Plus de médecin, les écoles qui ferment et pas de transport en commun : comment les petites communes peuvent-elles lutter contre l’abandon des zones rurales ?

Désertification médicale, menace de fermeture d'école, absences de transports en commun sont le quotidien des habitants de certaines zones rurales paupérisées. Direction Passais-Villages, au sud-ouest de la Normandie, à la découverte d’une commune touchée qui ne se laisse pas couler.

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Depuis plusieurs mois, la grande consultation nationale MaFrance2022 vous permet d’exprimer vos propositions en vue de l’élection présidentielle. Le thème de la ruralité et du délaissement des campagnes y est souvent abordé. 

Passais-Villages est située aux confins de la Normandie, aux confluents de l’Orne, de la Manche, de la Mayenne et de l’Île et Vilaine. Une position stratégique, à la croisée des chemins mais loin de tout. Flers et Mayenne, les deux « agglomérations » les plus proches sont à 30 et 40 minutes de route, leurs hôpitaux et maternités aussi. Gorron et Domfront, les villes moyennes, à 10 et 20 km, leurs supermarchés aussi.

La commune est enclavée, sans aucun service de transports en commun. Difficile donc de vivre sans voiture quand on est Passagien. Pour éviter aux habitants l’angoisse de la panne, les élus ont installé une station essence communale en 2014. Un investissement de 121 500€, subventionné de moitié, vite adopté et aujourd’hui indispensable.

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Passais-Villages dans l'Orne accueille une station essence communale depuis 2014, très utile pour ses habitants. ©France Télévisions

La mairie prélève une marge d’environ 5 cts par litre pour permettre le remboursement de l’emprunt et l’entretien de la station. Le carburant est, en général, légèrement plus cher que dans les enseignes franchisées, mais à une époque où remplir son réservoir est devenu presque un luxe, il n’est pas impossible de tomber sur une bonne surprise à la pompe de Passais.

Les prix ne sont pas remis à jour au quotidien. Les tarifs ne sont corrigés que lors des ravitaillements. Il y a une quinzaine de jours, il y avait facilement 10, 15 centimes de moins que les supermarchés alentours.

Gaëtan, garagiste à proximité de la station essence communale

Côté commerces, le nécessaire vital

Isolé certes, Passais-Villages n’est pas non plus un hameau abandonné au milieu de la campagne. Comme l’explique Arlette, Passagienne depuis 39 ans, on y trouve tous les commerces nécessaires à la vie quotidienne.

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Arlette, habitante de Passais-Villages satisfaite de l'offre de services dans cette commune rurale du sud-ouest de l'Orne. ©France Télévisions

La petite épicerie locale, un Viveco, était tenue jusqu'à la semaine dernière par Nicole Margerie et Jean-Pierre Rocher. Après 17 ans à achalander les rayons et encaisser les emplettes des Passagiens, l'heure de la retraite a sonné. Pour les remplacer, Aurélie et Maximilien Sineux, un couple de trentenaires originaires de Passais et déjà à la tête du Proxi de la commune voisine de Céaucé.

On part du principe que l'épicerie est un maillon important de la vie d'une commune. On sait qu'on a pas même prix de vente que les supermarchés, mais les habitants ont besoin de nous. Ces dernières années, je me suis aperçu que dans notre monde rural, il y a bcp de personnes isolées. On se doit de leur apporter des solutions. Comme nous le faisons déjà à Céaucé, nous développerons à Passais un système de livraison de courses à domicile.

Maximilien Sineux, gérant des épiceries Proxi de Céaucé et de Passais-Villages

En plein centre-bourg, on découvre également un bar-restaurant : le Bistrot du coin. Il est cependant fermé en journée la plupart de la semaine et n'ouvre qu'en soirée, à partir de 18h. Un rythme très british et pour cause, il est tenu par des Anglais. Ce qui n'est pas sans incidence pour les relations sociales et l'attractivité de la commune. "Nous les Français, on est de la journée, pas du soir", plaisante un habitant, en pleine partie de pétanque.   

Si les commerces de premières nécessités sont bien là, l’offre médicale inquiète au plus haut point les habitants. "Nous n’avons qu’un seul médecin pour toute la commune. Il va bientôt partir à la retraite… Et à la fin du mois, l’autre docteur le plus proche, à Saint-Fraimbault, sera en retraite".

