Le 25 novembre est la journée internationale de lutte contre les violences subies par les femmes dans le monde. L'occasion de faire un point sur l'action de certaines associations dans notre région, ainsi qu'un tour d'horizon des engagements pris pour faire reculer ce fléau.
Le ministère de l'Intérieur a fait part ce lundi des derniers chiffres dont il dispose concernant l'enregistrement par les forces de l'ordre des violences à l'encontre des femmes. En 2020, ce chiffre a augmenté de 10%. Un constat que Laurent Logiou, le directeur de l'AFFD -association des femmes et des familles en difficultés- fait lui aussi dans sa structure havraise. "On a mis en place un pôle écoute fin 2019, 24H/24, 7 jours/7. L'année dernière on a eu 170 femmes qui sont passées dans ce pôle, aujourd'hui on est déjà au mois de novembre à 210". Un chiffre qui s'explique sans doute par une hausse des violences dans la société, mais surtout par le fait que l'on ose aujourd'hui en parler. La parole s'est libérée, et les femmes vont plus facilement vers des organismes ou des structures susceptibles de recueillir leurs paroles et de les épauler dans leurs démarches.
A l'association des femmes et des familles en difficultés du Havre, centre d'hébergement et de réinsertion sociale, les victimes de violences conjugales sont mises à l'abri dans un premier temps, puis vient la phase difficile du dépôt de plainte contre l'agresseur. Or les langues se délient aussi sur l'accueil désinvolte, voir désastreux de certaines d'entre elles dans les commissariats. Les victimes ne seraient pas toujours prises au sérieux, et certaines renonceraient même à se faire aider. Marlène Schiappa, ministre chargée de la citoyenneté, a ainsi annoncé cette semaine que des tests étaient en cours dans certaines villes de France pour proposer de déposer plainte ailleurs qu'à la police.
"Dans l'agglomération havraise, ça a bien progressé cette année. La police a commencé à former des agents pour accueillir les femmes victimes de violences. Nous on a une convention avec la justice et la police pour pouvoir directement amener les plaintes et prendre des rendez-vous avec la police. On peut aussi faire enregistrer les plaintes à l'association ou dans les hôpitaux. Encore faut-il qu'il y ait suffisamment de forces de police pour faire ce travail" nous explique Laurent Logiou, le directeur de l'AFFD au Havre.
Grande cause nationale
Si cette prise en compte des violences à l'égard des femmes progresse, c'est aussi parce que le gouvernement en a fait une grande cause nationale depuis 4 ans, avec notamment en 2019 le lancement d'un Grenelle contre les violences conjugales, qui concernent plus de 220 000 femmes chaque année. Ces actions avaient été décidées après de fortes mobilisations contre les féminicides. Parmi les lois et mesures mises en place figurent le déploiement de bracelets anti-rapprochement destinés à éloigner les agresseurs, ainsi que le téléphone "grand danger", un outil attribué aux femmes victimes. "Il y a deux ans il y en avait trois chez nous, aujourd'hui il y en a 12. C'est un système qui fonctionne bien. Les femmes sont dotées d'un téléphone par le procureur de la république, elles sont géolocalisées. Si elles appuient sur cette touche, les forces de l'ordre interviennent dans le quart d'heure qui suit" poursuit Laurent Logiou. L'Eure fut aussi l'un des premiers départements à déployer ces téléphones il y a sept ans, et dispose aujourd'hui de 18 appareils.
Les associations sont mitigées par rapport à ces politiques publiques, arguant de moyens insuffisants alloués à ce fléau, notamment en matière de prévention, d'accompagnement social ou de créations de places d'hébergement. "Le jour où la France mettra autant de moyens que l'Espagne je pense que ce sera encore mieux, mais il faut quand même reconnaitre que ces deux dernières années, il y a eu beaucoup d'efforts d'effectués" conclut Laurent Logiou.
Le Premier ministre Jean Castex a par ailleurs annoncé ce jour une nouvelle série de mesures :
-la création de 1000 nouvelles places d'hébergement pour l'année 2022, ce qui portera à 9000 le nombre de places dédiées à l'accueil des victimes de violences conjugales.
-5000 téléphones "grave danger" supplémentaires
-la création d'une "semaine de l'égalité entre les filles et les garçons", la semaine du 8 mars 2022
Manifestations, expositions, débats : en parler c'est agir
L'association noustoutes.org très impliquée dans cette journée et qui organise des manifestations partout en France aujourd'hui rappelle sur son site internet quelques chiffres édifiants.
-93 000 femmes sont victimes chaque année en France d'un viol ou d'une tentative de viol
-32% des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel au travail
-80% des plaintes communiquées à la justice sont classées sans suite
-152 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex conjoint en 2019 -102 en 2020-
En parler, communiquer, ne pas oublier sont aussi des armes pour lutter contre ce fléau des violences faites aux femmes.
Les préfectures, les municipalités et les collectivités locales ont la charge de mettre en place les politiques publiques, mises en oeuvre par un réseau d'associations. A la préfecture de l'Eure ce jeudi matin, un protocole de lutte et de prévention contre les violences faites aux femmes a été signé entre 42 acteurs impliqués dans cette lutte. Des violences conjugales qui représentent entre 900 et 1000 dossiers par an dans ce département. Une cellule de traitement de ces dossiers a été mise en place au parquet d'Evreux, pour que chaque plainte lui soit transmis dans les plus brefs délais. La Normandie dispose également de deux centres de prise en charge des auteurs de ces violences afin de tenter d'agir avant qu'un drame ne se produise.
Des manifestations ont déjà eu lieu ce samedi 20 novembre en Normandie pour initier 16 jours d'activisme international jusqu'au 10 décembre, journée des droits de l'homme. D'autres manifestations se dérouleront aujourd'hui à différentes heures de la journée à Caen, Cherbourg, Rouen, Le Havre, Evreux ou Dieppe, à l'appel notamment de l'association #noustoutes.
Enfin une action symbolique mais lumineuse, la tour des archives de Rouen s'illuminera cette nuit du 25 au 26 novembre d'une couleur orangée, les Nations Unies ayant donné pour thème à cette journée 2021 de lutte contre les violences faites aux femmes : Oranger le monde, mettre fin dès maintenant à la violence à l'égard des femmes.