Ce qui semble être un loup gris a été photographié il y a quelques jours par un habitant de Seine Maritime, au nord du village de Londinières dans le Pays de Bray. Là où les derniers loups référencés en Normandie avaient été abattus dans les années 1870-1880. Retour sur une histoire passionnante. 

Le loup, ennemi numéro 1 des campagnes normandes au 19ème siècle reviendrait-il dans notre région ? 

Contrairement aux idées reçues, à l'origine, le loup ne vivait pas en meute dans les montagnes mais dans les plaines, dans des zones d'habitat dispersé et dans les forêts. Ce type d'espace lui permettait de se reproduire, de se cacher et de trouver des animaux d'élevage à attaquer et à manger. En Normandie, des loups s'en sont pris aussi aux êtres humains. Les principales cibles étaient les femmes et les enfants, les loups s'attaquaient donc aux personnes vulnérables. 

Le dernier drame mentionné en Normandie remonte à 1821. Une fillette de l'assistance publique, prénommée Marie, est dévorée par une louve

Les Normands victimes de loups féroces 

Dès le Moyen-Age, la Normandie et sa population sont frappées par de nombreuses attaques de loups. C'est l'une des régions les plus touchées de France. Cette menace perdure juqu'à la fin du 19è siècle.
Autour d'Evreux, de 1630 à 1720, les autorités dénombrent une soixantaine de victimes. Le dernier drame mentionné en Normandie remonte à 1821. Une fillette de l'assistance publique, prénommée Marie, est dévorée par une louve alors qu'elle jouait avec des amis à l'entrée d'un bois non loin d'Ivry-la-Bataille dans l'Eure. 

Des animaux pris pour cible : l'élevage en danger 

L'agriculture était la première activité économique en Normandie. Par conséquent, les attaques de loups sur les moutons, les vaches, les volailles ou les chevaux inquiétaient particulièrement les éleveurs au 19ème siècle. 
Aux alentours de 1830, dans la région d'Evreux, un éleveur bovin se désole de la mort quasi quotidienne de vaches de son cheptel. En 1826, dans l'Orne, dans le secteur de la forêt d'Andaine, des chevaux de voituriers-transporteurs sont tués ou sévèrement blessés par des loups. 

Des battues sont organisées, des primes aux loups sont versées à ceux qui tuent les bêtes responsables de la mort ou de la mutilation d'êtres humains et d'animaux.

Une politique d'éradication du loup au 19ème siècle

Face aux multiples dangers que reprense le loup, les élus de la IIIème République ou les préfets mettent en place une stratégie pour éradiquer le loup des territoires normands. 
Des battues sont organisées, des primes aux loups sont versées à ceux qui tuent les bêtes responsables de la mort ou de la mutilation d'êtres humains et d'animaux. En Normandie, ces primes sont fortement augmentées pour inciter les habitants à partir à la chasse aux loups. A cela s'ajoute une nouvelle législation qui augmente le nombre de chasseurs et l'évolution technologique du fusil. Deux coups peuvent être désormais tirés. Ces facteurs réunis ont entrainé la disparition du loup en Normandie. La dernière prime aux loups dans la région a été octroyée en 1888. Pour toucher le pactole, le chasseur devait avoir coupé les deux oreilles de l'animal et les avoir ramenées aux autorités.   

Un historien spécialiste du loup à l'Université de Caen 

Toutes ces précieuses informations ont été collectées par le spécialiste national du loup : Jean-Marc Moriceau. Professeur à l'Université de Caen, il anime depuis 25 ans le pôle rural de la Maison de la recherche en sciences humaines. Il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages sur l’histoire des paysans et sur la faune sauvage et a publié aux éditions Orep un livre passionnant Le Loup en Normandie.

C'est comme si instinctivement le loup revenait là où il s'était établi avant d'en être chassé par l'homme

Il est particulièrement attentif à un éventiel retour de cet animal dans la région : "Ces clichés pris au début du mois d'avril dans le Pays de Bray m'intéressent. C'est dans ce territoire de la forêt d'Eu à la forêt d'Eawy que le loup a été éradiqué au 19ème siècle. C'est comme si instinctivement le loup revenait là où il s'était établi avant d'en être chassé par l'homme. Même s'il y a eu des changements depuis, l'habitat dispersé et les animaux d'élevage sont toujours bien présents dans ce territoire normand."
 

La chronique sur le loup en Normandie avec Jean-Baptiste Pattier, Jean-Marc Moriceau, montage : Pierre Léonard : 
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