Les victimes d'attouchements de la Communauté des Béatitudes attendent justice
Rodez:frère des Béatitudes coupable d'attouchement
Le frère Albert de la communauté des Béatitudes a reconnu s'être livré à des attouchements sur des enfants.
La première plainte a été déposée en 2000, à Avranches (Manche). Le frère Pierre-Etienne Albert, ancien membre de la communauté des Béatitudes, a reconnu des attouchements sur une cinquantaine d'enfants. Il se retrouve à partir de ce mercredi face à neuf de ses victimes, au tribunal correctionnel de Rodez.
Un silence complice
Plusieurs responsables de la communauté ont reconnu avoir été au courant des agissements du chantre, qui "n'est ni prêtre ni diacre" selon la communauté, entré aux Béatitudes à l'âge de 25 ans, et n'ont rien dit: tel le fondateur de la communauté, Gérard
Croissant, alias frère Ephraïm. Ils devraient être entendus comme témoins.
Poursuivi pour agressions sexuelles sur mineurs, Pierre-Etienne Albert, 60 ans, comparaît libre. Il était le chantre de la communauté, en charge des chants et de la liturgie. Il avait un ministère itinérant qui l'amenait dans les dizaines de "maisons" de la communauté, qui revendique en avoir fondé 70 sur cinq continents.
Il a multiplié attouchements, caresses, baisers sur une cinquantaine d'enfants de 5 à 14 ans, dans toute la France, entre 1985 et 2000. Mais nombre d'entre eux ne peuvent pas le poursuivre en justice, en raison des délais de prescription pour ce type de délit.
Seuls 38 dossiers peuvent être instruits.
Des faits dénoncés en 2000.
Ce procès "arrive très tard" alors que les faits ont été dénoncés dès 2000, déplore Stéphane Mazars, l'avocat d'une des plaignantes, Solweig Ely. Saisi cette année-là, le tribunal d'Avranches (Manche) s'était déclaré incompétent et le dossier est resté dormant jusqu'en 2008.
"Les faits ne sont pas gravissimes", estime l'avocate du frère Pierre-Etienne, Me Elisabeth Rudelle-Vimini, qui parle de "gestes déplacés" pour lesquels son client risque dix ans de prison. "Il est conscient du mal qu'il a fait et il a des regrets", ajoute-t-elle.
Pour Me Mazars, dont la cliente vient de publier un livre intitulé "Le silence et la honte" sur sa "vie brisée", Solweig Ely veut savoir "pourquoi il y a eu dysfonctionnement de la justice, pourquoi certains ont su et n'ont rien fait..."
"Mon client veut arriver à déterminer pourquoi ces faits ont été commis sur tant de victimes et si quelqu'un savait", note également pour sa part l'avocat d'une autre victime, Me François-Xavier Berger, qui a cité comme témoin l'ancien archevêque d'Albi de 2000 à 2010, Pierre-Marie Carré.
Son client, aujourd'hui âgé de 24 ans, a été victime d'attouchements à une seule reprise, et ne s'en est pas rendu compte parce qu'il dormait. Il l'a appris quand son nom est apparu sur la liste rédigée par le prévenu lui-même, et "s'est senti sali", selon Me Berger.
Les centres des Béatitudes.
Les parents hébergés dans les centres des Béatitudes "déléguaient leur autorité parentale pour se consacrer à la dévotion", note Me Elisabeth Rudelle-Vimini. Beaucoup ont eu "une enfance fracassée par leur famille, ils ne peuvent pas faire retomber sur le frère Pierre-Etienne l'origine de tous leurs malheurs", estime-t-elle.
A la veille du procès, la communauté "reconnaît" dans un communiqué que "des actes très graves ont été commis" par "cet ancien frère consacré, qui n'est ni prêtre ni diacre (...) très proche du fondateur Ephraïm". Elle "tient à exprimer aux victimes et à leur famille sa douleur, son regret, sa honte devant de tels abus".
Mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, en février 2008 à Rodez, l'accusé vit "isolé, entouré de proches, sans contact avec des enfants", et "il est dans une démarche de soins et de repentir", selon son avocate.
Le procès devrait durer deux jours.