A la Mairie, depuis quelques années, on fait des pieds et des mains pour obtenir du département la venue d’un médecin salarié. D’ailleurs, un local est déjà disponible pour accueillir une Maison médicale, dans laquelle pourraient se greffer les deux infirmières libérales de la commune, ainsi que le dentiste. Si l’on y ajoute le cabinet vétérinaire, l’offre de soins est, pour l’heure, tout à fait honorable pour une commune rurale de 1200 âmes. Honorables, certes, mais aussi précaire à moyen terme.  

Quant à l'offre des services de l'Etat, elle s'articule autour d'une Maison France Services, installée au sein d'un bureau de Poste flambant neuf. Nathalie Cordelois en gère la direction et l'accueil.

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Nathalie Cordelois, gérante du bureau de poste et agent d'accueille Maison France Services ©France Télévisions

La Mairie se bat bec et ongle pour maintenir les essentiels de la vie pour les seniors et les actifs, et il en va de même pour la jeunesse. Le fermeture du collège est une ritournelle chantée chaque année depuis des décennies. "Quand j'étais collégienne, on en parlait déjà" se souvient Céline Taburet, gérante du bureau de tabac-presse. 

Aujourd'hui, l'établissement est toujours ouvert. Cependant, pour éviter la disparition, il a dû fusionner avec celui de Céaucé, distant de 13km pour former le seul collège multisites du département.  

Il y a une classe de chaque niveau dans les deux collèges. Afin d'offrir aux élèves de 4ème et 3ème plus d'homogénéité et d'ouverture, ils se rassemblent sur un même établissement un jour par semaine. Quant aux professeurs, un système de navettes est en place pour qu'ils puissent se rendre d'un établissement à l'autre au cours de la journée.

Vincent Mauchrétien, principal du collège René Goscinny

Pour prouver sa raison d'exister, le collège peut compter sur une équipe pédagogique motivée, pas avare en projets. Une section football a été créé en 2019, des résidences d'artistes sont organisées au sein de l'établissement, un séjour au ski est proposé aux élèves et même une virée parisienne au prestigieux Lycée Louis Le Grand à Paris. Le but étant d'offrir les mêmes chances de réussir à un élève du monde rural qu'à un autre scolarisé en agglomération. 

La jeunesse, enjeu d'avenir

A côté de l'école, la jeunesse passagienne se retrouve au centre de loisirs. Ouvert aux 4-12 ans, il permet aux enfants de se retrouver les mercredis autour d'activités manuelles ou sportives. Depuis quelques mois, le centre a mise en place une offre pour les adolescent, un "Espace jeunes", ouvert de 16h à 19h le vendredi pour permettre aux collégiens, voire aux lycéens de se retrouver, échanger et pratiquer des activités libres autour d'un goûter. 

Garder la jeunesse sur le territoire, c'est l'enjeu de la municipalité passagienne. Pour y parvenir, conserver les établissements scolaires est une priorité. Cela dit, pour la Maire déléguée Dominique Morel-Gillot, il est primordial de réussir à capter de nouveaux habitants, si possible de nouvelles familles. 

Une commune qu'on empêche de s'étendre

Résultat de la fusion en 2016 de Passais-la-Conception, Saint-Siméon et L’Epinay-le-Comte, la commune nouvelle du Sud-Ouest de l’Orne s’étend sur un territoire immense : 42 km², soit l’équivalent des superficies cumulées de Caen et Rouen.

La densité de population est évidemment bien moindre, puisque seulement 1200 passagiens y vivent. C'est presque un tiers de moins qu'il y a 30 ans. Les élus aimeraient bien attirer davantage d'habitants, mais ils se heurtent à un problème administratif. En effet, le Plan local d'urbanisme (PLU) n'autorise pas de nouvelles constructions. Impossible de grignoter sur les terres agricoles, qui représentent pourtant les trois quarts du territoires. 

S'il fallait retenir une requête de la part des élus de Passais-Villages en vue des Présidentielles d'avril prochain, ce serait celle-ci : une plus grande liberté d'utilisation des terres communales, tout en préservant au maximum l'environnement. Pour simplifier, il faudrait revenir sur le Zéro artificialisation nette en 2050, une directive née du Grenelle pour l'environnement. 

Passais-Villages, exemple de citoyenneté

Car dans la commune ornaise, on est à cheval sur la citoyenneté. Le label "Marianne de civisme" décerné l'an dernier en atteste. Passais-Villages est l'une des communes de France où l'on se rend le plus assidûment aux urnes. 68% de la population a voté lors des dernières élections municipales. En 2017, le taux de participation était de 82% au premier tour, bien au dessus de la moyenne française. 

Résultat du premier tour de la Présidentielle 2017 à Passais-Villages

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