Le Premier ministre et trois de ses ministres étaient dans la Manche ce vendredi. Deux ans après le Grenelle des violences conjugales, ils sont venus constater sur le terrain les réalisations et les évolutions nécessaires.
C'est un anniversaire particulier. Celui du "Grenelle" des violences conjugales il y a deux ans, après un intense travail de sensibilisation des associations féministes à ces violences qui transcendent toutes les couches de la société. Un Grenelle ponctué par la plus grande manifestation de l'histoire contre les violences faites aux femmes, des dizaines de milliers de manifestants étaient descendus dans la rue, une marée violette à Paris et en province pour dire "pas une de plus " alors que cette année-là, le nombre de féminicides atteignait au moins 116 femmes ( AFP) tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Sur l’ensemble de l’année 2018, le chiffre avait atteint 121 femmes victimes, selon le ministère de l’intérieur. Environ 213 000 femmes étaient alors victimes chaque année de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint. Au final, 46 mesures avaient été décidées par le gouvernement.
Deux ans plus tard, quels sont les effets des mesures annoncées alors par le gouvernement ?
Ce vendredi, Jean Castex et trois de ses ministres, les ministres de la Justice, de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Citoyenneté, sont venus sur le terrain, dans la Manche, pour constater les réalisations.
Ils se sont d'abord vu présenter sous forme d'ateliers les dispositifs d’accueil des victimes au tribunal judiciaire de Coutances. Le procureur de Coutances Cyril Lacombe a noté que " ça commence à bien fonctionner mais on a pas fini de découvrir les ravages et l'étendue des violences intrafamiliales". Le magistrat décrit une fluidité qui commence à se mettre en place entre les services pénitentaires, de police, de gendarmerie et de justice où il s'agit de faciliter les échanges entre magistrats du siège et du parquet et les associations. Pour rappel, début juillet, une mission d’inspection diligentée après un féminicide à Hayange ( Moselle) avait conclu à la "nécessité absolue" d’une meilleure coordination dans le traitement des violences familiales. Même scénario dramatique à Merignac en Gironde.
Sur la juridiction de Coutances, il y a trois bracelets anti rapprochement et 9 téléphones grave danger, dont 6 en fonctionnement, indique Delphine Jumelin, directrice de l'association d'aide aux victimes, de contrôle judiciaire et de mediation pénale pic.twitter.com/N5dJ8PwwPB
— France Bleu Cotentin (@fbleucotentin) September 3, 2021
Eric Dupont-Moretti, garde des Sceaux a noté que " certaines évolutions sont de vraies révolutions technologiques ou encore juridiques (...), la marge de progression reste immense".
Annonces et bilan
Le chef du gouvernement a dévoilé qu’un fichier des auteurs de violences conjugales allait être créé, mais qu’il ne serait pas en service avant 18 mois. Jean Castex a indiqué que les ordonnances de protection avaient augmenté et que les stages de prévention des violences conjugales sont passés " de 1666 en 2018 à 9105 sur l’année 2020 ". "Dans la région, il ya eu une augmentation très conséquente du nombre d'ordonnances de protection, de 119 en 2019, nous en sommes à près de 191" note Hugues Desmoulins, Directeur Régional aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Autre avancée : les capacités d’accueil pour les victimes de violences conjugales auront augmenté, d’ici la fin de l’année, " de 60 % par rapport à 2017 ", avec de nouvelles places d’hébergement d’ici fin 2021. " Sur la question de l'hébergement, on commence seulement à voir une ouverture , c'est une grosse problématique car c'est souvent le 115 qui oriente ces femmes vers des solutions précaires et ce n'est pas adapté, les violences conjugales concernent, rappelons le, toutes les couches de la société, elles ont augmenté significativement pendant le confinement" note Jean-Luc Godet, directeur de l'association normande Itinéraires en charge de l'hébergement d'urgence et pérenne pour victimes de violences conjugales.
" Dans la région, les places d'hébergement ont augmenté de près de 32 % entre 2019 et 2020 sous l'impulsion du Grenelle, tout cela va dans le bon sens. C'est un travail global qui s'initie. Nous sommes l'une des seules régions à former les médecins libéraux à repérer les signes de violences conjugales avec les questions de levée de secret medical intrinsèque, indique de son côté Hugues Desmoulins. Nous menons un travail avec les entreprises également pour les accompagner à aider les salariés victimes. Les mesures annoncées vont dans le bon sens, il y aura autant de bracelets anti-rapprochements que de besoin et puis, dans la région, on s'adresse aussi aux auteurs avec des centres de prise en charge ( à Evreux et à Coutances ) pour leur hébergement ou la prise en charge d'addictions. Le travail est en marche. "
Des féminicides en Normandie
L'an dernier, selon le ministère de la justice, 90 femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon. La région Normandie n'est évidemment pas épargnée par ces drames. En avril 2021, dans les rues du Havre, une maman de 5 enfants est mortellement poignardée par son conjoint.
Le 21 janvier 2021, 300 personnes défilent dans les rues d’Alençon en mémoire de Laura Tavares, une jeune femme de 22 ans morte sous les coups de marteau de son ex petit-ami.
En Juillet 2020 une femme de 38 ans est étouffée par son mari à Ifs.
Fin 2019, à Caen, une mère de famille de Caen est rouée de coups par son compagnon.
Rappel: le numéro d'écoute est le 3919 pour les femmes victimes de violence accessible 24h/24 et et 7 jours sur 7. Numéro gratuit et anonyme. C'est un numéro d'écoute.
Le 3919 n'est pas un numéro d'urgence.
En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.