Alpes-Mancelles : quand le désert médical avance

La commune de Fresnay-sur-Sarthe, limitrophe du département de l'Orne, perd un généraliste.

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"Ici, tout le monde réclame des médecins mais eux, ils veulent tous s'installer à la mer", se désole Philippe Amraoui, pharmacien à Fresnay-sur-Sarthe, commune rurale située à 160 km du littoral normand, où le prochain départ en retraite d'un des généralistes affole les habitants.

Un départ non remplacé qui sera préjudiciable à la population car les trois médecins restants ne pourront pas absorber son importante patientèle, selon Yves Gérard, vice-président de la communauté de communes des Alpes Mancelles. Pour cet élu, il s'agit "d'un drame" à venir, notamment pour les nombreuses personnes âgées du canton, fortes consommatrices de soins et généralement peu mobiles.

A Fresnay-sur-Sarthe, il y aurait facilement du travail pour cinq médecins. Au lieu de quoi, les patients doivent se déplacer à plusieurs kilomètres de leurs domiciles pour trouver un praticien disponible. C'est ainsi que les 2 230 habitants de la commune sont déjà tenus de faire 40 km vers Le Mans ou 20 km vers Alençon pour consulter un spécialiste.


Fresnay-sur-Sarthe, malgré son collège, son cinéma et son espace culturel, ne parvient pas à attirer de nouveaux généralistes, à l'instar de nombreuses communes de la Sarthe où la densité de médecins libéraux reste inférieure à la moyenne nationale. Et la situation risque de s'aggraver : dans l'hypothèse du départ en retraite à 65 ans des médecins et de leur non-remplacement, la densité chutera de 78 à 53 généralistes pour 100 000 habitants d'ici cinq ans. La moyenne nationale est de 98 médecins pour 100 000 habitants.

L'aspiration à un exercice en groupe de la médecine - leur laissant davantage de temps - explique en partie cette désaffection des jeunes médecins, qui touche les zones rurales. C'est ainsi que des maisons de santé commencent à éclore en Basse-Normandie, regroupant plusieurs médecins, des infirmières ou encore des kinésithérapeutes.

C'est d'ailleurs l'une des premières questions posées par les étudiants en médecine sollicités pour s'installer en zones rurales : "les premières questions que nous posent les étudiants en médecine sont : avez-vous des maisons de santé pluridisciplinaires ? Quelle est l'offre culturelle, de transport, de garde d'enfants et de travail pour le conjoint ?", affirme Jean-Pierre Vogel, chargé de la commission "démographie médicale" du conseil général de la Sarthe. On sait que les départements de l'Orne et de la Manche multiplient les démarches auprès des étudiants en médecine pour qu'ils vienent s'installer sur leur territoire, multipliant les aides pour les convaincre.

Pour dérouler le tapis rouge aux médecins, les élus sarthois n'ont pas lésiné eux non plus sur les moyens.

Le conseil général - outre des aides financières aux étudiants effectuant leur stage en Sarthe - a signé 15 conventions avec des étudiants s'engageant à exercer en zone déficitaire pendant au moins cinq ans, contre une bourse d'études de 25 000 euros. "Ce n'est pas si mal, même si c'est insuffisant pour remplacer les départs", juge Jean-Pierre Vogel.

Le conseil général prévoit également des aides à l'investissement, allant jusqu'à 160 000 euros, pour la construction de quinze maisons de santé d'ici 2015.


Mais dans la communauté de communes des Alpes Mancelles en revanche, le projet de maison de santé à Fresnay ne pourra bénéficier de ces subventions, faute de médecins pour signer.

"On proposera quand même 600 000 euros d'investissement, au risque d'avoir des locaux vides", affirme Yves Gérard, qui admet réfléchir "sérieusement" à la "solution du salariat", sur le modèle adopté par La Ferté-Bernard.

Cette ville sarthoise de 10 000 habitants, confrontée à une pénurie de médecins, avait fait sensation l'été dernier en salariant directement deux généralistes pour pallier "les carences du privé". Un modèle auquel "on sera peut-être contraint", explique Yves Gérard, qui regrette que "l'ordre des médecins ou l'Etat ne soit pas plus interventionnistes".

"On aurait du mal à imaginer qu'une petite école dans le Nord n'ait pas d'enseignant...", estime-t-il. "Il faudrait que les jeunes médecins comprennent que tout le monde ne peut pas s'installer dans un quartier bourgeois à Nice".

D'autant que les "vieux" médecins voient d'un œil critique toutes les aides déployées pour attirer de jeunes confrères quand eux ont doivent faire face seuls à leurs charges et à leurs investissements.

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