INFO FRANCE 3. "Ils nous ont plaqués au sol avec les menottes" : la police se trompe de maison, un couple de Normands tétanisé

Deux quinquagénaires ont vu débarquer chez eux une vingtaine de policiers armés dès 6h du matin, près de Rouen, ce lundi 8 avril. Après avoir vérifié leur identité, la brigade a réalisé qu'elle était entrée dans la mauvaise maison.

Sylvie* (prénom d'emprunt) ne s'en remet toujours pas. Il est 6h du matin, le jour ne s'est pas encore levé. Dans sa nouvelle maison familiale de Saint-Martin-de-Boscherville (Seine-Maritime), le calme règne. Comme tous les matins, son mari, qui travaille dans le secteur du transport routier, quitte la maison à l'aube.

À peine la porte ouverte, l'homme sursaute. Il aperçoit dans son jardin vingt policiers casqués et cagoulés, leurs armes pointées sur lui. Les agents lui demandent de ne pas bouger et de ne faire aucun bruit. Le quinquagénaire est tétanisé, ses jambes tremblent. Impossible de comprendre ce qu'il se passe. 

À genoux, les mains en l'air

Sa femme est réveillée par les bruits du jardin. Sa chambre est à l'étage, elle ouvre rapidement la fenêtre. Les policiers, issus de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention) d'Evreux, lui ordonnent de ne pas bouger.

Cinq d'entre eux débarquent dans sa chambre. "J'étais à moitié nue, je leur demandais si je pouvais revêtir une culotte, mais ils étaient très agressifs", témoigne Sylvie, la gorge nouée. 

Ils m'ont mise à genoux, les mains en l'air et m'ont passé les menottes. C'était une scène de film, comme dans les reportages. Face à nous : des robots sans humanité. Ils nous ont déshumanisés.

Sylvie*

à France 3 Normandie

La femme de 54 ans est sous le choc et tente de poser des questions. Elle est au sol, elle entend les agents investiguer le reste de la maison. "J'ai les jambes qui tremblent, je ne comprends pas ce qu'il se passe, je pleure beaucoup". Le fils de son mari est au deuxième étage dans sa chambre. Il est lui aussi réveillé par la brigade qui le sort de son lit et qui arrache les rideaux de la fenêtre. Le jeune garçon est menotté, à son tour.

Une erreur de maison

Les policiers se séparent, fouillent une bonne partie de la maison, puis finissent par demander au couple leur identité. Vingt minutes plus tard, selon Sylvie, un inspecteur serait entré dans la chambre et lui aurait demandé de confirmer son prénom et son nom de famille. 

"Et là, on a compris qu'ils s'étaient trompés de maison et que nous n'étions pas les personnes recherchées", explique la femme. Les menottes leur sont retirées, la femme est autorisée à rejoindre son mari. Leur calvaire aurait duré près d'une heure.

Les policiers se sont excusés "du dérangement" et ont ensuite quitté la maison familiale. "Nous sommes restés tous les trois, nous étions sonnés, nous avons beaucoup pleuré", se remémore Sylvie. "Nous en rigolerons plus tard mais aujourd'hui, nous n'arrivons pas à leur pardonner. Humainement, c'est dégueulasse".

Quand la colère prend le dessus 

Le couple a contacté un avocat et consulté un médecin. Les deux Normands regrettent qu'aucune aide financière ne leur ait été proposée. "C'est un manque de considération, ça bouleverse notre quotidien. J'ai envie de vomir depuis hier. Le médecin nous dit qu'on a besoin d'une aide psychologique. C'est à nous de financer cela alors que nous y sommes pour rien". 

Au lendemain des faits, la famille tente de relativiser car cela aurait pu être pire. "Nous avons de la chance que mon mari ait ouvert la porte à 6h du matin, car il y avait un pied-de-biche prêt à défoncer la porte. Cela s'est joué à quelques minutes", conclut la femme.

Un "changement d'adresse" en cause

Contacté, le procureur de la République d'Evreux nous confirme cette erreur de la part des forces de l'ordre. Il explique celle-ci par "un récent changement d'adresse, dans la même rue, de la personne que les policiers cherchaient à interpeller". La police intervenait dans le cadre d’un coup de filet à l’origine de l’interpellation de 17 personnes pour des dégradations chez le cimentier Lafarge en décembre dernier à Val-de-Reuil (Eure). 

C'est bien entendu parfaitement regrettable et les enquêteurs, tout comme moi, en sont désolés.

Rémi Coutin, procureur de la République d'Evreux

à France 3 Normandie

Le couple ne sait pas encore s'il va porter plainte.

Une autre erreur de domicile 

D'après le procureur Rémi Coutin, il y a eu "une autre erreur de domicile", à Rouen ce lundi. "La porte d'un appartement, a priori loué en Airbnb, voisin de celui d'une des personnes qui devait être interpellée, a été fracturée par la BRI" a-t-il détaillé.

"Personne ne s'y trouvait et un mot a été laissé par les policiers" pour que le propriétaire "puisse être indemnisé", a précisé le procureur.

Ces interventions policières ont conduit à l'interpellation de 17 suspects, dans le cadre d'une enquête pour intrusion et dégradations dans une cimenterie Lafarge dans l'Eure, en décembre, menée par la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police judiciaire.

L'année dernière, des sexagénaires en Bretagne avaient vécu le même traumatisme. Dans cette affaire, une procédure d’indemnisation par les services du ministère de la Justice avait été mise en place.

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