais moi je n’en ai pas souvenir ! Dans mon esprit j’ai toujours vécu avec ce handicap, mes parents m’ont fait comprendre que j’étais différent mais que je devais vivre avec les autres et faire les mêmes choses qu’eux."
Florian Merrien a su se nourrir de l’altérité pour contourner les obstacles. A 10 ans, il franchit les portes du club de Tennis de Table de Grand-Quevilly, à une époque où le Handisport est encore marginalisé.
"Je pense que mes entraîneurs m’ont regardé arriver avec des grands yeux en se demandant ce qu’ils allaient faire de moi ! Ce qui m’importait c’était de faire du sport je n’avais aucunement l’ambition de devenir un champion", raconte amusé l’actuel N°3 mondial de Tennis de Table.
Hanquinquant le résilient
L’Yvetotais avait 24 ans quand sa vie a basculé. En pleine force de l’âge, il est tout juste sacré champion de France de Full contact avant d’être victime d’un lourd accident de chantier en 2010. Sa jambe est broyée puis sauvée médicalement, mais la douleur le pousse à choisir l’amputation 3 ans plus tard.
"J’avais besoin d’un objectif sportif pour rebondir. Je me suis alors inscrit au club de Triathlon d’Yvetot. En course à pied et vélo j’étais plutôt à l’aise mais en natation j’avais vraiment un petit niveau avant de rencontrer mon actuel entraîneur".
A Rouen, Nicolas Poulot le prend alors sous son aile et le hisse au niveau des meilleurs nageurs régionaux valides.
"Sa progression en natation est linéaire, cela a toujours été notre objectif. C’est la première partie des épreuves de triathlon, pouvoir se mettre en confiance dès le début c’est toujours un atout."
Choix payant, du haut de son 1, 95 m Hanquinquant domine la concurrence et remporte 3 titres de champion du monde et d’Europe.
Mental d’acier et capacités techniques hors normes
Si leur parcours diffère, leurs qualités convergent. Les deux Normands ont construit leur palmarès à la faveur d’une détermination sans faille.
"Florian a une énorme capacité de travail, jusqu’à 5 heures d’entraînement par jour ! C’est un compétiteur, il veut s’imposer sur chaque balle, peu importe de mal jouer, l’essentiel pour lui c’est de gagner ! " Confie son entraîneur Florian Dheilly.
Côté jeu, Merrien se définit comme un pongiste créatif doté d’un grand sens de la contre-attaque. Une qualité qui ne doit rien à l’improvisation
C’est comme si j’étais un musicien. Pour moi avant de jouer un morceau complet il faut répéter des notes et des gammes ! Je vais être beaucoup dans l’automatisation des coups et des schémas de jeu. Je dois savoir exactement où placer la balle pour que cela soit efficace. On est un sport de reflexe avec des balles qui arrivent à plus de 100 km/h ! On a besoin d’énormément observer l’adversaire. Un joueur amateur regarde la balle quand il joue, moi je ne la regarde quasiment plus, je me fie au son de l’impact de la balle sur la raquette et au mouvement de poignet de mon adversaire. C’est un sport très stratégique .
Quant au Paratriathlète il a su prouver que son accident n’avait pas altéré sa soif de victoire. Parmi les 3 épreuves de sa discipline, la course à pied est incontestablement sa grande force. Avec des pointes de vitesse à 18km/h, le champion du monde nous ferait presque oublier qu’il porte une prothèse. Ses adversaires peuvent en témoigner, sur une distance de 5 km il franchit généralement la ligne d’arrivée avec 2 minutes d’avance. En vélo il pédale en moyenne à 40 km/h pendant 20 km, seul un souci matériel pourrait enrayer son hégémonie.
"C’est peut-être l’épreuve que je redoute le plus, ça reste un sport mécanique et on est jamais à l’abri à d’un saut de chaîne, d’un déraillement, d’une crevaison ou d’une chute ! Mais à Tokyo ça va bien se passer, j’aurais un équipement au top ce jour-là ! "
L’or pour Hanquinquant, le bronze pour Merrien ?
Décrocher une médaille olympique c’est souvent le rêve d’une vie pour un sportif. A ce petit jeu Florian Merrien a déjà touché le graal avec une médaille d’or par équipe à Pékin en 2008 et une médaille de bronze en individuel à Rio en 2016. Dans quelques semaines il sera l’un des grands favoris pour être de nouveau sur la 3eme marche du podium.
Il faut déjà que j’assure cette place en demi-finale et pourquoi pas, sur un match, essayer de surprendre le Chinois et l’Allemand qui sont devant moi au classement mondial.
Pour Alexis Hanquinquant la donne est différente. Il vivra à Tokyo ses premiers Jeux Paralympiques, une échéance qu’il prépare depuis 5 ans. Sa domination dans la discipline est telle que la médaille d’or ne devrait pas lui échapper. Mais prudence le jeune britannique Michael Taylor émerge à ses côtés.
C’est un adversaire (Michael Taylor) que je n’aurais pas eu si les JO avait eu lieux en 2020 ! Aujourd’hui les cartes sont rebattues, il y a des nouveaux qui vont arriver. Je n’ai pas envie de m’endormir et je veux prouver que même avec lui je peux gagner .
Le bonheur est dans le sport
Depuis qu’il est sur le toit du monde dans sa catégorie, Alexis Hanquinquant jouit d’une belle notoriété. Les médias se bousculent pour découvrir l’aventure sportive et humaine du jeune homme de 35 ans. Une juste récompense.
? ?? Victime d'un accident de chantier, sa jambe a été amputée. Aujourd'hui il est triple champion du Monde de paratriathlon. Alexis Hanquinquant vise l'or à #Tokyo2020 #Stade2 pic.twitter.com/nfK1aYLMl7
— France tv sport (@francetvsport) May 2, 2021
Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis heureux d’avoir eu cet accident mais en tout cas je suis fier de ce que je suis devenu ! Je le dois surtout à mes proches et je les remercie d’avoir fait ce que je suis aujourd’hui.
Une plénitude qui fait écho à la personnalité de Florian Merrien. "Je ne me prends pas la tête à savoir si je lui le meilleur ou pas. Je suis bien avec mes proches et avec mon staff médical. Je suis un garçon joyeux et déconneur, c’est ma manière d’être et c’est pour moi la meilleure façon de préparer un match".
Un bonheur que leurs supporters partageront à distance. Tokyo n’accueillera pas de public mais cet été le sport normand vivra à l’heure japonaise.